Je présentais Villagers en 2010 pour évoquer l'album Becoming a Jackal, première signature, qui à mon avis était la meilleure production de l'année. Je n'ai pas changé d'avis. Son auteur compositeur, Conor J. O'Brien, vit un drame en perdant sa soeur sept jours seulement après la sortie de l'album. Dans cette épreuve, il faut puiser du courage, du vrai, et il su le trouver. Le talentueux musicien nous offre avec les mêmes qualificatifs que j'employais à l'époque, courage et sensibilité, {Awayland} en 2013 et le tout nouveau joyau sorti le 13 avril 2015, Darling Arithmetic.
Mon billet de 2010 : "Derrière ce joli nom de Villagers qui sonne « green » se trouve un artiste irlandais qui récolte unanimement des récompenses ( il gagne le Music Prize en Irlande, le Mercury Prize) et la reconnaissance de ses pairs ( Paul Weller l’invite pour un live sur la BBC, Leonard Cohen est présent à son concert à New-York, Neil Young et Tracy Chapman l’invitent à faire leur 1ère partie, en 2010 il partage la tournée des Tindersticks).
Avant tout, Conor J. O'Brien qui forme les Villagers en 2008 à la suite de la séparation de son groupe The Immediate et qui s’entoure de Tommy McLaughlin, James Byrne, Danny Snow et Cormac Curran gagne un public et une belle renommée depuis la sortie de son premier album Becoming a Jackal en mai dernier. Conor perd sa jeune sœur une semaine après, et malgré cela, a le courage de continuer au-delà du drame qui le touche en faisant vivre sa musique avec une tournée qui prend de l’ampleur. Il se produit avec le groupe presque tous les soirs, ayant commencé par les états-unis où le disque est sorti en juin.
Becoming a Jackal est la meilleure vente en Irlande depuis le mois de mai; les critiques l’acclament et le qualifient de « disque plein de charme et de mystère », comme le New-York Times et le Irish Times : « les Villagers créent le genre de musique qui va dépasser les genres pour prendre une grande envolée ».
Signés sur le même label que Franz Ferdinand et Arctic Monkeys, Villagers offre en effet un disque splendide. Folk, pop, ultra mélodieux, superbement construit et réfléchi, l’album égrène des mélopées qui coulent, voltigent avec classe. O’Brien qui joue de la guitare depuis l’âge de 12 ans sait avec brio composer, écrire des textes, mettre en forme l’ensemble avec goût et style. Pour les amateurs de Glen Hansard, Neil Hannon, Duke Spirit avec qui il a récemment partagé la scène, vous retrouverez chez lui la sensibilité et la sonorité irlandaise." La suite là : VillagersPiggledyPop2010
A la première écoute de Darling Arithmetic, les mélodies et l'intimité de la guitare acoustique posée délicatement sur la voix de Conor, subjuguent. De son propre chef, il a enregistré et arrangé les neuf titres à la maison, ne souhaitant pas donner à sa production une sonorité de groupe. Comme à son accoutumée, l'auteur tranche et délivre des textes d'une honnêteté confondante, saupoudrés d'éléments personnels touchants. Il y parle essentiellement d'amour, du sien qu'il peut assumer désormais pleinement comme sur l'opus Courage qui ouvre le disque 'It took a little time to get where I wanted / It took a little time to get free'.
Toujours aussi enrobé de sucre, léger et feutré, le folk de Everything i am nous emmène spontanément en voyage, plutôt romantique et atmosphérique. Dawning on Me est une ode à l'amour, une déclaration fleurie de notes de piano, de guitare et de ballet frotté sur la peau. Tout les instruments sont joués par Conor O'Brien, dont la franchise et le chant chaleureux à la manière de Paul Simon dresse le poil sur Hot Scary Summer 'Remember kissing on the cobblestones, In the heat of the night And all the pretty young homophobes, Looking out for a fight'. Il y a cet air iodé, ce parfum d'écume, ce vent frais des côtes irlandaises qui nous chatouillent systématiquement l'oreille à l'écoute de Villagers, et la pureté du ciel maritime se retrouve dans la rythmique de Soul Serene. Le boogie de la basse y est langoureux, le violoncelle et les claviers s'accordent, se frottent et minaudent sur des harmonies sensuelles. Darling Arithmetic est une mélopée en or, proche de l'univers musical de Nick Drake et de Josh Rouse, à la fois pudique, poétique mais sans fioritures, ni faux-semblants. Le duo guitare-piano guidé par le rythme de la batterie continue de faire frisonner sur Little Bigot ou l'intégrité de l'artiste n'est plus à discuter. Les ondes jazzy et folk qui flottent sur les mélodies sont lumineuses, le chant profond et intact de Conor ajoute à l'ensemble beaucoup de clarté. La peau de la caisse est brossée, les claviers caressés, la guitare pincée, les mots subtilement flairés ; L'irlandais sait mettre tous les sens en éveil dans No One to Blame. Il a du talent, un don, un savoir-faire et une technique de troubadour où l'immédiateté est à fleur de peau, où sa voix nous cueille complétement sur So Naive, intense, sobre, au lyrisme exécuté avec efficacité, terminant tel un esthète ces neuf chansons. Conor et sa personnalité attachante, espiègle, une évidence pour ceux qui ont eu la chance de le croiser, écrit des airs marquants en les interprétant d'une voix sincère pour nous faire cadeau d'une partie de lui sur Darling Arithmetic.A se procurer.
Villagers