Cuverville est un groupe de Toulon, conduit par le maestro de french-pop, Alex Telliez-Moreni, également responsable du label Toolong (jeu de mot là...vu?). Déjà actif au sein de El Botcho depuis 2012, l'auteur-compositeur interprète décide de galoper en solo pour la composition sous le pseudo Cuverville et d'écrire en français. Le résultat est si beau et bon que son album Dans le vent, paru ce 31 mai, est à mes oreilles le meilleur album de pop française 2019.
Ce qui percute au prime abord ce sont les guitares rock'n roll, le tempo pop sixties, l'écriture ensoleillée et maritime, amoureuse, offensive, quoi qu'il en soit percutante. Les mots glissent joliment comme ils attrapent l'attention, tout en sonnant parfaitement pop en osmose avec les mélodies. Ce disque grandiose de huit titres contient du XTC, Smiths, Teenage Fanclub, Beta Band ; Il me plait davantage parce qu'Alex nous emmène dans ses mélopées magiques aux histoires variées avec un bel humour et un français plein de charme.
Low, shiny, noisy, power, l'indie-pop y est saupoudrée de ces différentes mouvances pop avec un dosage malicieux. Les mots souriants, francs du collier, sont aussi pop par leur sens que par la voix du musicien, juste et belle quand elle sautille et surfe sur les lignes de guitares. D'emblée Dans le vent fait danser et vriller comme une toupie nirvanesque sur le tempo dynamique et gaillard, ses choeurs power-pop, ses métaphores dynamiques. Le ton est donné et surtout le mouvement. La vie, l'enfance, la nostalgie est frontale, magistrale, dans Le passé. La mélodie vibrante et virevoltante est menée par la basse, guitares, batterie dans une osmose musclée qui alterne avec le chant royal. Le petit chef d'oeuvre frenchy poursuit avec Le silence que je bois comme du petit lait. Comme je suis gourmande, je le passe en boucle. Rock énervé justement exécuté avec une basse splendide, le message est bien vu, tape dans le mille et forme un régal pop qui exige de monter les décibels. Une page suit sautillante et, avec une classe infinie, évoque le passé pour mieux avancer dans un paysage maritime rafraichissant quand Le combat vient à l'abordage, pour vivement séduire.
Les cordes électriques tournoient éclatantes sur un texte solidement offensif, formant un titre homogène qui sans faille marque et envoûte. Le titre Nuit blanche me séduit illico avec ses guitares saturées pour un grunge sensuel à l'image d'un marin au long cours accroc à sa belle inconnue. Logiquement, Jeux ingrats fait suite sur un tempo enflammé pour une prise de conscience sentimentale fort joliment écrite via un thème de cartes à jouer. Les arrangements comptent une pléiade de guitares rutilantes qui se marient absolument à la voix lumineuse et énergique d'Alex. Je souris à l'écoute du mordant et amusant Les mexicains, où batterie et guitares font rayonner les harmonies pour offrir 5 minutes de bonheur pop. Les dernières notes s'envolent majestueuses et le dernier mot de Dans le vent 'heureux' sied à merveille à l'esprit engageant, convaincant et irrésistible du disque. Au panthéon Piggledy Pop et en ligne droite.
Electric Sheep est un groupe originaire de Chicago mis en place en 2016 par le duo d'auteur-compositeurs Devin Nolan et Jonathan Extract. Après le premier opus The Exciting Sounds of Electric Sheep, les musiciens de génie viennent de signer en décembre 2018 The River Lethe. Des morceaux comme Oh Boy me font sautiller comme un cabri même par 40° celsius. Les guitares au son magistral accompagnent les mélodies solides et d'une auguste pop. Les arrangements y sont intelligemment pop sixties, bossa, folk tout en gardant le style et l'empreinte rock du groupe. Les deux musiciens se partagent l'écriture et l'interprétation ce qui donne un profil original et irisé au disque. D'une ambiance langoureuse, on saute et bondit dans une autre plus psychédélique pour in fine, offrir un résultat distingué, hautement inspiré et techniquement épatant.
