Mark Reichardt et Conor McCarthy, deux copains d'enfance basés à Cape Town en Afrique du Sud, composent le duo Cute Couple (donné par un de leur professeur sardonique au collège). Les deux compères de Noordhoek, 25 ans, composent des titres pop chaloupée typée soul dance depuis cinq ans. Ils apparaissent d'abord dans un groupe nommé The Aztec Sapphire puis décident de créer Cute Couple, de façon autonome, enregistrant chez eux sur un trois pistes, pour rester au plus près de ce qui les inspire et signer deux premiers singles, Devoted et Noble Rot, particulièrement propres, élégants et efficaces. Mark compose, produit et chante quand Conor joue de la batterie et gère les arrangements, l'enregistrement et le mixing. Ils ont de l'humour et de l'esprit. Cette drôlerie, mêlée à une belle sensibilité, souffle un air agréablement alerte dans les harmonies chaudes et sensuelles sur l'album Terminus, premier disque paru en octobre 2017.
Kaleidoscope, leur style pop électronique seventies, soul, offre une instrumentation finement dosée, travaillée sur logiciel avec des pistes enregistrées sur micro, batterie et guitares. Le paysage sonore compressé et analogique offre néanmoins du relief grâce aux effets de voix brillants et réussis. L'ingéniosité de Conor donne un résultat d'orfèvre avec des voix chorales ou minimalistes qui zigzaguent, faisant des vagues ou des pirouettes légères. Les neuf titres de Terminus commencent avec le tempo funky contemplatif de A good Strip of Green Lights alliant l'analogique au son jouissif du Moog et au son boisé du piano. Le parlé émouvant de Terminus, sombre, étendu dans le temps, convoque la mémoire de sa mère, partie et laissant solitude et vide derrière elle. Revient à sa suite le groove de Somewhere Else to Fall in Love bordé de guitares électriques, de rythmiques chatoyantes et alternatives.
Impossible de s'ennuyer à leur écoute tant les mélodies se dilatent, se déploient et défilent variées et électrisées comme avec Thrauxing Whatever et What Are We Saying It's About pleines de samples, de voix ondulantes, de saxophone, de piano et de claphands. La basse entre princière sur Metro Plus (Dr. Jacky Chan) ouvrant la voie au chaleureux groove de The Tulip I'll Look Down at Forever et de T.M.M.L dont le chant charmant, entêtant, enveloppe et envoûte. Terminus nous fait descendre sur Tired of Feeling Lonely où Alice Phoebe Lou vient apporter sa voix. La chanteuse sud-africaine a attiré mon attention il y a trois ans grâce aux concerts qu'elle donne à la volée dans les rues et parcs de Berlin où elle vit. Elle se dépense corps et âme telle une troubadour des temps enchanteurs, menant son groupe ou seule avec sa guitare en bandoulière, à faire plaisir et rêver son audience. Sa présence au côté de Cute Couple pour ce dernier titre orné de violons et de piano pour évoquer l'exil se marie parfaitement à la délicatesse des deux musiciens, à leur édifice Terminus limpide, mélodique et admirablement solide.
Marlon Williams est un auteur-compositeur néo-zélandais habitant Melbourne depuis des années, qui apparait sur scène et avec son premier album nommé Marlon Williams en 2015. Avec une fibre folk, une atmosphère chaleureuse narrative, une essence typée Scott Walker, l'album brosse des personnages et des histoires drapés de guitares, basse et batterie. Ben Edwards, ami et collègue de studio est à la production et Aldous Harding, avec qui Williams est en couple, partage le chant sur Lonely Side Of Her. La voix de Marlon croone, somptueuse, faisant vibrer sa tessiture et son humour, sa personnalité drôle et sensuelle fleurissent son domaine artistique. Parallèlement à la composition, il est un showman qui habité et généreux fait rayonner son charisme lors de ses concerts. Quittant le style folk bluegrass, il reprend l'écriture après sa rupture avec Harding en décembre 2017. C'est avec le coeur brisé que l'inspiration explose "Then I wrote about fifteen songs in a month". Loin d'être mélancolique, le second album de Marlon Williams, Make Way For Love paru en février 2018 est un bouquet d'amour, garni d'espérance et de luminosité. Car avec des ancêtres maori, la sensibilité exacerbée par le chagrin d'amour, éclatante dans ses chansons, offre des particules brillantes et bondissantes de sincérité, assez pour être remarqué par l'acteur et réalisateur Bradley Cooper qui lui demande de venir jouer et chanter dans le film A star is born de 2018.
