Le 16 février 2018 sortira la fabuleuse compilation hommage aux Kinks nommée This Is My Street sous l'égide du label gallois Daytrip Records. 13 groupes d'indie-pop offrent une reprise des chansons écrites par Sir Raymond Douglas Davies. Chaque groupe apporte son style, son univers aux titres tellement vénérés et respectés que l'exercice pourrait se révéler périlleux. Le résultat est réussi et les Kinks, le groupe le plus british de tous les groupes anglais, y sont fêtés avec honneur et beaucoup d'âme.
Ils apparaissent en 1963 dans le nord de Londres. Les deux frères Davies, Dave et Ray, composent ensemble. Ray chante et écrit les paroles et Dave, guitariste hors-norme, chante aussi et se charge essentiellement des arrangements. Avec eux il y aura plusieurs bassistes, Pete Quaife, John Dalton de 69 à 76 puis Jim Rodford et il y a Mick Avory, batteur pour les Rolling Stones de 62 à 1965 quand il intègre les Kinks jusqu'en 1984, remplacé par Jim Rodford fondateur du groupe Argent. Tout le monde connait les Kinks, rien de nouveau sous le soleil hormis le mauvais sort lancé par les américains sur le groupe qui renforcera son inspiration, sa folle envie de continuer la musique malgré les bâtons dans les roues. Dave et Ray ont tendance à se disputer en studio mais la tension est plus importante entre Dave et Mick qui se battent un jour lors d'un concert aux USA ; ce qui leur vaudra quatre ans d'interdiction de jouer sur le sol américain, interdiction dégainée en 1965 par la Fédération Américaine des Musiciens.
Ce coup de puritanisme nous offrira un esprit brit renforcé dans les chansons des anglais qui décident de continuer d'écrire sur leur pays, leur culture. Se sentant victimes d'une injustice et dans l'incompréhension totale (étant un des rares groupes à l'époque à ne pas consommer de drogues), les Kinks ne jettent pas l'éponge, même si le marché américain est primordial pour gagner une audience plus large et gagner sa vie. Pour planter le décor, en 1965 les Kinks font partie des Big Four, mouvement anglais comprenant Beatles, Rolling Stones, Kinks et Who. Les uns et les autres, loin de la concurrence s'apprécient, sont amis, ils forment le bloc British Invasion.
Ray décrit son sentiment face à la sanction 'Vous savez, les groupes, ce sont avant tout des équipes de guerriers. On fait de la musique mais l’esprit combatif et l’énergie sont essentiels. Si nous n’avions pas partagé cet état d’esprit, nous ne serions jamais retournés en Amérique' 'La vérité, c’est que nous les Kinks, nous avons toujours chanté avec l’accent anglais, contrairement aux autres. Nous avons conservé notre culture britannique' ce qui sera interprété comme une provocation sur le continent américain. 'Comme on avait été chassés d’Amérique, il fallait bien se replier sur ce qu’on connaissait, les petits villages anglais. L’album n’a pas très bien marché commercialement, d’autant qu’il était en réaction au reste du monde et à contretemps avec l’Amérique, qui était en plein mouvement de protestation contre la guerre du Vietnam. Or, ce disque ne contenait aucune colère, il parlait de la gentillesse, des gens intéressants, de marginaux…' Au sujet de Village Green de 1968, manifeste anti-mondialisation avant l'heure 'Mon propos était de dire: si vous voulez nous rejoindre à notre fête, vous êtes les bienvenus, partagez notre monde… mais nous n’irons pas vers vous. Ma musique était plus intimiste, elle n’était pas tournée vers les masses populaires…'
En 1969, c'est la levée de l'interdiction, les Kinks pourront rejoignent leurs fans américains. C'est aussi l'année où parait le magique Arthur (Or the Decline and Fall of the British Empire), qui suit l'album de génie The Kinks Are the Village Green Preservation Society. L'Album, carte postale pastorale qui vante le charme de l'Angleterre, émoi national, est un chef d'oeuvre.
Ray Davies " Je chante pour les gens sensibles, des auditeurs qui peuvent être émus par de belles rimes" "Mes premières chansons ne parlaient que de mon quartier du nord de Londres, de là où nous sommes assis en ce moment même. J’écrivais sur les gens que je connaissais et que je croisais dans la rue, et tout à coup, j’ai été propulsé dans l’univers des tournées mondiales. C’est sans doute arrivé trop tôt. Même si j’étais déjà assez équilibré pour éviter le piège des drogues." "Je pense que c’est ce qui a perturbé pas mal de gens en Amérique, le fait que les Kinks abordaient des thèmes sensibles."
