Bien que je n'aie encore jamais fait de billet sur Josh Rouse, son nom apparait à outrance sur Piggledy Pop et ses albums sont chez moi, des pièces essentielles de la discographie. Je l'écoute depuis 2000 et me rends compte pour compiler ici son travail que le musicien originaire du Nebraska a déjà une carrière impressionnante. Avec une enfance et adolescence un peu nomade, il suit la famille qui bouge d'état en état, de la Californie, Utah, Georgie jusqu'à Nashville où le jeune homme de 18 ans avec ses premières chansons dans sa besace, qu'il pose enfin, prend contact avec les artistes locaux.
Josh Rouse a 26 ans en 1998 et il offre Dressed Up Like Nebraska avec la complicité du multi-instrumentiste David Henry (Cowboy Junkies) qui co-produit, chante dans les choeurs et joue violoncelle et basse. L'album d'emblée connait un grand succès. Puis l'année suivante, c'est le EP Chester partagé avec un autre ami musicien Kurt Wagner (Lambshop) qui parait. Les morceaux sont splendides, pleins de la griffe des deux artistes qui saupoudrent les mélopées de basse, de mélodica, de batterie avec Malcolm Travis, du violoncelle de David Henry, du piano de Curt Perkins et de la trompette de Dennis Cronin. Josh Rouse part sur les routes accompagner Aimee Mann, Vic Chestnut et d'autres pour rentrer écrire le deuxième album Home en 2000. Josh Rouse brille. En 2002, il ne cesse de rayonner sur Under Cold Blue Stars. Rencontrant le producteur Brad Jones en 2003, les deux compères se mettent à travailler sur 1972, année de naissance de Josh Rouse. L'album est impressionnant de rythmes, de mélodies, de groove, d'orchestration pop et d'arrangements dansants virevoltants. Les titres sont grandioses, fleuris de flûte funky, des cordes groovy du violon et violoncelle de Chris Carmichael, de cor et de saxophone avec Jim Hoke. Autour de lui, le fabuleux Curt Perkins qui fait vibrer ses claviers, James Haggerty fait swinguer sa basse, tout comme Brad Jones qui joue parfois de la basse et du vibraphone en quittant ses manettes de producteur. Les textes font un zoom sur les 30 ans de l'auteur qui signe l'excellent 1972 pour son anniversaire.
Ces années de productions élégantes, fondantes de subtilité sont un peu bousculées par les événements de la vie privée de Josh Rouse qui décide après un divorce et les attentats de New-York de partir vivre en Espagne où il retrouve son nouvel amour, se mariera et aura deux bambins. En 2005 parait le génial Nashville, écrit quand il était encore aux Etats-Unis. Il découlera de la décennie à Valence une série d'albums qui auront une autre saveur, qui j'avoue, m'aura un peu désolidarisée de son travail. Les chansons de Subtítulo en 2006, Country Mouse City House en 2007, El Turista en 2010 (rien à voir avec une indigestion) trop souvent en duo avec son épouse espagnole font, dans ma cuisine, un peu redescendre le soufflet. L'épouse qui intervient dans l'univers artistique de son mari qui beau prince l'aide à intégrer le domaine musical, ça peut paraitre mignon mais le résultat est inefficace à mes oreilles. En 2011, il regagne un peu en indépendance sur The Happiness Waltz où sa griffe personnelle réapparait en mettant le flamenco et la voix féminine au placard. Josh Rouse reprend petit à petit les rênes en signant The Happiness Waltz en 2013.
Il y a quelques jours, un ami qui connait mon intérêt pour l'artiste m'envoie la bonne nouvelle : un nouvel album de Josh Rouse vient de paraitre le 7 avril 2015. J'ai donc mis mon habit de picador, saisi la muleta avant de me capoter d'un casque audio en guise de bicorne, prête à décocher l'épée pour l'estocade. Mais surprise, à l'écoute de The Embers of Time, j'ai rangé l'habit de lumières et laisser les titres me parcourir l'échine.
Josh Rouse est de retour, avec son inspiration soul, folk et sa qualité d'auteur-compositeur chaleureuse, intelligente et sensible. Après m'être régalée de son écoute en boucle depuis plusieurs jours, je découvre sans surprise que le musicien est retourné vers son ancienne équipe de choc ; Chris Carmichael, James Haggerty, Brad Jones, auxquels s'allient Howe Gelb (Giant Sand) et un nouveau producteur et guitariste Nathan Golub. Il y aussi le talentueux bassiste, accordéoniste et pianiste Cayo Bellveser, ainsi que la lumineuse présence de la chanteuse Jessie Baylin originaire du New-Jersey qui vit à Nashville avec son mari Nathan Followill, le batteur des Kings of Leon. Sa voix de sucre d'orge, alliée à celle de Josh Rouse est magnifique.
Dès que la mélodie du titre Some Days I'm Golden All Night entame l'album, je reconnais le grand style généreux et typé de Josh Rouse. Ses arpèges de guitare délivrent des particules d'air folk américain. La basse et le vibraphone se dandinent gaiment, groovent sur les violons et le wurlitzer jazzy. L'harmonica de Too Many Things On My Mind poursuit la délicatesse avec la contrebasse, la rythmique boogie, la flûte dansante, accompagnant un texte introspectif. Josh avoue un profil autobiographique à The Embers of Time dû au résultat d'une longue psychanalyse le sortant d'un état dépressif. L'americana de New Young aux guitares et à la basse fulgurante, au piano splendide, mariés aux choeurs sur le chant si beau de Josh Rouse, propose une mélodie solide. Puis la cadence nous enveloppe avec You Walked Through The Door, au texte amoureux et aux guitares mutines, basse taquine et piano grandiose. Time accueille l'accordéon pour évoquer l'action du temps qui déploie ses regrets et anime la mémoire, la nostalgie aussi au moment d'une sorte de crise de doutes, de manque de confiance en lui depuis qu'il est expatrié.
Guéri, l'artiste en parle poétiquement et pudiquement également sur le duo avec Jessie Baylin Pheasant Feather, réellement réussi en tous points avec des arrangements pop folk divinement ensoleillés. Suit l'exquis et langoureux Coat For A Pillow, où les sentiments mélancoliques du musicien nous emmènent en voyage. Quand le jazzy et bondissant JR Worried Blues arrive aux oreilles sur les accords pop des guitares qui groovent avec l'harmonica, il y a l'âme de Me and Julio Down by the Schoolyard qui vient flotter et la descendance artistique avec Paul Simon devient évidente. Ex-Pat Blues est un titre éblouissant de délicatesse, arrangé avec finesse, qui précède le galopant Crystal Falls, relatant avec belle humeur et des hoooo hooo chantés, le moment de son enfance, les déménagements, et tous ces copains jamais revus. Le piano fait rayonner l'esprit boogie, la basse nous fait chavirer le coeur, et l'ensemble de la chanson qui conclut l'écoute touche, tant elle englobe à elle seule tout l'univers musical de son auteur. Josh Rouse est bel et bien de retour, avec ce 11ème album The Embers of Time raffiné, inspiré, fort réussi qui prend sa place avec 1972 dans le panthéon des disques Piggledy Pop. (Grand Merci à Philippe Lavergne) JoshRouse