Make Way For Love est le genre d'album intemporel, élastique, adaptable à chacun, qui s'écoute avant et après une séparation, avant et après une idylle, parce qu'il parle de l'amour comme d'une force immarcescible. Dès les premières notes émouvantes de Come to me, le chantre sensuel, le troubadour touchant nous cueille. En guise d'introduction séduisante et captivante, la mélodie soyeuse fait des étincelles et le chant moelleux dégaine de l'électricité. Il y a dans le grain de voix de Williams qui escalade les octaves du Edwyn Collins, du Lee Hazelwood et du Elvis,flirtant sur le plan musical avec la scène zélandaise ou australienne des Lucksmiths, Anthony Rochester et Jonathan Bree. La pop tropicale et groovy de What's Chasing You, ses harmonies de guitares et sa rythmique roucoulent avec une pointe d'ironie. L'humour meurtri et grinçant est mis en beauté sur Beautiful Dress et Party Boy grâce au talent du multi-instrumentiste Dave Khan et du producteur Noah Georgeson qui griffe l'album de sa patte aux synthétiseurs.
Le tempo se fait plus velouté, avec une basse de tempérament assurée par Ben Wooley sur Can I Call you et Love Is a Terrible Thing, évocant la distance et la possession. La mélodie de I Know a Jeweller forme un ressac country avec son lot de guitares folk et acoustiques sur un texte désespérément amoureux. Le piano fait son apparition sur I Didn't Make a Plan et sa batterie tendue, envoûtante, grâce au talent de Angus Agars, doublée de l'écho des guitares, appuyant l'effet de plainte et d'union dispersée, comme décrite sur The Fire of Love 'And I'm left alone to tremble Like an adolescent king'. L'amertume dans les mots devient splendide et impériale par l'orchestration et l'interprétation aérienne de Williams. Malgré la relation disparue, Harding accepte de chanter sur Nobody Gets What They Want Anymore et ensemble, même à distance, font surgir un duo touchant et évident. Pour clore le chapitre, le titre Make Way for Love du même nom que l'album, fait résonner la note scintillante, ouverte à une renaissance.
Adrian Juarez est un musicien d'Argentine né à Buenos Aires qui commence son aventure artistique avec le single Madres argentinas escandalizadas, grand succès en 2005, lui donnant l'envol pour la création de son propre label Frigida Records. Il poursuit, inspiré, prolifique, signant le double titre Caleta Uno/Dos sur un label allemand en 2006 puis son premier album Fotografei en 2010, suivi de Tu nombre es fresa en 2011. Déjà, son univers contient du piano, qu'il joue depuis des années, puis de la guitare et des paroles imagées, formant des chansons 'cartes postales', fournies de couleurs et de messages. Il chante l'amour, la musique et la nature, mêlés avec poésie, et compose des mélodies qui voguent entre la pop, le rock, folk, bossa, l'orchestral et le traditionnel. Après les albums Marimba en 2012, Araucarias en 2014, Florale de 2015, Los valientes en 2016, son univers fourmille d'hommages à d'autres pays du monde. Adrian est un artiste passionné qui pied au plancher, signe plusieurs EP par an depuis 2006.
En 2017 et 2018, de manière singulière, Adrian rend donc hommage à différents pays en composant et sculptant des airs traditionnels du Japon, de l'Inde et de la France avec Babette orné d'accordéon mais aussi des hommages à d'autres groupes comme pour Stereolab avec le titre Fluorescencias. De façon symbolique, Adrian Juarez offre ce mois de décembre 2018 le magnifique album Indicador Universal, qui tel l'étoile pop du berger, contient son talent de production, assurant seul chant, instruments et arrangements. On y retrouve aussi la substance fleurie de l'Argentine, géographique et historique. Le jeune homme de trente ans trotte dans le milieu de la musique alternative depuis ses quinze ans. Pour ses trente ans, ce dernier album sonne comme une page de garde, pour de nouveaux chapitres musicaux à venir.
