Je gardais secrètement Aspendale sous mon parapet depuis deux ans mais Sans Chateaux n'est pas destiné à rester cloîtrer à l'abri de toutes les oreilles. Au contraire, l'artiste irlandais au talent exponentiel mérite toutes les attentions et est d'un naturel très sociable. Austin Moore vient du comté de Cork, de Midleton, il reste pour ses études en Australie en 2013 où il écrit ses chansons et rentre en 2015 pour les enregistrer en Irlande avant de repartir finir son doctorat en France.
J'ai chroniqué Sans Châteaux sur Piggledy Pop il y a 3 ans, enthousiasmée par le projet nourri de clarinette, violon, de trompette, guitare et instruments celtes comme le banjo et le fiddle. Je le rencontre le 14 novembre 2015, veille d'une journée noire. On prend une terrasse parisienne et nous discutons de son parcours, romanesque, jonché d'expériences culturelles hors-normes pour son jeune âge qui lui donne un profil fort noble. Il me confie alors Aspendale, fabuleux album qui paraitra un an plus tard, le 11 novembre 2016.
SansChâteauxPiggledyPop2015Ses titres sont enregistrés avec guitare, piano, rythmiques qu'il assure lui-même avec son ami Patch qui vient orner le tout de violoncelle. La personnalité d'Austin habille les morceaux arrangés avec délicatesse et brio comme le montre Aspendale. Les harmonies riches se mélangent subtilement au chant qui s'extrait sur A Science / Metaphor, épais en musicalité. Les arrangement d'une douceur exaltante apportent des sensations souriantes et les mélodies bouillonnent d'excellence. A l'écoute de Fiction Can Be Heavy, Austin dévoile un don évident pour la composition et sait en bonus, orchestrer avec intelligence ses partitions de voix qui fleurent bon l'Irlande avec ses mots qui font des roulades sur les pentes moutonneuses de bruyères pour se languir enlisé de mousse verte, brin d'herbe coincé entre les dents. Puis la guitare folklorique embellit A Wilting Lilt, A Comma Hangs, sur le grain de voix cristallin doublé d'une orchestration proche de la veine Nick Drake. L'élégance est de mise, la spontanéité resplendit autant que le travail et la réflexion sur l'avancée des notes dreamy et sunshine pop de l'amoureuse What Are We But Compounds ? Puis Søren nous emmène dans la poésie du piano qui accompagne voix et guitare classique.
On pense au folklore nordique, au tempo ensoleillé des Beach Boys, au sentimental de Scott Matthews, à la jovialité des Belle and Sebastian en sautillant sur Stuff Unknown. La balade Post-Columbus rythmée par le génial violoncelle et le chant aiguisé d'Austin délivre un message sensuel limpide avant de semer des particules de regret sur Peak, Descent. Le piano revient mélodique sur The Happiest Age, The Most Disengaged et la rythmique émanant du bois, des cymbales et des cordes tendues nous accroche, nous envoûte. Le mixage des instruments est impressionnant, la production un travail de joaillerie. Sans Chateaux continue de m'époustoufler avec On Distance, alternatif, simplement beau et brillant avec un texte somptueux qui si on se penche dessus peut faire perdre pied. L'alternance construite n'est pas seulement dans l'instrumentation mais aussi dans les oscillations de voix. Le mouvement créé du remous et des sensations fortes dans le titre qui suit, Where These Feelings Missing, qui happe et impose des émotions. Aspendale se termine sur un morceau que j'ai aimé il y a des années déjà, Peregrination, dont le mélange de mots, les sonorités magnifiques et intemporelles révèlent un Sans Chateaux intense et un musicien au domaine étendu. SansChâteaux