Avec le duo d'auteurs, guitaristes, il y a à la basse Leon Nguyen, resplendissant de charisme et le bouillant tempo maitrisé par Anthony Wojtal à la batterie. Etonnemment, une fois de plus, Electric Sheep fait partie de ces groupes indéniablement brillants qui ne récoltent pas de retour des médias. Comme je ne partage plus les mêmes mauvais goûts du tout-venant 'musical' actuel vantés par la presse rock, évantée, je trouve qu'un profil confidentiel apporte un charme supplémentaire.
La rivière Lethe est présente dans la mythologie grecque comme elle existe en Alaska. Le titre The River Lethe est somptueux, ouvrant ingénieusement sur un paysage lancinant et électrique par ses guitares, ses cymbales et son tambourin. Il y a dans la composition juteuse des allures qui raviront les amateurs des Dandy Warhols ou ceux des irlandais Hal. Heaven continue dans le style langoureux, bossa et hautement mélodique. Chant et guitare se donnent la main pour gambader joyeusement sur les arrangements groovy.
I wash My Hands avec ses cordes de basse tendues augmente le tempo sixties mutin maintenu par des loops et des effets de voix. La cascade de guitares revient sur Fallen Soldier où le tandem donne matière et fait résonner de manière fort gracieuse une belle pop alternative. Starry Eyed In Denver et ses deux voix déplie une mélodie magnifique pour orner le thème intime d'une relation à distance quand le virevoltant I Do relance la cavalerie pop rock psyché, comme Telstar qui suit, sacrément galbé pour se trémousser. L'excellent Sunday Comedown ou le petit-déjeuner ressemble à un diner arrive sur la platine avec une basse, guitare, piano et un chant sensuel pour un moment de répit. Idem avec le délicieux She Don't Get Me High tout aussi voluptueux. Les accords de guitares sur Just a Boy jouent une mélodie touchante pour une confession délicate avant que la batterie ouvre la route aux cordes formidables de Lean In. Quand Georgia Guidestones ferme l'album on songe à Harry Nilsson et aux Beatles tant la qualité de la mélopée est de mise avec son texte d'une poésie infinie pour suggérer une fin d'histoire sentimentale. Le titre et ses cinq minutes luxuriantes est enchanteur comme l'ensemble de The River Lethe que je classe dans le panthéon des disques Piggledy Pop.
Freedom Fry est un duo franco-américain qui apparait sur la scène indie-pop en 2011 avec l'EP au nom évocateur Let The Games Begin, année où la parisienne Marie Seyrat travaille en tant que styliste sur une vidéo du groupe Blondfire mené par l'américain Bruce Driscoll. De cette rencontre suivra un mariage et une belle collaboration artistique. Dans leur propre studio, Cactus Garden, où Driscoll est ingénieur son, mixeur, producteur, il compose et écrit des mélopées au panache pop brillant. Le deuxième single Earthquake paraitra pour la saint-valentin 2012.
Ca roucoule fort chez les Freedom Fry, ça travaille tout aussi ardemment. Les singles et EP s'enchainent dès lors, Outlaws, Summer in the City en 2012, The Wilder Mile, Shaky Ground (Hey Na Na Na) en 2014, 21 en 2015, Awake, Strange Attraction en 2017, Girl On Fire en 2018 suivi de la sortie du premier album Classic en juin. Le couple aime aussi l'exercice des reprises qu'il assure avec talent et inspiration, rendant hommage à The Smashing Pumpkins, Simon & Garfunkel, Nirvana, Strokes, Alanis Morissette, Elton John, Cranberries, Tom Petty.
Classic s'ouvre avec l'âme nostalgique pop sixties agrémentée d'envolée de cordes et de cuivres sur la batterie rayonnante de punch. Arrangée de manière subtile, dansante, les poppeux 'na na na na' des deux tourtereaux sont efficaces. Les mots colorés et ensoleillés de références californiennes proposent une ambiance bikinis et surfers à gogo. Awake et For You suivent avec un tempo vaillant, des paroles fleuries de sentiments amoureux et d'espoir alliées aux cordes vitaminées de guitare et de banjo. La magnifique alliance de leurs voix rappellent à Lee Hazelwood & Nancy Sinatra avec des envolées pop façon Polyphonic Spree. Cold Blooded Heart et Die Trying généreusement enthousiastes continuent la promenade country pop sur des partitions de cordes chaleureuses et des voix en chorale flamboyantes. Tandis que la batterie mène la danse sur Wild Child, les orchestrations de cordes se font élégantes sur Tidal Wave, pour se rencontrer encore plus puissantes sur Past Lives.