L'Argentine est liée à France, coeurs unis, les français aiment l'Argentine, ses trésors entrelacés avec notre histoire et les échanges qui jalonnent nos passions communes. Adrian décrit ces joyaux, les fleurs des montagnes, plaines aux dimensions magiques, les torrents, les rivières, la terre chaude, le soleil latin qui offre à ses habitants une âme sensuelle et un goût pour le sourire dans les assiettes comme dans la musique. Le folklore, le rock, la pop argentine, à l'image de la culture, sont irisés de notes européennes et sud américaines. D'ailleurs si la langue officielle est l'espagnol, on retrouve quelques indigènes qui parlent l'anglais, l'allemand, l'italien et le français. Adrian égrène les thèmes de la nature, d'une relation délicate et de la musique sur Indicator Universal en le parsemant d'arrangements symphoniques réussis.
L'introduction charmante de l'album avec Diorama Biomas, d'emblée, bat son plein de douce élégance. On quitte un instant le tropique du capricorne pour suivre sur la pointe des pieds celui du Trópicos Erógenos, sublime titre bordé de jonquilles, de renoncules, de flamands roses, de champignons dans la montagne. La guitare teinte et fait écho au chant cristallin d'Adrian destiné à décrire le plaisir d'une rencontre dans un paysage polychrome jusqu'au staccato de flûtes de Felina Cosmovisión où chat, étoiles, mémoire et flots tournoient sur les harmonies nimbées de grâce. Senderismo Interior poursuit l'enchantement, telle une canopée mélodieuse sous laquelle Adrian nous cueille dans son royaume minéral fait de rivières, de forêts, de plantes et animaux sauvages. Son chant de velours et intime absorbe l'attention, les mots fascinants de poésie inspirent une atmosphère mystérieuse, mythique, aux territoires étendus comme sur Un dios subterráneo. Les dieux grecs ne sont guère loin avec le lexique de douceur, de gloire, de mort, de beauté et d'éternité. Auréolant l'album de mélodies, par les instruments et par les textes, Adrian Juarez termine avec un Romance de las partículas divin. Le ciel et la terre forment le suc dans sa bouche pour évoquer les sentiments amoureux qui l'animent et qu'il transmet sur partitions tel un barde magique. L'alchimie subtile, musique et paroles, fonctionne à merveille. Adrian Juarez, constant et fécond, avec son style panaché, son enthousiasme créateur et sa fibre latine légitime, construit et conduit en prince un Indicator Universal au magnétisme efficace, renversant.
Alexandra Bochkareva est une photographe originaire de l'Ouzbekistan qui vit désormais en Russie, à Saint-Petersbourg. Elle se dénote des autres photographes par les thèmes où chatoient et se côtoient roux et rousses, des éphélides sur teints de lait si lumineux et elfiques, leur offrant les contours de la nature et du féerique. Alexandra est sensible à l'art depuis sa tendre enfance, elle dessine et peint. Elle s'en éloigne le temps de ses études puis s'y replonge après la naissance de sa fille grâce à un vieil appareil photo de son père, un zénith. Prenant d'abord des clichés de sa fille, puis des autres membres de la famille, aux cheveux de feu et au regard clair, son premier modèle est sa soeur, rousse, au teint pâle, aux cils et aux yeux étincelants.
Imaginant ses photographies comme des dessins, elle anticipe les matières, les ambiances, les couleurs avec un don de peintre portraitiste. A la recherche de la beauté, son univers loin d'être mélancolique est fantastique, charmant et chaleureux. Les crinières, les minois, les plumes, les feuillages, les pelages, les robes sont saisis par l'objectif et sublimés. La douceur, la poésie, la sensualité, les légendes celtiques, le mystérieux et le magique sont privilégiés et élégamment mêlés. L'apanage d'Alexandra Bochkareva est d'offrir un scénario mirifique et naturel, sans trafiquer, ni maquiller les éléments. Ayant grandi dans une maison à la campagne, avec un grand jardin et une bibliothèque fournie, son autre passion est la lecture. Son intérêt pour la littérature et la peinture se retrouvent dans ses clichés délivrant des ambiances de légendes, mythes, muses et nymphes jouant de la harpe aux côtés d'animaux splendides. Ses photographies brossent la tendresse des bêtes, de la forêt, la douce animalité de l'homme avec une telle acuité qu'on touche du doigt l'atmosphère irréelle proche du conte de fées. Son génie est de réussir à saisir les détails pour rendre le motif, lui, insaisissable.
