dimanche 19 avril 2015

Daven Keller Réaction C

Compositeur incroyable, il arrange avec un don surprenant et joue, interprète avec poésie et délicatesse ses compositions fleuries de textes tout aussi splendides. Rares sont les artistes français qui savent écrire dans leur langue et cette scène nantaise a apporté beaucoup à la musique indépendante dans la fin du XXème siècle. Sans eux, nous serions surement encore boursouflés de banana split belge ou autres âneries sonores limite acceptables pour un tour d'auto-tamponneuses. On sait que Pierre Pondu qui a depuis adopté le nom d'artiste Daven Keller écrit pour les autres comme le titre 100% VIP de Katerine, dont il a arrangé l'album Robots Après Tout. En 1995, le musicien breton fait ses valises pour Paris, y retrouve Miossec pour qui il arrange l'album Le déménagement et Katerine avec qui il travaille sur l'album Les Créatures. Entrant sur le label Village Vert, avec une écriture exceptionnelle, Pierre Bondu signe son opus Ramdam en 1999 puis poursuit son oeuvre d'arrangeur pour Dominique A, l'amie de ce dernier Françoiz Breut et signe la bande originale enregistrée à Sofia avec le Bulgarian Symphonie Orchestra pour le film de Catherine Corsini, La Répétition, sélectionné au festival de Cannes en 2001. C'est en 2003 que Quelqu'un Quelque part parait, puis sort Réaction A en 2008 suivi de Reaction B qu'il écrit, compose, arrange et produit offrant une atmosphère plus electrique, disco-pop, funky, toujours efficace et superbement ficelée. Ce mois d'avril 2015 arrive le génial Réaction C qui mérite un zoom sur la trilogie.

Réaction A attaque sur un rythme plein de plumes, de goudron, sans les corbeaux avec Indigène, qui nous laisse imaginer le scénario d'une cavalcade indienne sur un thème amoureux, physique. L'artiste est un batteur hors norme parce qu'il maitrise la technique et qu'il sait à la perfection poser son instrument, primordial pour donner forme à une composition. Déjà saisie par l'envie de balancer les hanches, le tempo endiablé ne lâche pas l'emprise sur Désormais Solaire qui comme le titre précèdent annonce la couleur, je devrais dire les couleurs, celles de Daven Keller. Il pose les cartes sur table comme les mains sur son clavier stellaire, sa batterie rayonnante, ses guitares et basse cosmiques et Daven pose aussi sa voix pour nous annoncer, clairement et efficacement, qu'il est là. L'artiste nous le dit de manière limpide sur Brune Nazareth "sanguin, sans frein" tel le prophète de la pop française que l'on attend en priant et en dansant autour du tipi le cheyenne-tap, sorte de Tecktonik enivrée qui scalpe nos nattes de pacohontas. Le feu dans la hutte continue sur les arrangements psychédéliques et pop, très entrainants de Freaks. Les guitares convaincantes accueillent le banjo irrésistible. Les paroles passionnées écrites par Daven Keller resplendissent de sonorités et tombent à chaque fois de façon mélodieuse et très juste sur les accords et les rythmes. Aujourd'hui comme demain, souffle un vent des grandes plaines du far-west sur le périphérique. Le morceau construit comme un film, alterne entre les images, les rythmes, pour évoquer la nostalgie absconse. L'electro-pop chevauche le clavier et la basse de Paranoiaque qui évoque la dépendance à des substances comme le sentiment amoureux quand Hallali parle du besoin de liberté face aux souvenirs paralysants sur une mélopée sixties psychédélique savoureuse. Daven sculpte ses orchestrations comme un orfèvre, en nappant ses arrangements de cordes et de clavecin alléchants. Interlude offre un sample d'applaudissements de public sur un artiste qui raconte sa vie, rond de dérision et d'un sens sarcastique craquant et croonant. Ce brin d'humour bossa est suivi par la splendeur poétique d'Outre-Atlantique, dans les mots et le chant de Daven, dont la voix caresse le piano, les flûtes et cordes de l'ensemble symphonique. L'artiste nantais nous dévoile son attachement et son bien-être sur le sol américain, comme sur L.A California qui lui inspire une carte postale sonore jouée au piano peinte sur un texte rythmique et émouvant.