Everybody Thinks The Love Is Gone est somptueusement arrangé, offrant des boucles et des virages dans le mixing sur un ensemble de violons virevoltant sur la chorale fournie avant le piano émouvant de Old News, une touche intime dessinant une vieille complicité. Ticking nous emmène en voyage, pour un hiatus dans le temps et pour danser sous les tropiques sur une mélodie idéale pour les vacances. Loin du monoi, Easy Street, avec sa basse et guitare envoûtantes, fait le point sur l''american dreams' pas forcément mirifique pour tout le monde. Freedom Fry propose un Classic superbement ficelé, avec des titres cartes postales comme le duo sait si bien les faire, rythmés et chaloupés, à emporter sur les routes cet été!
Kaoru Ishibashi alias Kishi Bashi, multi-instrumentiste, est un maestro américain d'origine japonaise qui fait resplendir le genre indie-pop orchestrale. L'artiste a comme instrument de prédilection le violon avec lequel il excelle au sortir de Berklee College of Music, accompagnant sur scène d'autres musiciens comme Of Montreal et Regina Spector . Arrangeur, ingénieur, il écrit, compose pour son premier groupe Jupiter One en 2003 à New-York puis commence l'aventure solo à Athens où il vit en signant son premier galop, l'EP Room for Dreams en 2011, suivi du vinyle 7" Box Set dont les six titres comprennent une reprise des Talking Heads. Dès l'arrivée de l'opus 151a, la reconnaissance et l'admiration sont au rendez-vous. Lighght, le deuxième volet est signé en 2014, puis Sonderlust en 2016. Kishi Bashi, lancé sur sa route, frappe encore plus fort de disque en disque. Depuis ce 31 mai 2019, le troisième album Omoiyari est paru, un bijou pop symphonique absolu, désarmant de qualité.
Outre ses atouts infinis de musicien, Kishi Bashi sait écrire des partitions symphoniques en les arrangeant de manière pop alternative et en les couvrant d'une poésie lyrique sublime. Ce fils d'immigrés japonais a dédié cet album aux 120 000 innocents civils victimes de la barbarie américaine, enfermés dans des camps, entre 1942 et 1946. Un tiers d'entre eux japonais, les deux autres, des natifs américains d'ascendance japonaise. La traduction du mot Omoiyari vient de compassion et signifie empathie. Le message de l'artiste distribué, certainement pas introspectif, se penche sur l'histoire d'autres, signant des mini scenari en guise d'hommages. Chaque titre revient sur les aventures des êtres et des relations humaines de cette époque, dans ce contexte historique. Usant de magnifiques métaphores Kashi ouvre ce disque somptueux avec Penny Rabbit and Summer Bear, évoquant l'amour sur une instrumentation dosée et pourtant fournie, un chant sucré délicat lui aussi, envahissant. A ses côtés, il y a Nick Ogawa au violoncelle et le 1093 String players, offrant des partitions de violons, d'altos, éblouissants sur F Delano. Ce titre rappelle le contraste entre l'image lissée avec sa morale 'droit de l'hommiste' de Franklin Delano Roosevelt qui entretenait en parallèle les camps d'internement pour japonais. Marigolds déploie ses ailes chamber pop pour offrir un feu d'artifice de cordes et des voix magnifiques qui s'adressent à celle qui vient du siècle passé.