Les oeuvres d'Alexandra Bochkareva, magnifiques, entrent en résonance avec la vie sauvage des bois autour de Saint-Petersbourg et des plages de Neva Bay dans le golf de Finlande, dessinant une harmonie organique éblouissante. Sa récente série de photographies est dédiée au renard. Pour celle-ci, Alexandra a eu la compagnie du renarde domestiquée, Alice, qui a été adorable le temps des séances et qui même en gigotant chaque seconde, offre un résultat inoxydable et captivant. AlexandraBochkareva
Le Marché de Noël de Strasbourg, autrement appelé en Alsace Christkindelsmärik, marché de l’enfant Jésus, est un des plus beaux et émouvants au monde, réelle institution qui existe depuis le XVIeme siècle. Longtemps le seul, c'est lui qui donne l'exemple et fait au fil du temps, se développer d'autres nombreux marchés de Noël en France. A l'origine, le marché est de tradition germanique et c'est au moyen-âge le jour de la Saint-Nicolas qu'en prévision de Noël, les premiers marchés de Strasbourg, Klausemärik, proposent jouets et friandises, pour célébrer le don de Dieu fait aux hommes. Vins chauds, kougelhopf, couronnes briochées, charcuterie.. La tradition culinaire alsacienne est riche en période de Noël, pleine d'effluves et de saveurs, pain d'épices, bretzels (d'origine celtique qui représente l'intensité des sentiments amoureux), Christstolle, bredele, schnacka, mannele (viennoiserie au lait en forme de bonhomme), berawecka (pain aux fruits secs) sont dégustés au côté des rameaux d'arbres fruitiers coupés à la Sainte Barbe, fleurissant à Noël. Il y a du foie gras, de la carpe au chou rouge, du Mattkemmakas, du Munster au cumin, de la bière alsacienne, du Sylvaner pour accompagner le Ganzeltopf ou le Lekerle parfumé au miel de fleur ou de bruyère.
Les traditions en Alsace ont la peau dure et Strasbourg cristallise depuis des siècles une seule valeur symbolique, celle de Noël. Un des incontournables du marché de Noël de Strasbourg est la Lichterfee, fée de lumière, à la bonté d'un ange, dont l'origine est ancienne, coiffée d’une couronne d’or, vêtue de blanc, porteuse d’une clochette et d'une baguette pour distribuer noix, sucreries, pains d’épices, oranges. Avec elle, selon la coutume il y a Hans Trapp, moche barbu au visage noir, sorte de père fouettard, censé faire peur aux enfants qui n'auraient pas été sages. Il est inspiré d'un personnage historique de Wissembourg, le Maréchal Johann von Drodt, brute sanguinaire qui terrorisait la population. L'imaginaire des alsaciens est fleuri, fruité de contes et de légendes, comme celle de la Fée aux fraises, des nains de la gorge aux Loups, de la sorcière de Koestlach, des bébés alsaciens livrés par les cigognes, l'histoire des Stockfeld Indianer, indiens de Buffalo Bill, ou encore celle du vent qui souffle autour de la cathédrale.
La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg est un joyau millénaire. Fondée en 1015 sur une ancienne église, la cathédrale imposante (jusqu'en 1874, édifice le plus grand au monde) inspire le respect. Avec son horloge astronomique du XIIIeme siècle, son tympan, sa rosace, ses vitraux du XIIeme siècle, sa flèche de 142 mètres, sa crypte romane, sa couleur de grès rose, elle est un "Prodige du gigantesque et du délicat" selon Victor Hugo.
Strasbourg, rayonnante au travers de son marché de Noël, est à l'origine du sapin de Noël, apparu pour la première fois en Europe, en Alsace, à Selestat en 1520. La plus ancienne mention écrite d’un arbre entier coupé pour Noël date de 1605 "Pour Noël, il est d’usage, à Strasbourg, d’élever des sapins dans les maisons ; on y attache des roses en papier de diverses couleurs, des pommes, des hosties coloriées, du sucre, etc. ». Dès le XII siècle, les décorations faites de branches de sapin existent en Lettonie, en Rhénanie, en Scandinavie, en Angleterre puis en France. Le conifère en entier adopté au XVIème à Strasbourg, symbole d’espoir et de vie éternelle est alors couvert de pommes rouges et de lanternes (coquilles de noix évidées, remplies d'huile, devenues bougies) ; Décor féerique pour célébrer la venue du Christ : « la lumière qui illumine le monde ».
Le marché de Noël de Strasbourg vieux de 450 ans, fort de ses trente villages répartis au pied de la cathédrale Notre-Dame, de son sapin de 30 mètres, son quartier historique appelé la Petite-France paré de lumières dont le carré d'or, son parcours de crèches, accueille plus de deux millions de visiteurs par an, venant du monde entier.
