Légende vivante de la musique, Graham Nash nait en 1942 à Blackpool. La vie difficile d'après-guerre, le nord de l'Angleterre qui tente de se reconstruire développera chez le jeune homme la passion de la musique qui apprend la guitare très tôt. Avec Allan Clark, ils ont 14 ans quand ils jouent sous le nom de the Fourtones dans les pubs locaux. Ils rencontrent plus tard Tony Hicks pour monter le groupe The Hollies en 1962 qui sera signé chez Parlophone (label des Beatles) et enregistrent leurs disques à Abbey Road. Tous les trois se partagent la composition, l'écriture, le chant, s'entourent de Bobby Elliott à la batterie, Peter Howarth au chant, Bernie Calvert à la guitare électrique, Terry Sylvester à l'acoustique et connaissent un succès fulgurant jusqu'en 1968 quand Graham Nash quitte le groupe.
Etouffant, se sentant enfermé dans la renommée des Hollies qui fait des tournées jusqu'aux Etats-Unis, Graham y rencontre d'autres musiciens et rêve d'autres horizons. C'est pour Los Angeles qu'il part les retrouver pour fonder sa nouvelle carrière. Mais la côte ouest appelle Graham Nash pour une autre raison, l'amour, celui qui sera le plus marquant de sa vie d'homme et d'artiste et pour lequel il écrira les plus belles de ses chansons. Cet amour porte le nom de Joni Mitchell.
Extrait de l'autobiographie Wild Tales (également nom de son album de 1973) : "My band, the Hollies, and I had come to an impasse. We had grown up together, spent many years making music, writing songs, drinking and larking about; we’d had a fantastic string of hits, incredible success—but from where I stood we were growing apart. I’d moved on, I was headed in an exciting new direction, and my heart and soul weren’t in the Hollies anymore. The same with my marriage. My wife, Rosie, and I had been drifting for some time. We both knew things were coming to an end. In fact, for the last six months, we’d started seeing other people. Now she was off in Spain chasing another man, and I was on my way to Los Angeles to visit a woman who had captured my heart... my life had gotten complicated. I was at a hell of a crossroads. There were plenty of unanswered questions. My plight became more apparent as I got off the plane and headed to the taxi stand. There was no point stopping for baggage. I had my guitar, that was it, that was all I had come with. Nothing else mattered. I was in America. I was going to see my new girlfriend, to be with Joni."
Peu après l'acquisition d'une petite maison à Laurel Canyon au printemps 1968 qu'elle achète avec les bénéfices des ventes de son premier album Song to a Seagull, Joni rencontre Graham en tournée sur le sol américain . C'est le coup de foudre et en Juillet, Graham quitte tout : son pays, sa femme et les Hollies pour emménager dès Juillet dans cette maison. L'endroit l'inspire pour ses chansons, Our House nait lors d'une nuit blanche de musique au piano entre Joan, vrai prénom de Joni Mitchell, comme l'appelle Nash et son Willy, surnom donné à Graham Nash par Joni "I'll light the fire, you place the flowers, In the vase that you bought today, Staring at the fire for hours and hours, While I listen to you play your love songs, All night long for me, only for me".
C'est au coeur de cette maison aussi que la rencontre avec David Crosby, ancien Byrds et le guitariste devenu une légende de l'underground très tôt, Stephen Stills, membre de Buffalo Springfield, qui joue parfois avec Eric Clapton et Jimi Hendrix se fait. Immédiatement, le groupe Crosby, Stills & Nash est crée. Stills ayant joué sur l'opus de Joni Mitchell et Crosby l'ayant produit, les deux musiciens sont d'excellents amis qui séjournent souvent à Laurel Canyon, endroit qui inspire aussi sa propriétaire pour ses albums Blue, For the Roses et surtout Ladies of the Canyon de 1970 qui contient le titre Willy évoquant la séparation du couple "Willy is my joy, he is my sorrow, Now he wants to run away and hide, He says our love cannot be real".
Graham Nash ne se remettra pas de cette séparation et traumatisé par la rupture, il écrira un des plus beaux albums en solo Songs for Beginners, dont je suis fan et qui ravit à sa sortie nombre de personnes, de médias, se classant 15ème au Billboard. Sur l'album joue son ami Bill Crosby qui le suit en tournée en Europe pour présenter l'album. Devenus inséparables, les Graham Nash David Crosby signent un premier album éponyme en 1972, deux autres suivront Wind on the Water en 1975 et Whistling Down the Wire en 1976 ainsi qu'une collaboration avec Neil Young pour la chanson War Song. D'ailleurs sur Songs for Beginners, Neil Young joue au piano sur deux titres comme Jerry Garcia (guitariste de Grateful Dead) Joel Bernstein et Rita Coolidge, Calvin Samuels et Phil Lesh (fondateur des Grateful Dead) à la basse, David Crosby à la guitare électrique, Dave Mason (guitariste des Rolling Stones et de Traffic), le batteur John Barbata des Jefferson Airplane, Bobby Keys au saxophone, David Lindley au violon, Seemon Posthumas à la clarinette et Dorian Rudnytsky au violoncelle.
Graham Nash compose seul l'album au titre parlant Songs for Beginners, écrit, chante, joue de la guitare acoustique, de la basse, du piano, du tambourin et de l'orgue. Le premier titre Military Madness, autobiographique, plante le décors. La sublime oeuvre dépeint la naissance d'un musicien, ses états-d'âme, ses aventures, ses opinions. L'album s'ouvre donc sur l'histoire d'un enfant mis au monde dans un hôpital du nord de l'Angleterre, en 1942, quand son père est éloigné par la guerre "In an upstairs room in Blackpool, By the side of a northern sea, The army had my father, And my mother was having me". La mélodie folk entrainante, au tempo dansant et aux choeurs fournis précède Better Days, Graham au piano émouvant et intime pour évoquer la séparation "When your love has moved away, You must face yourself and say, I remember better days" avec son chant écorché accompagné par la clarinette de Seemon Posthumas. Toujours dans l'ambiance acoustique, Wounded Bird est une ode à la déception amoureuse, jouée à la guitare avec la voix splendide de Nash. Cupidon ayant fait demi-tour, I used to be a King orné de batterie, guitares, piano, basse, est arrangée en balade folk magnifique constate les dégâts sentimentaux. Dans la veine de Donovan, Paul Simon, la qualité des harmonies est somptueuse, le chant de Graham Nash est lumineux, ses textes poétiques sont aussi tranchés et directs mis en valeur par des choeurs riches sur Be Yourself. Simple Man suit comme un hymne à l'amour, magnifique et emblématique, écrite l'après-midi même de la rupture avec Joni Mitchell. Le musicien est un homme qui même le coeur brisé s'accroche à la musique. Man in the Mirror, alternatif, folk psyché, avec Neil Young majestueux au piano, se fait léger et moins grave, souligne que la vie continue malgré les chagrins d'amour comme sur There's only One, avec sa chorale bluesy et groovy. L'intimité revient délicatement dans Sleep Song, où violoncelle et guitare se mêlent sur la voix magique de Graham . L'orgue rythmé, la batterie et les voix puissantes de Chicago se lient au texte musclé et politisé évoquant les émeutes de 1968 et du procès des Huit de Chicago. Puis le piano virevoltant et la basse taquinante continuent la mélodie de Chicago sur We can change the World, apportant une jolie note positive pour conclure l'écoute. Songs for Beginners est je pense une pièce maitresse des seventies à avoir dans sa discographie.
GrahamNashSimple Man apparait sur la bande originale du film Reign over Me de Mike Binder avec Adam Sandlers que je conseille.