samedi 24 novembre 2018

Charlotte Rampling

L'actrice, la chanteuse est une icône du cinéma et de la musique. Ce que j'admire chez Charlotte Rampling c'est sa personnalité, sa façon de croquer la vie, la mordre, la ronger et s'en régaler. Elle a du panache, du chien, elle est forte. Réfléchie et posée, elle peut autant être instinctive et cette force équilibrée, dit-elle, ne vient pas de l'extérieur, ni des gens, ni d'expériences vécues, elle est innée. Le réalisateur Laurent Cantet dit " Il y a une très très grande force dans le regard qui me fusille à chaque fois que je peux croiser ses yeux." La photographe Bettina Rheims dit "Elle n'a peur de rien, on sent qu'elle n'a peur de rien. Elle regarde la vie, elle regarde la mort, elle regarde sans peur." Dans l'admiration que je lui voue, il y a du respect. Celui de l'artiste et de la femme, qui jeune a dû se battre, confrontée à des pertes de proches, dès l'âge de vingt ans. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, surtout les faibles, ces réelles épreuves ne l'affaiblissent pas. Evidemment. 





Charlotte Rampling c'est 124 films, 50 ans de carrière, avec des rôles audacieux, mystérieux, extrêmes, comme elle les appelle 'wildside'. Elle cherche volontairement à se mettre en danger, par curiosité, par goût de liberté et pour ne pas se trouver coincée dans le confort. Cette énergie, cet état d'esprit indomptable Woody Allen, Visconti, François Ozon, et tant d'autres en sont béats. Jouer la comédie est son don, elle est indéniablement faite pour ce métier, impressionnante tragédienne et brillante dans ses rôles de composition. Les personnages qu'elle incarne sont tous différents. Elle mue, elle change sa coquille et enlève son armure comme aucune autre comédienne. C'est sur les tournages ou sur scène qu'elle a l'occasion de déposer les armes, en la circonstance, elle décharge son plein d'émotions. Et ça fait mouche, à chaque fois, comme dans le récent Red Sparrow de 2018, histoire d'une espionne recrutée par les services secrets russes et entrainée au métier grâce à l'agent redoutable, impitoyable, interprétée par Charlotte Rampling. Ce style froid et terrible, on le retrouve un peu à Londres dans la série London Spy après Sous le sable, filmé dans les Landes en bord de mer. De hollywood à la finesse plus européenne de Bruegel, le Moulin et la Croix, Rampling endosse sur deux siècles, un panel de rôles mâtinés avec maestria. 




Charlotte Rampling nait en 1946 dans l'Essex d'un père colonel de l'armée britannique mais aussi champion olympique d'athlétisme aux JO de Berlin en 1936. Sa mère, est artiste peintre, aussi héroïne d'un roman de Fitzgerald. La famille vient vivre à Fontainebleau en 1955 et Charlotte apprend le français ces quatre années de collège avant de repartir pour son Angleterre natale en 1960. Elle fait ses premiers pas sur scène, se passionne pour le théâtre et avec Sarah sa soeur elles se produisent en public en chantant et dansant. Elles sont resplendissantes de bonheur. Charlotte a son premier contrat et joue dans une pub pour les gâteaux Cadbury. Ses initiatives prennent forme, elle signe son premier rôle dans Knack en 1964, Georgy Girl un an plus tard, un rôle dans Chapeau melon et bottes de cuir et The long Duel avec Yul Brynner en 1967. Mais cette année 67 est un drame pour Charlotte alors agée de 21 ans quand sa soeur Sarah, 23 ans, se suicide. Sa mère, ne supporte pas et ne se remettra pas. Charlotte empile les films et enfouit le deuil, la douleur qu'elle désintègre de sa matrice. Son histoire personnelle, elle la brosse pudiquement et pour la première fois dans son autobiographie Qui suis-je, et on comprend ce profil magnifique énigmatique et solide à la fois, son caractère simple et si riche. "Je m'appelle Tessa Rampling. Charlotte est mon deuxième prénom mais il m'a saisie. Tessa est devenue Charlotte. Dès ma naissance, j'ai connu ce mélange un peu trouble de ce qui vient, passe, de ce qui blesse, de ce qu'on ne peut saisir. Les larmes et les rires se mêlent, nous les enfermons. Chez les Rampling, le cœur est un coffre."