Puis le radieux A Song For You, aussi touchant et vibrant, fait répondre le chant et les instruments dans une orchestration fleurie grandiose pour évoquer la mémoire érodée par la séparation. Les guitares s'envolent et Pip the Pansy resplendit à la flûte, électrisant l'atmosphère romantique et folk comme sur Angeline qui souligne le sentiment d'un homme emprisonné loin de sa belle. Ce thème continue sur Summer of '42 qui accueille la section de cuivres et de cordes du Nu Deco Ensemble pour concocter un titre émouvant qui m'hypnotise. Ce titre d'une finesse exigeante délivre des arrangements de rêve pour évoquer ces hommes 'japs' enfermés et enrôlés dans l'armée américaine qui ne pourront jamais rentrer chez eux, ne plus revoir leur femme, leur famille. Kishi Bashi ne lâche pas prise. Son hommage devient intense et perturbant de beauté avec Theme From Jerome (Forgotten Words). La violoncelliste Emily Hope Price le rejoint, ainsi que son épouse Keiko Ishibashi pour assurer la voix japonaise de la mère éloignée et désespérée de ne plus jamais revoir son fils passé au Jerome War Relocation Center en Arkansas (comme les Relocation Center dans le Wyoming, Californie, Arizona, oregon, Hawai et Washington). Et les mélodies foudroyantes de beauté se suivent pleines d'émotion. Greg Hankins brille à la guitare A Meal for Leaves accompagné de l'ensemble de cordes, de la flûte, des voix divines d'Andrea DeMarcus, Claire Campbell, SJ Ursrey et sur celle de Kishi qui gagne toute mon admiration sur Violin Tsunami. Le musicien est éclatant de talent, au violon, au chant, en chef d'orchestre, sur ce titre qui tel un cri d'alerte rappelle à la vigilance contre la tyrannie qui frappe aux portes de l'occident.
La vidéo qui déroule les aquarelles du couple Julia et Mike McCoy va comme un gant au thème. La somptueuse chamber pop compte également Mike Savino du groupe Tall Tall Trees qui assure le banjo et la basse, Dave Kirslis l'orgue, Ryan Oslance la batterie et JoJo Glidewell, piano et Hammond. Tous sont alliés au banjola pour le dernier Annie, Heart Thief of the Sea, enregistré live en studio, montrant l'étendue artistique du musicien. Kishi Bashi, élégant, ne critique, ni ne se fend de morale ici mais peint simplement l'histoire, sans faiblir dans l'élégiaque en offrant un grand Omoiyari, keepsake pop symphonique efficace et respectueux des faits : Dans le top 5 des disques Piggledy Pop 2019. A venir, le film documentaire qui marie musique et histoire, la gestation du disque, sa création et le salut de ces milliers de japonais incarcérés aux USA pendant la seconde guerre mondiale effaçant leur identité et remplaçant leur culture. Le troubadour Kaoru Ishibashi nous invite à la piqûre de rappel avec le magistral Omoiyarithe Songfilm prévu en 2020.
Depuis hier est paru le sublime album III de Butcher The Bar, groupe de cinq musiciens de Manchester conduit par Joel Nicholson. Le nom du disque apparait de manière simple puisqu'il fait suite aux deux premières productions en solo du musicien, Sleep At Your Own Speed en 2008 et For Each A Future Tethered en 2011. Le hiatus semble long mais III a été écrit entre 2013 et 2015. Ce moment a compté de multiples concerts en Europe intégrant les musiciens qui forment aujourd'hui la troupe officielle. Joel, auteur-compositeur, à la guitare, chant et piano, est désormais entouré de Peet Earnshaw à l'orgue, Matt Grayson à la guitare, Andrew Cheetham à la batterie et Gavin Clarke à la basse.
J'ai la chance de savourer cet pépite pop depuis des mois grâce aux amis de Bobo Integral, label espagnol au goût réjouissant et efficace, qui le signe. Je ne m'en lasse pas. Le disque est garni de mélodies qui me font frétiller les oreilles. Les instrumentations sont ficelées sur des textes et un chant qui rappelle l'excellence des saxons pour honorer ce genre musical. Ce gigantesque III s'ouvre sur Lying qui ne tend pas du tout à faire carpette. Il monte en température et fait jeter les tapis par la fenêtre pour lustrer le parquet en dancefloor. Trompette, guitares, batterie se passent le relais sur 5 minutes délicieusement pop avant le tempo langoureux de la balade Haunts où le piano, l'harmonica et la basse voguent harmonieusement et sereinement.
