Sylvain Tesson : Notre-Dame de Paris, Ô Reine de Douleur
15 avril 2019, jamais dans l'histoire de la chrétienté la Semaine Sainte n'aura été autant douloureusement touchée. La cathédrale Notre-Dame de Paris est en feu. Le monde entier a froid.
La France chrétienne subit des attaques depuis plusieurs années et de façon crescendo, les églises sont vandalisées depuis le début de l'année 2019. Un tourbillon de profanations a lieu partout dans le pays et dans le monde. C'est un acharnement : assassinats de prêtres, agressions, enlèvement d'ecclésiastiques, attentats, vols, vandalisme, incendies. L'église Saint-Sulpice de Paris brûle le 18 mars 2019 avant le drame de Notre-Dame. Ce déferlement de haine en devient choquant, excessivement violent et le silence médiatique qui entoure ces exactions l'est aussi. Il y une suite grave et une augmentation de meurtres, d'attaques d'humains et de monuments. Pourquoi le taire et se rendre complice de ces atrocités?
Au 15 avril 2019, des milliers de chrétiens dans le monde sont persécutés, exécutés, des milliers d'églises subissent pillages, incendies criminels et actes de vandalisme. Et après? Cela continue...le dimanche de Pâques, au Sri Lanka, trois églises et hôtels attaqués lors de huit attaques d'islamistes, 258 morts dont 45 enfants. La liste s'alourdit quand le dimanche 29 avril 2019 au Burkina Faso, un attentat islamiste dans une église fait cinq morts, puis encore au même endroit, le 12 mai 2019, une vingtaine de terroristes tirent sur les fidèles pendant la messe, six morts dont un prêtre. La liste s'allonge, s'accentue et la christianophobie déferle dangereusement.
Valeurs Actuelles, lance une alerte le 12 novembre 2018, avec son article "Montée de la christianophobie" : "En effet, n’en déplaise à certains, les exactions perpétrées à l’encontre des chrétiens sont aussi graves que celles perpétrées à l’encontre des juifs ou encore des musulmans. Les Français, quelles que soient leurs croyances, ont en effet le droit de savoir que toutes les semaines, sur notre territoire, des édifices chrétiens subissent des pillages, des incendies criminels ou des actes de vandalisme et qu’un bon nombre de chrétiens se font, du fait de leur religion, régulièrement injuriés et maltraités."
Comme l'écrit Pascal 'le propre de la puissance, c'est de protéger'. La France ne protège plus ses enfants catholiques, la France ne protège plus son patrimoine, la France ne protège plus sa culture, sa sève, la France ne protège plus son Histoire. La France n'a aucun pouvoir donc plus de chef.
Sylvain Tesson
, écrivain, explorateur français né le 26 avril 1972 à Paris, signe ce mois de mai 2019 Notre-Dame de Paris, Ô Reine de Douleur. Parce qu'elle est là, près de lui, elle vibre sur les quais, dans son oeil, à portée de main. Elle lui a envoyé des messages, elle l'a sauvé d'un mauvais pas. Il a depuis, un lien viscéral avec 'elle'. Le livre est un hommage et une ode à la cathédrale catholique du XIIème siècle, plus grand édifice au monde alors, et à son parvis où se trouve la plaque de bronze avec, en son centre, une rose des vents, point zéro d'où partent toutes les routes de France, le centre névralgique du pays, son coeur. Le rapport de Tesson à Notre-Dame est quotidien, épidermique. Il vit à côté, la touche, l'agrippe le soir venu dans ses escapades ascensionnelles. L'ouvrage se décline en trois parties, de 1990 à 2000 quand le jeune écrivain escalade ses parois, en Août 2015 quand il chute d'un toit et miracle, encore vivant mais très abimé, physiquement, moralement, se raccroche à la vie en se soignant auprès de ses tours, puis 2019, son émoi, son effroi.
Pendant ses jeunes années, il la monte, la côtoie intimement, découvre ses lignes, ses pleins et ses vides. Il accède par ses flancs dans le secret des nuits blanches et de ses tours, à son sommet. Il y passe des nuits à attendre le lever du soleil et ses premiers jets de lumière sur Paris. D'un défi physique, plein de l'inconscience juvénile, Tesson s'éprend du monument religieux. Le lien physique devient spirituel, il est touché chaque nuit, pénétré par la grâce de la splendide cathédrale qui se dévoile à lui, centimètre par centimètre. Elle lui offre ses courbes, ses pierres humides parfumées des siècles passés où il passe des heures, assis, attendant le matin en y lisant Péguy. "Nous grimpions parce que c'était beau." Inlassablement, pendant des années, Sylvain Tesson a gravi à mains nues ses tours, longé ses corniches, humé sa 'forêt' (nom de la charpente en chêne), empoigné sa flèche "geyser de sève minérale" sur laquelle il éprouvait à la force du vent la tension architectonique. Jamais, il n'a dégradé, abîmé, manqué de respect à sa belle. Au contraire. "Alors venaient les questions sur les royaumes que nous visitions", parce que les cathédrales qui recouvraient l'Europe dès la maitrise de la technique gothique "n'avaient pas été destinées au regard des hommes mais sculptées par un compagnon pour la beauté du geste ou par amour de Dieu".