Pour cet hommage, le disque s'appelle très justement This Is My Street et les 13 groupes délivrent avec beaucoup de talent toute l'admiration qu'ils portent aux kings Kinks. La compilation commence avec un groupe du nord de Londres, né en 2009, Cosines, mené par Simon Nelson et Alice Hubley qui reprennent Somebody Stole My Car avec leur touche noisy pop délicieuse. Puis arrangé twee krautrock les Los Bonsáis, espagnols qui brillent sur la scène indie-pop actuelle, revisitent Todo El Día Y Toda La Noche (All Day And All Of The Night) quand arrive l'énergique et tonitruant Picture Book revu et corrigé par The Just Joans qui font resplendir leur esprit drôle et révolté depuis leur naissance en 2005 à Glasgow. Après l' Ecosse c'est au tour du Pays de Galles et The School de semer des particules cristallines et dansantes sur le magnifique Animal Farm.
Le défilé de reprises poursuit dans l'enchantement avec The Sweet Nothings, groupe de Sheffield, conduit par Pete Green, qui vit et vibre pour la pop depuis 2009 et met cette passion au service du très touchant I'm Not Like Everybody Else, tout comme Darren Hayman, maestro pop de l'Essex, leader de Hefner dès 1995, qui avec son style adorable met en exergue Come Dancing. DarrenHaymanPiggledyPop
Eux Autres, duo américain composé des soeur et frère Heather et Nicholas Larimer, reprend A Long Way From Home avant le singulier No Return joué au synthétiseur et au piano par Stephen Todd doté de son style proche de Kevin Ayers. Suit la très belle cover de Autumn Almanac assurée par Little My, collectif de Cardiff comptant The School et Sweet Baboo mené par Harri Davidson dont l'univers minimaliste pop vaut le détour avec d'autres reprises sur son bandcamp, Debaser psyché des Pixies ou le surprenant AM180 de Grandaddy.SweetBabooPiggledyPop
The Wendy Darlings, groupe indie-pop de Clermont-Ferrand, signent une très belle reprise de Stop Your Sobbing, qui avait déjà fait l'objet d'une reprise dans les années 80 par Chrissie Hynde la chanteuse et guitariste des Pretenders qui deviendra l'épouse de Ray Davies en 1983. Malgré la naissance de leur fille en 1984, le couple se sépare en 1986. Suit la reprise qui est ma favorite de la compilation parce qu'elle marie Simon Love que j'admire et le titre formidable Till Death Us Do Part issu de l'album de 1973 The Great Lost Kinks Album mais écrite en 1968, inédite, au charme suranné émouvant, auréolée d'amour sincère et de poésie passionnée. SimonLovePiggledyPop
Laura K chanteuse et musicienne londonienne vient griffer Victoria de brio, avec ukulele et guitare électrique s'élançant au galop sur une cover fraiche, réussie et accrocheuse. The Catenary Wires, groupe mythique anglais apparu depuis 1986 chez Sarah Records boucle la compilation, opérant avec magie et émotion sur le merveilleux Waterloo Sunset. TheCatenaryWiresPiggledyPop
This Is My Street est un hommage marquant qui sera disponible le 16 février prochain, idéal pour la saint-valentin, surtout pour les amoureux de l'indie-pop et des Kinks.
DaytripRecordsDavid Bowie : " I’ve never heard a Kinks song that I didn’t like. Of course, from their noisy and brash beginnings, The Kinks have come to stand for some of the most enduring and heart-clutching pop of all time. They are in the gut of every British songwriter who followed them and are indisputably a cornerstone of everything pop and rock. I love ’em. The world loves ’em."
Ray Davies manque de mourir en 2004 victime d'un tir à la Nouvelle-Orléans, il reçoit une balle. Il quitte les USA et rentre en Angleterre où la reine Elisabeth II lui remet le titre de Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique, suivi de Chevalier de l'Ordre de l'Empire britannique remis par le prince Charles en 2017. A lire, l'autobiographie de Ray Davies, Americana, accompagnée de l'album soundtrack, éponyme, de 2017.