Pour accompagner ce saut dans le passé, le clap-hands ne freine en rien l'envie de danser qui repart même de plus belle sur Clarky avec ses lignes de guitares gaillardes, ses choeurs beatlesiens, son clavier gracieusement groovy. Andrew fait un travail magique en jonglant avec ses baguettes et mène un tempo virevoltant et scindé comme sur le romantique Rosa et sa guitare electro-acoustique monumentale. Les harmonies alternent avec idée, les titres variés et de qualité s'alignent sans aucune anicroche. Les arpèges zigzaguent goulûment et forment un univers pop que je rapprocherais de celui des Badly Drawn Boy, Shins, Jon Brion et The Beta Band.
The Elevator offre un ensemble de cordes pour lier une instrumentation des plus élégantes, sans cesse en mouvement pour une élévation réussie. Suit l'émerveillement des voix en chorale de Agree, petit bijou britpop qui oscille entre la patience, la sensualité et l'explosion de rythmes, l'invasion d'une armée d'accords de guitares, comme sur Toulouse, la France à l'honneur. Furieusement fourni de tempo et de tambourins, la mélopée enveloppe déjà quand la magnifique tornade de violons sur Wire ferre la séduction. Sans s'épuiser, la pop folk et indie poursuit sa cavalcade brillante avec Crime qui s'immisce tant en tête que la culpabilité fait du bien. La guitare électrique s'en donne à coeur-joie pour couronner le morceau qui poursuit sans blanc sur le nommé ... Les cuivres scintillent, les guitares mènent un interlude lancinant et lumineux avant de recharger les batteries et mitrailler l'air bondissant sur le texte mordant de Go, avec ses caisses victorieuses et son orgue vigoureux. Cordes et cuivres concluent si bien l'album en fanfare que l'effet brelan gagnant donne envie de réécouter le disque illico. Les talentueux Butcher The Bar filent directement dans le panthéon de Piggledy Pop tant III est une tuerie pop, impressionnante et chavirante.
Woods est l'alias du multi-instrumentiste et auteur-compositeur écossais Johnny McFadzean. Son premier EP The Start de 2015 est d'une beauté infinie. Les titres pop folk atmosphériques sont typés et stylés, habités d'une âme symphonique et ornés de la voix somptueuse de l'artiste. Ces deux éléments sont le sceau de Johnny qui est reconnu dès son plus jeune âge comme chanteur lyrique au sein d'un choeur qui parcourt la planète pendant 10 ans et se produit sur d'illustres scènes comme le Sydney Opera House ou sur la BBC broadcast. Décrit alors comme un chanteur prodigieux, le jeune homme qui quitte son Ecosse pour vivre sa passion du chant classique revient récemment mêler ses atouts, ses connaissances, au bénéfice de son écriture et de ses créations. Il compose des harmonies solaires qui voyagent entre la délicatesse folk et sa voix puissante, élastique, sur des arrangements contemporains électroniques. L'atmosphère des titres Curly, The Start, The Raer et Lost Your Crown est pleine de pop, de soul et de mots émouvants inspirés par la nature, Ecosse oblige, mais aussi par l'écrivain Ralph Waldo Emerson dont la philosophie, à la croisée du romantisme et du puritanisme, est un repère crucial dans la musique et le quotidien de Johnny. 'Trust thyself: every heart vibrates to that iron string...In the woods is perpetual youth'.
The Start de Woods est vite remarqué et les radios britanniques s'en régalent. Les concerts s'alignent, à Edimbourg (vidéo), Londres, puis Woods réintègre les studios pour peaufiner le disque Night Silk Threads paru ce 17 mai 2019. Le formidable label Lost in the Manor travaille à sa destinée avec brio. Mes oreilles sont absorbées par le tempo alternatif, les claviers sincères, le timbre de voix pleine d'arrondis qui s'envole autour du micro pour se poser avec charme sur les arpèges de guitare. L'impression d'évasion saisit dès l'ouverture de Stand Down, invitation à la réflexion sur des arrangements envoûtants avant les rythmiques boisées et musclées de Greater Than The Parts. Le titre explore les possibles et le pouvoir de diriger son destin en dégommant les cyniques et serpents qui tentent de s'approcher. Le tempo intime, mélodieux et élégant illumine les harmonies hypnotiques. Le chant s'élance en slalomant magistral et magique, maintenant la tension et l'attention comme sur Night Silk Threads avec des reliefs éblouissants dans le rythme et les voix superposées, en écho. Quand le clavier sautillant de Starstruck déroule une myriade de voix sensuelles c'est pour nous guider sur l'instrumental Beat A Retreat où Woods s'amuse à modeler des sons pop psychédéliques et electro, décomplexés et épiques. Woods continue l'aventure et l'exploration de sonorités folk et électroniques avec une facilité et une aisance qui promettent une suite surprenante et des concerts magnifiques à noter : Londres en juin et Inverness en juillet, à la maison.