Comme je le décrivais l'année dernière dans mon billet, il y a dans tout le savant travail de Daven Keller l'empreinte de son intérêt pour les musiques de films signées Magne, Morricone et Delerue. Réaction B est l'exemple par excellence de sa faculté à l'écriture symphonique et son don pour la composition de musiques de films. Avec Michel Gondry, Yann Tiersen, Alexandre Desplat, ils sont peu en France à oeuvrer dans le genre musical. Cela demande du courage, de l'intuition, de la sensibilité et une sacrée oreille, un sens de la musicalité que seuls les grands musiciens ont. Keller en fait partie avec ces 10 Métronomes qui composent Réaction B. Avec le travail d'un quator à cordes, sa propre orchestration et interprétation, Daven nous emmène dans un univers cinématographique allant de Spielberg à Hitchcock, où viennent flotter les âmes de Saint-Saens et de John Williams, mêlant des notes médiévales, fifties aux atours de la Renaissance. Les arrangements parfois slaves sont vibrants, denses, fluides et variés, comme Métronome 7 en guise d'hommage à Ravel, fort réussi. Les Métronomes de Daven Keller sont animés et colorés, offrant une richesse de rythmes comme sur Métronome 8 glissant sur des moments légers et romantiques comme le majestueux Métronome 9. Le mélomane nous invite à un moment de rêves avec Réactions B qui symbolise tout son parcours depuis 1999 aux arrangements de cordes et orchestres.

La trilogie se poursuit cette année 2015 avec Réaction C qui suit Réaction A de 2008, Réaction B de 2012 avec ces périodes entre chaques, pleines et fournies d'autres activités. Chronique là : DavenKellerPiggledyPop
Comme j'ai pu le lire et relire dans les billets sur internet (blogs et sites musico-culturo-intello qui finissent par 'part' ou font du gonzo, tout juste bons à se citer réciproquement comme des ânes pour remplir et avoir du contenu, pour finalement ne rien dire sur l'album et donner l'impression qu'ils n'ont rien écouter), ce qui revient donc souvent est que Daven Keller à jouer tous les instruments de l'album. C'est vrai que Daven à tout écrit, arrangé et dirigé en jouant sur l'essentiel de l'album où l'on peut noter aussi la présence de Sébastien Moreau à la basse sur Reverse, le travail de percussionniste de Pierre Avia sur 7 titres, les divers amis aux choeurs sur l'opus Merci la vie et l'artwork que j'adore, signé Jean-Manuel Goett.

Réaction C commence donc par un judicieux Merci la vie qui prend la forme d'une dédicace à ses proches, toujours aussi tranchant avec un langage entier et franc, essentiellement parler sur une trame electro-psyché en fond. Apocalypse dévoile les peurs du musicien en délivrant un tempo et un clavier décidés, un chant élégant et résolu accompagné de voix en écho et un clavecin dandy éblouissant. Bossa Nova souffle le chaud et la fraicheur dans les cordes de guitare qui séduiront les amateurs des Kings of Convenience. Daven Keller joue avec ses arrangements pop et funky sur Véridique, joue avec les termes et sa voix suave, charmeuse. L'ensemble des guitares, basse et claviers eighties est maitrisé. Ca groove, ça réveille les pulsions sensuelles quand arrive sur la platine le single Slogan qui dégaine une batterie, des synthétiseurs et des guitares intrépides, sur le texte cadencé de Daven aux rondeurs existentialistes impeccables. Reverse est tout aussi dansant avec sa basse excellente, entêtante, aux syllabes coupantes, aux sons qui fusent, des claviers inquiétants qui mitraillent sur un timbre de voix profond touchant. La sensualité délicate revient sur Eternel éphémère qui est en duo avec Charlotte Raffi, cinglé d'une basse splendide, flûte et clavecin seventies qui donnent un profil lyrique au titre. Easy partagé avec la même chanteuse est electro-pop, soigné et dandiné. Kamikaze siffle une ambiance réaliste, comme une radiographie des sentiments de l'auteur-compositeur sur une mélodie sixties agrémentée d'un rythme sublime et d'une basse digne de Melody Nelson. Cigarette fait swinguer les notes, les cendres deviennent groovy, fichtrement funky et de voix en voix, il me semble entendre aussi le travail complice avec Katerine. Puis l'humour des Chou- ba-di-wap de Hors du commun et son orchestration sunshine, bossa, apporte une atmosphère estivale grâce à une orchestration pop luxuriante. Little John offre des samples d'oiseaux, des choeurs printaniers et mirifiques, une sitar vraiment belle qui conclut l'écoute... avant de découvrir après un moment de silence une fin cachée succulente chantée en américain, country pop, qui fait écho à Réaction A.
Dans une interview, on demande à Daven Keller de définir son album. Il répond "Je dirais que Réaction C est un album de pop chantée, car même si, sur certains titres je parle plus que je ne chante, l’ensemble du disque repose sur l’idée de la pop de par sa structure (chanson avec couplets, refrains, pont) et de par ses influences. " C'est vrai que c'est pop, fleuri d'influences et un album solide, parfait. Le maestro Keller nous fait un très beau cadeau avec Réaction C, exact, élégant, riche de musicalité et de mots élancés.
DavenKeller

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