La courageuse jeune Charlotte de 23 ans enchaine les scénarios, les tournages de 1969 avec Les Damnés de Visconti à 2019 avec Benedetta de Paul Verhoeven qui sortira dans quelques mois. Côté vie amoureuse, elle épouse brièvement en 1972 l'acteur Bryan Southcombe, a un fils en 1972, Barnaby, et divorce en 1976. 1979, elle épouse Jean-Michel Jarre, d'ailleurs compositeur de Les Damnés, avec qui elle a David en 1977. Ils se séparent et divorcent vingt ans plus tard. Elle rencontre alors Jean-Noël Tassez, journaliste, homme d'affaires, qui disparait en 2015 d'un cancer. 2014 est la seule année dans la carrière de Charlotte sans film. Même enceinte, toute jeune maman, elle tournait comme pour l'excellente adaptation du roman de Michel Déon, Taxi Mauve, film de Boisset en 1977. Elle a accompagné son compagnon cette année 2014 dans l'épreuve de la maladie. Après sa disparition, elle enchaine avec trois films en 2015, quatre en 2016, féroce dans le travail. Je conseille pour la filmographie, Stardust Memories de Woody Allen en 1974, Sous le sable de François Ozon en 2000, Melancholia de Lars von Trier en 2011 et le grandiose 45 years de 2015, (oscar de la meilleure actrice) si émouvant, figeant de par la météo, l'endroit, le jeu des personnages, l'histoire du couple qui tient sur du mensonge et de l'hypocrisie pendant 45 ans : formidablement glacial. La carrière de Rampling est époustouflante et étourdissante.



Le personnage me séduit aussi par ses choix, ses directions non balisées, son art de flirter avec les frontières, pour remplir un domaine artistique, avec tendresse, comme celui du chant. Charlotte Rampling sans pourtant avoir une 'voix' ni une 'voie' classique est musicienne. Elle surprend en jouant de sa voix comme d'un instrument. Le résultat est beau, d'une infinie délicatesse. En 1974 pour le film Portier de nuit, Charlotte chante Wenn ich mir was wünschen dürfte à l'origine chantée par Marlene Dietrich et sa voix est somptueuse, habitée de particules vaporeuses. En 2002, elle signe Comme une femme brodé par Jean-Pierre Stora, auteur de musiques de films et chansons pour Jeanne Moreau et par Michel Rivgauche, auteur de la Foule d'Edith Piaf, mais aussi pour Bourvil, Maurice Chevalier, Yves Montand, Jean Piat, etc. L'album qui ouvre sur Je suis Farniente fait plus que cueillir l'attention, il la croque. Le style bossa, easy listening avec des paroles souriantes et fleuries d'images franco-anglaises comme sur le titre God Save L'Amour est parfaitement pop. Son fils David Jarre chante avec elle sur Dépot De Bilan D'Un Amour garni de violons et de tambourin. Le bandoneon de Je Pourrais Mourir Pour Toi enveloppe, Les secrets d'un coeur émeut. On sourit sur la clarinette et l'accordéon de On Ne Couche Pas ou Le robot et la marguerite. Chaque titre a son histoire, telle une carte postale et ces canevas chantés, plein d'intelligence, embarquent sur les arrangements de cordes touchants.


Plus qu'une icône, Charlotte Rampling à mes yeux est un symbole féminin par excellence avec sa discrétion, sa classe, sa manière piquante de préserver ses distances et son regard presque animal qui doit faire tourner la tête des hommes. Loin des féministes bourrues, testostéronées, qui donnent une vile image de la féminité et font honte, l'accorte Charlotte Rampling, mille fois plus élégante, courageuse, mystérieuse, blindée et sexy, est une digne ambassadrice de certaines femmes et des femmes certaines.



French Cassettes

French Cassettes est un groupe américain de qui apparaît en 2011 sous forme de trio et sous l’impulsion de Scott Huerta qui écrit et compose...