L'auteur aime Péguy, les fidèles lecteurs de Tesson dont je fais partie, le savent. Il aime Bernanos, Barbey d'Aurevilly aussi et cela s'entend, chante, le long du récit qui nous mène en 2015.
Du toit de Notre-Dame de Paris et d'autres hauteurs nationales, le prince de l'équilibre chute. Août 2014, Sylvain Tesson frôle la mort et c'est au sol, complétement cabossé, qu'il retourne sur le parvis de sa belle pour puiser dans sa grâce, pour remonter la pente. Sa longue rééducation se passera dans ses murs, en son sein, sous son oeil protecteur. L'auteur refusant les salles de sport pour sa recouvrance et préfère à la kinésithérapie se prendre en main lui-même en attaquant chaque jour, chaque marche des tours de la cathédrale. Le travail est ardu, lent et soutenu. Le courageux écrivain quarantenaire s'aide d'une force séculaire mystérieuse qui l'envahit. "Il m'a fallu un accident pour prendre soin de ce dont je disposais par-devers moi". Tesson revient à sa belle, la considère et au travers de cette fréquentation quotidienne, recouvre son souffle, ses muscles, reconstruit sa machine. Son coeur se remet à battre à l'unisson des 450 marches de la tour sud, et pendant des mois, Tesson redresse son corps en même temps qu'il retrouve ce lien viscéral tissé avec 'elle'. "Je le montais vers le ciel pour le fortifier". "Mon rendez-vous avec les tours de Notre-Dame était le signe que la journée se passerait bien".
De ces caresses lentes, ces essoufflements, Tesson touche la pierre et s'enivre dans l'effort de la solidité des pierres du XIIème siècle. Après la chambre d'hôpital où il est alité pendant des mois, branché, il revit en pleine lumière, redécouvre les couleurs du ciel et les profils de la capitale, jonchés d'innombrables flèches d'églises. "Les flèches de la France chrétienne, elles étaient encore debout". Il est libre au chevet de Notre-Dame, il aime le tintement des cloches, leurs averses de métal, comme les statues de l'édifice, ravagées, mutilées pendant la Révolution. Lors d'une conférence sur le Moyen-Age, Michel Zink dit "les statues ont été vandalisées par des hommes qui faisaient ce que les islamistes de daech font aujourd'hui."
15 avril 2019. Elle est en feu. Elle s'effondre!
Sylvain Tesson adresse son dernier poignant témoignage dans le chapitre Ô Reine de Douleur. Sa compagne, son amie, est touchée. Notre-Dame est notre point d'ancrage à tous, catholiques ou non, notre source de lumière et de chaleur. Elle est salvatrice pour l'écrivain et pour nous tous. Symbole de notre civilisation, le bilan dressé par Sylvain Tesson nous concerne et j'espère que Notre-Dame de Paris, Ô Reine de Douleur sera traduit dans multiples langues. L'effroi nous saisit ce 15 avril 2019. Le vaisseau de pierre transformé en brasier géant, son écrin saccagé par les flammes et sa flèche... "Nous nous demandions ce qu'un parisien du XIIIème siècle pensait de ce vaisseau de pierre surnageant plus haut que tout autre édifice. Sans doute devait-il trouver le monument accordé à son époque. La nôtre jamais n'élèvera un monument pour l'âme. Tout juste peut-elle convoquer ses techniciens pour s'occuper des décombres". "La laïcité, elle, est plus triste. Elle refuse toute autre chose qu'elle-même."
Notre-Dame de Paris recueille Sylvain Tesson depuis trente années, dans ses boyaux, dans son coeur, le délivre de ses souffrances, le guerit jour après jour jusqu'à ce lundi soir d'avril 2019 où il souffre, viscéralement. "Et si l'effondrement de la flèche était la suite logique de ce que nous faisons subir à l'Histoire?" Notre Reine est toujours là, la vierge Marie veille sur les catholiques, les chrétiens et le reste du monde. Le fruit de la vente de Notre-Dame de Paris, Ô Reine de Douleur est entièrement reversé à la Fondation du Patrimoine. Achetez le et soyons vigilants à notre tour, regardons, veillons sur les trésors que l'histoire nous a légués, notre Bien-Commun.
Sylvain Tesson, Notre-Dame de Paris Ô Reine de Douleur. Editions Equateurs. 7 euros. (Imprimé avec le soutien de l'Imprimerie Floch à Mayenne.)