Le jeune aventurier Everett Ruess disparait en novembre 1934 sans laisser de traces dans l’Utah, près du fleuve Colorado et de Monument Valley. Il a alors 20 ans. Ruess était un artiste prometteur, illustrateur et poète, passionné par la nature, explorateur et ami de la photographe Dorothea Lange. Évidemment, sa disparition reste un mystère. Il reste sa correspondance avec ses parents où est détaillé son voyage et qui inspire le film-documentaire entrepris par Emmanuel Tellier.
Originaire de Tours où il apprend piano, guitare, basse au conservatoire, Emmanuel est journaliste aux Inrockuptibles depuis 1989, puis rédacteur en chef de Télérama en 2006. Depuis le début des années 80, Emmanuel fonde plusieurs groupes Another Country, A Scottish Mosquito, The Pop Ministers, Chelsea, Melville, et en 2009, le quatuor 49 Swimming Pools dont les influences comptent Bowie et le Velvet Underground. C'est avec cette formation qu'il signe en 2018 How the Wild Calls to Me qui nous convie à reprendre le même chemin que le jeune californien, à suivre sa trace en rencontrant des gens passionnés par cette histoire en Arizona et Utah. L'excellent musicien Emmanuel Tellier décide de tourner un documentaire sur le mystère Everett Ruess, qui accompagne cette bande originale, concoctée en amont. Le tout paraît en 2019 sous format DVD et CD.
Le documentaire nous fait voyager dans l'Amérique des années 30, sous fond de crise, à la recherche du jeune défenseur des indiens et protecteur de la faune et flore, les pieds sur terre et la tête dans les nuages. La Disparition d’Everett Ruess, film et musique, signés Emmanuel Tellier, sortent le 8 Mars 2019.
Né en mars 1914, à Oakland en Californie, Everett fait ses premiers voyages de découverte de la nature du grand Canyon en 1924 avec sa mère Stella. A 13 ans, il crée une sorte de mini musée dans sa chambre, comprenant une vingtaine de têtes de flèches indiennes puis à 15 ans rêve de devenir écrivain.
A 16 ans, il entreprend ses premiers voyages en solitaire : Big Sur, Point Lobos, Carmel, Yosemite et poursuit son exploration en hiver 1931, Monument Valley, Grand Canyon, Zion Canyon, Superior, Roosevelt etc. En 1932, sa mère Stella Everett Knight Ruess, participe à la parade et aux danses de la cérémonie d'ouverture des JO de Los Angeles et Everett repart sur les cimes du Canyon en avril avec deux copains avant que ceux-ci le laissent poursuivre seul en mai. En Juillet 32, Everett traverse Kingman, Needles, Mojave, king's canyon, écrit à ses parents qu'il n'envisage pas de revenir vivre en ville.
Il repart en 1933 sur les traces des Navajo, emmené en voiture par son frère Waldo, entre à l'université où il s'ennuie ferme et s'installe quelques temps à San Francisco où il rencontre peintres, musiciens (de musique classique qu'il aime), fréquente des galeries, des écrivains, et pense de nouveau à reprendre l'aventure de l'exploration vers Escalante et ses sentiers comme Hole-in-the-rock, célèbre par un convoi de pionniers mormons en 1879-80.
15 novembre 1934, le climat est rude, l'endroit non accueillant manque d'eau et après un repas partagé avec deux frères bergers qui trouvent qu' Everett n'est pas assez équipé, il reprend la route seul vers le sud du fleuve Colorado. Ce sera la dernière fois qu'il sera vu vivant. Ses parents ne cesseront de le chercher, organisant des expéditions avec plusieurs cavaliers. On retrouvera les deux mules d'Everett au bord de la rivière Escalante au mois de mars 1935.
Je conseille ardemment le disque d'Emmanuel Tellier et ses 23 titres, instrumentaux et chansons dédiés à la mémoire du jeune explorateur volatilisé. La Disparition d'Everett Ruess est magnifique. Les mélodies somptueuses et la voix vibrante d'Emmanuel forment un disque émouvant et poétique à l'image du jeune héros, de sa vaillance, sa poésie, son attachement familial et sa sensibilité. Cet album est celui que j'ai le plus écouté en 2019, au top du classement des disques Piggledy Pop.