Vive La Rose, (rien à voir avec François Mitterrand ni Guy Béart) est le très joli nom de groupe choisi par son auteur-compositeur, l'écossais David Luximon-Herbert suite à une histoire romantique qui lui appartient. Né à Edimbourg, il déménage récemment à Londres où il joue dans diverses formations et c'est avec Don't Move, Don't Speak qu'il signe son premier travail personnel en 2014. Il concocte deux singles depuis qui figurent sur le somptueux For She Who Hangs The Moon paru en octobre 2018.
Forgé de mélodies intimistes, les histoires déroulent comme des diapositives dans l'obscurité qui se dévoilent délicatement à la lueur du projecteur. Il est arrangé avec les cuivres de Terry Edwards et les cordes de Colin Elliot & The Up North Orchestra (Richard Hawley, Slow Club), sans grandiloquence mais beaucoup de retenue et de simplicité, le style moderato préserve les harmonies et surtout le grain de voix de David, impressionnant. Elaboré en studio avec l'aide précieuse du bassiste John Parker, Rod Spark à l'orgue, Nicky Francis (Mono Club) à la batterie et co-produit avec Oliver Betts (The Duke Spirit), c'est David qui peaufine l'instrumentation teintée de son délicieux chant.
Evoquant la vie, ses travers, ses beautés, l'amour, le regret, les textes intimes peuvent faire écho à chacun. Le satellite de l'album est l'histoire d'un couple qui quitte son confort pour partir à l'aventure, avec peur et courage, pour ne pas regretter un jour de n'avoir oser l'inconnu. Il y a des émotions brutes dans les chansons, portées soit d'une mélodie acoustique comme sur le premier titre Night Terrors, soit d'arrangements classiques avec un ensemble de cordes comme sur le suivant, Rio Grande.
Les envies de mouvement et les harmonies ondulantes constituent l'artiste qui aime à se retrouver et se replier en ermite dans les montagnes écossaises. Spiritualité et imagination se marient pour offrir, en guise d'antienne, la lumière, comme sur le grandiose Before We Lose The Light, puis Of A Fire On The Moon. Les métaphores extraites de la nature, les loups, les étoiles, le ciel, la mer, les lacs s'apposant aux parties du corps, aux yeux, hanches, mains, oreilles sur l'orchestration cristalline et finement pop folk sont d'une sanité sonore somptueuse. L'ambiance romantique et amoureuse de Interior Rules est amplifiée sur la magnifique Given Time, iodée et agrémentée de trompette. Les violons et le piano de Lungs accompagnent un texte triste quand The Watchmaker à la suite contient une dose d'optimisme, de spiritualité et de philosophie qui tend à l'humilité. La ballade Schiehallion marque le retour à ses terres, sur une mélodie éclairée de clap-hands, de choeurs et d'un tempo tamisé mais décidé et assuré . Idem sur Sirocco avec ses guitares en écho et la voix élevée pour coller au thème du vent qui souffle mais qui, quelque soit son sens, reste de l'air. D'une plénitude ineffable, douce et sage, l'écoute se termine sur le touchant My Shadow, brillant d'arpèges qui s'emparent de l'attention, ornés de la voix de David, si belle qu'elle transforme Vive La Rose en véritable bouquet d'émotions.
Surf Curse, duo pop du Nevada composé de Nick Rattigan et de Jacob Rubeck, apparait en 2013 avec un premier album de dix titres. Buds est plein d'enthousiasme punk, twee et de fraicheur rock. La même année, avec une production et un mastering plus huilés et aboutis, sort l'EP Sad Boys qui ne laisse pourtant pas trace de tristesse ni de sécheresse artistique. En janvier 2017, les deux américains offrent le magnifique Nothing Yet, solide, galbé et un tantinet entêtant. Même si ce n'est pas du son punk à proprement parlé, celui qui fait pousser la crête et les épingles dans la couenne, l'énergie lobotomisante des guitares énervées et du chant obstiné est, comme je le décris au détour des chroniques du style, idéale pour un pogo de mécréant agacé et nourri au petit lait des Toy Dolls. Les mots saccadés, répétés, accrochent et illico, la batterie révoltée façon 'mods' sur le schéma brut sans couplet/refrain de Christine F, cueille et séduit.
