Jonas Poppe est un maestro de l'underground berlinois qui ventile des mélodies pop garage, electro, psyché jouant avec le tempo, jonglant entre les beats extasiés et le son de clavecin baroque des temps anciens. Compositeur et arrangeur de musiques de films, son palmarès depuis 2001 est impressionnant. L'aventure musicale commence au début des années 2000 avec Kissogram, projet délicieusement varié en styles qu'il crée avec son compère Sebastian Dassé. Ils sont accompagnés du batteur Joe Dilworth (batteur de Stereolab et Cat Power). Après des EP géniaux comme I'm Absolute en 2002 et Forsaken People Come To Me en 2003, Kissogram signe en 2004 The Secret Life de Captain Ferber, suivi en 2007 de Nothing Sire! et de Rubber and Meat en 2009. Les deux amis en rejoignent d'autres ponctuellement en 2001 pour enregistrer un EP sous le pseudo Sitcom Warriors où l'esprit amusé 'borderline' se déploie dans une ambiance garage mods ponctuée d'arrangements électroniques qui à l'époque séduisent notre ami John Peel.
Jonas Poppe continue avec le nouvel alias Oum Shatt pour lequel il compose, arrange et mixe tout en créant son propre label. Apparait en 2013 le premier EP Power To The Women Of The Morning Shift / Madame O. Plus que jamais, sa passion pour le cinéma envahit les titres. L'artiste allemand tricote des textes polychromes et modèle des ambiances très différentes selon les thèmes comme s'il mettait en écheveau des scènes de film. 2016, Oum Shatt signe le magnifique Gold To Straw. Jonas est un musicien habité et généreux qui refuse clairement de faire de la 'RealPolitik', n'aimant pas utiliser le support pop pour éditer une morale, préférant parler d'amour. J'adhère à son point de vue et me régale d'autant plus à son écoute. Les arrangements parfois cold, solidement pop surprennent et chaque piste se fend d'un renouveau perpétuel, d'un souffle d'air frais, à l'image de l'inspiration étendue de Jonas ; L'enivrant Silent Girl respire toute l'atmosphère sensuelle de Godard et son emblématique Nouvelle Vague, façonné de la main de fer et de velours d' Oum Shatt où plume, notes lumineuses et grain de voix envoûtant transforment le titre en petit trésor.
Jonas chante, assure guitare, piano et claviers, accompagné de Hannes Lehman, Chris Imler, Jörg Wolshina à l'enregistrement. Les mélopées immédiates sont accrocheuses, dansantes, étourdissantes de candeur et plairont aux amateurs des Franz Ferdinand ou de Jonathan Bree. Jonas se désempêtre avec classe des oripeaux DJ electro berlinois en composant des chansons sculptées et diablement mélodieuses. Agé d'une quarantaine d'années, l'artiste nous comble de son expérience de la scène, des studios d'enregistrement, doté d'une oreille absolue et de son inclinaison pour la littérature et le cinéma. Les arrangements sont habillés de percussions, du son brut et boisé des guitares qui s'harmonise à la densité des paroles et de la musique à fleur de peau. Oum Shatt dont je suis fan signe un Power to the Women of the Morning Shift élégant, éthéré, à l'identité stylée, dont l'efficacité fait résonner les notes éblouissantes et soutenues.
OumShatt