J'aime notre auteur-compositeur normand sur qui j'écris ici il y a 11 ans : "Arnold Turboust est le petit prince de la pop en France. C'est en grande partie grâce à lui si les popeux frenchy peuvent garder la tête haute. Françoise Sagan a dit de lui "en plus de sa diversité musicale, il y a chez Arnold Turboust cette exigence indulgente qui ne s'exerce ni aux dépens des autres, ni aux dépens de la vie et qui est une des formes d'humour les plus rares et les plus séduisantes". Sagan, en plus d'avoir une excellente oreille a vu juste. Quand Turboust arrive dans les années 80 avec le titre Adelaide au bras de Zabou, le pays entier dodeline du chef.
Des coups de maître comme celui-ci, l'éternel jeune homme au spoiler flamboyant en a à foison. On lui doit beaucoup, des titres de Daho et pas des moindres: La Notte, Tombé pour la France, Pop Satori, Epaule tatoo, Vies martiennes, l'album Eden, des groupes: Marquis de Sade, Private Jokes au côté de Daho, des productions pour Brigitte Fontaine, Vartan, Cédric Atlan, Jacno, et l'artiste travaille aussi pour des télévisions. Il chante sur l'album de la comedie musicale Emily Jolie en duo avec Daho en 1998. Toujours avec sa finesse, son humour et son talent, il sort en 1988 son 1er album, Let's Go à Goa, en 1996 le très beau Mes amis et moi avec son ami Bally et Bertrand Burgalat aux manettes et en avril 2007, Toute sortie est définitive. L'album là encore est une réussite, drôlissime, on saute du coq à l'âne, de La Pompadour à Hillary Clinton sans tabou ni prohibition. Un délice de maniement de cigare !"
Après Toute sortie est définitive, il nous offre en 2010 le génial album Démodé. L'album avale illico l'attention par ses mélodies pop somptueuses, ses paroles toujours aussi chargées de charme, d'histoires touchantes et de chant chaleureux. Le grain de voix émouvant se colle parfaitement aux titres amusants ou romantiques, dans les mots comme dans les orchestrations french-pop à souhait. Comme son single de 2009, reprise de la chanson de Serge Gainsbourg Les mots inutiles le montre, tous les termes choisis par Arnold sonnent et résonnent, ne sont certainement pas le fruit du hasard. Il joue avec les mots comme un jongleur, agile et inspiré et modèle les touches de son piano tel un sculpteur amusé.
En 2016, le magicien pop signe Estrada. Là encore, le disque est sublime. Les titres sont brillants, tous aussi savoureux, sucrés et salés. Le prix de mon silence, pépite envoûtante, ouvre le disque, drapée de 'duel' et de 'vengeance', de notes qui vont et viennent avec des silences sur les touches du clavier. Le talent de Monsieur Turboust envahit les oreilles dès que sa voix caressante lance les piques pop. Le rythme martelé au piano, même langoureux, fait danser. Le chanteur apporte du tempo dans ses mots soyeux et poétiques. En rêve poursuit sur la pointe des pieds avec l'atmosphère antinomique des voix et du silence avant que le rythme, de nuit comme de jour, prenne son envol avec la basse majestueuse de Ma danseuse. L'envie de buller en sautant comme un cabri ne cesse à l'écoute de Bubble Gum où les guitares élèvent la mélodie panachée de claviers.