Nés en 1992, les deux musiciens Nick, journaliste, auteur-compositeur, chanteur, guitariste et batteur et Jacob guitariste au style surf brillant, griffent légitimement le titre Doom Generation où l'alliance héroïque guitare et batterie fait bondir et danser. Leur son singulier tient dans le tempo tendu, presque indigné sur les lignes de guitares ensoleillées voire désinvoltes. Le style californien de The Strange and the Kind est réussi, assez pour nous rappeler l'excellence de The Smell qu'ils admirent, les citant dans le titre de Buds,The Smell Saved My Life. Le rythme s'envole sur un texte qui évoque le film Dazed and Confused de John Hughes, évoquant les jours, les années qui passent et d'une métamorphose, d'un changement non désiré, comme sur It Followed Me. Les thèmes parlent de questionnement, de perdition et de transition mais s'enchainent pourtant majestueux, liés par la rythmique mutine et la guitare souriante comme sur l'ardent Cronenberg et Sleeping où les mots décrivent un état langoureux, à la limite du léthargique sur une mélodie twee-pop frénétique. Cette discordance entre le texte et les arrangements forme la singularité de Surf Curse qui marque l'attention et convainc. Nostalgia et All is Lost évoquent un ancien amour, une noyade sentimentale mais à leur écoute, la peine de coeur deviendrait presque amusante et délicieuse tellement la paire dynamique guitare-batterie tambourine et sautille. Falling Apart arrive en fin de disque, surprenante et captivante. Elle est posée et sa lenteur dans le metronome façonne une sorte de gravité, de décision comme celle du départ. Nothing Yet est comme une courte résurgence avant un renouveau, faisant écho à l'envol de Nick Rattigan parti s'installer et vivre à New-York où serein et moins égaré, il déploie ses ailes sous le nom de groupe Current Joys en livrant en mars 2018 le tout nouvel album, significatif, A Different Age. De l'ouest californien à la côte est, l'auteur-compositeur Nick Rattigan met le feu aux poudres pop, absolument à suivre.
Quand des personnalités pop de New-York et de Augsbourg s'unissent, cela donne une splendeur. Le label allemand Kleine Untergrund Schallplatten dont je parle souvent pour ses signatures affûtées compte depuis quelques jours la présence de Gary Olson. J'admire le brio et la constance de Gary Olson depuis 20 ans. Pour beaucoup de musiciens, de groupes, il est une référence, un phare, dans le domaine de la production et de la création. Il fait partie des artistes que j'aime le plus dans le milieu pop indépendant et j'évoque mon intérêt pour son groupe, Ladybug Transistor ici dès les premières chroniques de 2008, puis en 2011 et en 2012 :
"Groupe de Brooklyn, les Ladybug Transistor voient le jour en 1995, grâce à Gary Olson son auteur et chanteur. Jeune, Gary découvrait la musique sur sa radio en forme de coccinelle, Ladybug Transistor avait donc un destin tout tracé... Gary enregistre ses albums chez lui dans sa maison Marlborough Farms à New-York. Le nom de la maison de campagne-studio d'enregistrement sera le nom de son premier album en 1995."
"Parti de quelques démos bricolées dans la maison familiale du leader en 1996, Marlborough Farms, également le nom du premier album, Ladybug Transistor main dans la main avec le groupe Essex Green, ne cesse de grandir. Le groupe de Brooklyn est composé au départ de Jeff Baron, ainsi que de Kyle Forester, guitariste et clavier (qui joue dans les Crystal Stilts depuis 2003), Julia Rydholm qui est bassiste et violoniste, le batteur San Fadyl douloureusement disparu en 2007, et Ben Crum également guitariste et leader des Great Lakes. La joyeuse équipée pop baroque des Ladybug Transistor a changé et compte désormais le trio Gary, Julia, Kyle."
"Gary Olson, également producteur (Kevin Ayers), ne cesse de se faire un nom dans le milieu indie-pop. En griffant Clutching Stems de son style délicat et sophistiqué, en fournissant les morceaux de clarinette, de trompette, tambourin, flûte, claviers et guitares électriques, le multi-instrumentiste Gary Olson se place dans la lignée des grands compositeurs de chamber pop ; Il s’entoure d’amis comme sur le divin Life Less True qui boucle l’album avec la présence de Darren Hanlon, Monnone Alone ( Lucksmiths) et Sheahan Drive ( Architecture in Helsinki).