La voix grandiose d'Arnold vient faire des loopings dans Sous blister qui prête à l'accompagner en chantant des 'padapadapada', réanimant le passé comme sur En King Size qui nous embarque pour une escapade énergique et pressée. Le noble clair-obscure de Le soleil et la lune rendant hommage à Charles Trenet et Albert Lasry précède l'amoureux Souffler n'est pas jouer, chanson magique par ses mots, sa voix, ses arrangements et sa douce beauté. Les touches de piano sur Que la fête commence scintillent et reconduisent délicatement, par la main, à un endroit et une époque regrettés. Tout est flou invite à suivre une piste lumineuse sur les notes gracieuses et les voix cristallines en écho jusqu'à Invisibles où l'incognito dévoilé du thème inquiétant et triste déroule une mélodie magnifique. La sucrée Effemine au style jazzy, est couronnée de l'esprit de Boris Vian ou de Michèle Arnaud. Ma septième vie énumère une rencontre prévue et écrite, avec une fille des Andelys, pas encore gommée des grimoires ni de la mémoire de l'artiste qui signe une mélopée si belle. Code SPG marque la fin du disque sur un tempo electro-pop qui va comme un gant métallique au thème sous-tendu et sous-entendu. Estrada d'Arnold Turboust est classé hors du panthéon Piggledy Pop, parce que simplement sur mon chevet tant je l'écoute. Au même titre que Jean-Louis-Murat, Bertrand Burgalat, Arnold Turboust fait partie des auteurs compositeurs français contemporains extraordinaires, certainement légendaires. Cette année 2019, le musicien offre le somptueux Trois questions pas plus qui accueille la présence au remix de Julien Barthe alias Plaisir de France. Derechef, la grande classe! ArnoldTurboust
Je parle de Divine Comedy sur Piggledy Pop il y a neuf ans déjà. Grande admiratrice, je publiais deux chroniques coup sur coup tant la carrière du plus français des auteurs-compositeurs irlandais est fleurie. "Que dire sur Divine Comedy et son créateur Neil Hannon? Cet artiste est un personnage dont l'âme burlesque et romanesque véhicule une élégance et un chic rare, un don pour la création musicale qui ébaubit. De manière objective et subjective, il est le meilleur compositeur de pop de ces décennies; J'assume mon fanatisme. Neil Hannon, né en 1970 à Derry en Irlande ne cesse d'offrir depuis la création de Divine Comedy et son opus Fanfare for the comic muse en 1990, produit par John O’Neill (The Undertones) des chansons magistrales. Toujours en progression, en ascension, fidèle à ses convictions artistiques, ce garçon érudit est le plus populaire des nobles musiciens, l'aristocrate le plus pop. (...)
Sublime pianiste et guitariste, merveilleux chanteur inspiré par Burt Bacharach et Bowie, dont il enregistre la reprise Life on Mars, il se rapproche de ses origines, joue avec son grand ami l'irlandais Duke Special, avec un autre irlandais, Thomas Walsh, ensemble ils forment le groupe concept The Duckworth-Lewis Method . Il participe au projet de l'écossais Stuart Murdoch pour la comédie musicale God help the girl ( Piggledy 03/12/2009). 2010, Neil Hannon a 40 ans, Divine Comedy a 20 ans et voici le dernier album intégralement composé et produit par le petit prince de la pop, Bang Goes The Knighthood sorti le 31 mai 2010.
A près Bang Goes the Knighthood de 2010, au top dans ma discographie, l'année 2016 voit Divine Comedy signer le merveilleux Foreverland, grandiose ode à Napoléon et à Catherine II de Russie mais aussi à la Légion Etrangère où Hannon fait un clin en parlant français. L'album magique est extraordinaire par sa forme, son inspiration, enregistré à l'époque particulière de 2015 il est dédié sous son format théâtral et enchanteur, comme toujours, aux relations amoureuses. Dans la vidéo évoquant la grande Yekaterina Alexeyevna, Let's talk of Catherine the Great, où Neil évoque Voltaire, Diderot, Stanislaw II Auguste roi de Pologne, c'est la fabuleuse actrice Elina Löwensohn, résidente désormais en France, et que j'admire beaucoup, qui incarne l'impératrice. En plus des compositions toutes splendides arrangées d'air indiepop, de bossa, de folk ou de pop orchestrale gigantesque, la pochette du disque attire mon oeil. Je ne trouve aucune référence à son sujet sur internet mais il me ramène fortement à Gustav Klimt et à son Portrait d'Adele Bloch-Bauer I. Le design du disque renchérit, sans argutie, l'âme de Foreverland.
2019, Divine Comedy marque fort son retour avec un Office Politics offensif et brulant. L'ironie croustillante est habillée d'un sens critique affûté amplifié par les arrangements rock, métalliques et entêtants comme sur Infernal Machines et Psychological Evaluation où Neil Hannon fait des références littéraires sous-couvert d'un humour féroce et corrosif. Les deux titres soulignent l'effet lobotomisant des médias et de leurs supports. Le délicieux Norman and Norma, plus qu'une métaphore à l'image d'un couple qui prend de l'âge est une allégorie via un jeu de mots pour rappeler la bataille d'Hastings, saxons versus normans. L'écriture et les mélodies en guise de nacelle pour voyager dans le temps sont au rendez-vous. La poésie et le sarcasme se mêlent aux harmonies peaufinées au piano et à la guitare. Bondissante et chatoyante de rythmiques, Queuejumper souligne la suffisance d'une certaine population fortunée qui se pensant au-dessus des lois et ne se posant plus de questions parce que persuadée de sa supériorité, rajoute à sa bêtise un profil de racaille. Cette même idée de décadence, sur un tempo toujours enfiévré qui donne diablement donne envie de danser envahit la magnifique The Life And Soul Of The Party.
Féru d'histoire et de littérature, l'artiste qui ne peut s'empêcher de glisser un 'charles Dickens' dans ses albums, éveillé à la musique très tôt dans l'église où son père officie, est avant tout un compositeur extraordinaire. La mandoline qui ouvre I'm a stranger here me me donne des frissons. L'orchestration sublime inonde le titre qui me cueille entièrement. Les cuivres, les cordes et le chant clamant "So if you ask where I come from, I'll say "the past". L'idée de rétrospective passe dans les partitions, dans les mots, comme un charme discret, une beauté immiscée dans la mélodie d'un autre temps. Aujourd'hui, Neil Hannon est l'auteur d'indie-pop qui nous offre des repères et des références distinguées. Tout en ayant du sens, un message, son univers privilégie aussi son âme d'enfant, son esprit taquin, comme avec Philip and steve's furniture removal company. L'artiste amusé ou spirituel sur le thème militaire de After The Lord Mayor's Show avec son piano divin, ses tambours pop, sa guitare somptueuse mariée à la basse et trompette, continue un album réussi, infiniment aiguisé et parfait. Office Politics est aussi fichtrement efficace avec son beat funky electro qui évolue plus cuivrée et soul, excellent de sarcasmes et de vérité qui pique, accompagné du grain de voix moqueur et musclé.
Le tempo grandiose de Absolutely obsolete, son thème présent également sur The Synthesiser Service Centre Super Summer Sale et You'll Never Work in This Town Again, s'allie aux machines qui remplacent l'homme, avalé par son addiction aux écrans, en perte d imagination et de discernement. Le fabuleux Opportunity's Knox fera sourire les fans qui reconnaitront dans la chanson l'aventureux Billy Bird. Dans le domaine de la nostalgie, il y a A Feather In Your Cap, histoire d'amour froid et éphémère et il y a Dark Days are Here Again, dont les harmonies me rappellent Bowie, offrant une structure alternative fulgurante, oscillant entre une ambiance inquiétante, voire menaçante et celle d'un piano bar feutré d'avant-guerre. Les sons ajoutés aux titres ornent malicieusement les instrumentations et poursuivent ce panache coloré dans les mots, effet garanti sur When The Working Day Is Done. Le titre à l'image d'un train qui démarre gagne en vitesse, en orchestration, en tempo enivrant qui tourne et virevolte pour conclure le nouveau chef d'oeuvre de Divine Comedy. Je ne sais pas si Napoléon est vraiment au Panthéon (où si les cabotins anglais l'ont gardé) mais Divine Comedy et son Office Politics entre bel et bien dans celui de Piggledy Pop!