2018, tandis que l'américain ne cesse de travailler, produisant une pléiade de groupes, de projets, de la Suède, à l'Australie en passant par les USA et l'Allemagne, très demandé mais disponible, il concocte enfin des chansons de sa griffe, aussi belles et impressionnantes.
Après presque vingt ans de carrière, jamais il ne parait blasé. Au contraire, avec un appétit vorace pour la composition, il ajoute de nouvelles cordes à son arc délivrant deux joyaux pop ce 22 novembre 2018 en collaboration avec Ole Johannes Åleskjær et son frèreJørn Åleskjærdu groupe The Loch Ness Mouse. All Points North comme l'indique le titre nous emmène sur la route mais aussi dans une intimité charmante et délicate. Le chant cristallin fusionne à la perfection avec la guitare et la basse comme grattant une allumette avant que batterie et trompette enflamment le tempo. Les violons viennent se frotter aux arrangements et forment une osmose indie ravissante. La mélodie dansante offre des sillons dorés aux oreilles. Le thème du voyage en voiture au tracé voluptueux fait sur la carte caressée la nuit sous les lumières ocres de la route est en harmonie avec l'avancée des instruments. Les yeux fermés, la mélodie forme un train de rythmes et de notes. Puis The Old Twin couronnée de vivacité, zigzague, forgée dans une veine indie-pop endiablée et donne envie de chanter les 'tadadata' poppeux à l'unisson sur les guitares scintillantes et sautillantes des deux frères norvégiens. Des quatre coins cardinaux de la ville, le métro roule jusqu'au cornet de la trompette, rappelant joyeusement celui des Pale Fountains.
Gary Olson aligne deux merveilles, deux chansons lumineuses qui serpentent et font crépiter la platine. L'artiste crée du mouvement, fait briller les instruments et ses cordes vocales aux partitions colorées, sont un véritable palais vénitien plein d'âme et de musicalité. En son nom propre, le double titre The Old Twin entre bien sûr dans le panthéon Piggledy Pop.
The Big City est le groupe conduit par Javier Vicente pour la musique et les paroles. Originaire de Saragosse, Javier compose de la britpop et, écrit, chante avec une plume et accent anglais irréprochables, ce qui laisse entendre qu'il a l'oreille absolue'. Ses mélodies et arrangements sont ciselées par sa dextérité de multi-instrumentiste. Javi joue de la guitare, du piano, du clavecin, de l'harmonica. Son inspiration est mise en partition par sa troupe de musiciens talentueux, Francho Pérez aux percussions, xylophone, batterie, Borja Lasala aux claviers et guitare, son frère Hugo Lasala au banjo et guitares et Miguel Yrureta à la basse, (auteur et compositeur du groupe Life Has just begun). La formation est en place en 1999 et le premier album, aux parfums psychédéliques, A Spring Of Summers, parait en 2003, laissant entrevoir dans les thèmes un attrait pour la nature, les saisons et le voyage. Puis en 2006, le grandiose Call An Ambulance est signé chez King Of Patio records. Cet album, d'une qualité exquise, plus pop que le précèdent, me transporte et est à mes oreilles la pierre angulaire produite sur dix ans de carrière de The Big City. En 2009 les espagnols signent l'ep The Smiths/Finland suivi d'un album panoramique de tous leurs titres, The brugal Years et le dernier magnifique album de 2013, The Way The Trees Are.
Le somptueux Call An Ambulance commence sur le mouvement de Folk On qui préconise de partir vers des contrées meilleures sur un texte fourni d'images musicales 'trumpeter girls', ' you hear the whistle', 'pigs on parade' et des mots qui entrainent 'paths', 'trains' sur le tempo vif des claviers, de la guitare électrisée, de la batterie vigoureuse. Dans la même veine virevoltante, il y a les abeilles, les chats, un tambourin, une baleine, une fille qui chante et la neige cristalline du dansant et très rythmé Ex-Snowman avec son clavier salé, poivré et piaulant excellemment. Suit le sublime Call an ambulance, cosmique et poétique, avec son message amoureux distribué par particules entre les lignes et entre les mots pleins de 'bees' de 'sirens that sing' et de 'dolphins'. Le chant de Javi y est sensuel et velouté, tellement épris et langoureux qu'il transforme le froid de l'hiver en miel, en soleil printanier sur Polen . Les sentiments y sont colorés, des vertes vallées, des feuilles mordorées sous un ciel pour baldaquin comme sur Life Has Just Begun suivi de la dynamique Wacky Races.
Oh This Place's So Quiet (Parts I & II) arrive en milieu de disque avec son format alternatif, en demi-teinte, en guise d'aveu délicat dans une première partie, désignant le manque et l'absence ressentis. Le tempo accélère en seconde avec guitare, piano, boite à rythmes et batterie, alertes et revigorants sur le chant limpide et les mots aquatiques. L'ambiance nocturne et caressante de New Milky Ways est sublimement déclinée sur les harmonies vocales chaleureuses et les guitares alliées à la batterie offrent un son brut créant de l'intimité. Javier aime Brian Eno et Ride, il aime aussi les impressionnistes et reconnait utiliser des métaphores comme code à déchiffrer pour comprendre le sens de ses textes, souvent personnels. Il joue, comme avec une palette de couleurs, à balancer les égaliseurs, les réverbérations, sur la voix, les guitares. Ces effets sont renforcés par le travail de Francho et Borja dans la finesse de l'acoustique et la dynamique du mouvement. Tout cette broderie dans les arrangements, cette grêle de notes vibrantes entre les cymbales et le vibraphone, se retrouvent sur les fondantes Take Me Where It's Safe et All The Great Dictators. Les titres comme de troublantes cavatines pop s'enchainent jusqu'à The Official Sandcastle Building Bureau qui boucle l'album avec poésie et style. Les guitares furieuses s'attachent au chant ardent et robuste pour former un Call An Ambulance pop hétérogène où viennent nager les baleines, danser les dauphins et chanter les sirènes.
L'actrice, la chanteuse est une icône du cinéma et de la musique. Ce que j'admire chez Charlotte Rampling c'est sa personnalité, sa façon de croquer la vie, la mordre, la ronger et s'en régaler. Elle a du panache, du chien, elle est forte. Réfléchie et posée, elle peut autant être instinctive et cette force équilibrée, dit-elle, ne vient pas de l'extérieur, ni des gens, ni d'expériences vécues, elle est innée. Le réalisateur Laurent Cantet dit " Il y a une très très grande force dans le regard qui me fusille à chaque fois que je peux croiser ses yeux." La photographe Bettina Rheims dit "Elle n'a peur de rien, on sent qu'elle n'a peur de rien. Elle regarde la vie, elle regarde la mort, elle regarde sans peur." Dans l'admiration que je lui voue, il y a du respect. Celui de l'artiste et de la femme, qui jeune a dû se battre, confrontée à des pertes de proches, dès l'âge de vingt ans. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, surtout les faibles, ces réelles épreuves ne l'affaiblissent pas. Evidemment.
Charlotte Rampling c'est 124 films, 50 ans de carrière, avec des rôles audacieux, mystérieux, extrêmes, comme elle les appelle 'wildside'. Elle cherche volontairement à se mettre en danger, par curiosité, par goût de liberté et pour ne pas se trouver coincée dans le confort. Cette énergie, cet état d'esprit indomptable Woody Allen, Visconti, François Ozon, et tant d'autres en sont béats. Jouer la comédie est son don, elle est indéniablement faite pour ce métier, impressionnante tragédienne et brillante dans ses rôles de composition. Les personnages qu'elle incarne sont tous différents. Elle mue, elle change sa coquille et enlève son armure comme aucune autre comédienne. C'est sur les tournages ou sur scène qu'elle a l'occasion de déposer les armes, en la circonstance, elle décharge son plein d'émotions. Et ça fait mouche, à chaque fois, comme dans le récent Red Sparrow de 2018, histoire d'une espionne recrutée par les services secrets russes et entrainée au métier grâce à l'agent redoutable, impitoyable, interprétée par Charlotte Rampling. Ce style froid et terrible, on le retrouve un peu à Londres dans la série London Spy après Sous le sable, filmé dans les Landes en bord de mer. De hollywood à la finesse plus européenne de Bruegel, le Moulin et la Croix, Rampling endosse sur deux siècles, un panel de rôles mâtinés avec maestria.
Charlotte Rampling nait en 1946 dans l'Essex d'un père colonel de l'armée britannique mais aussi champion olympique d'athlétisme aux JO de Berlin en 1936. Sa mère, est artiste peintre, aussi héroïne d'un roman de Fitzgerald. La famille vient vivre à Fontainebleau en 1955 et Charlotte apprend le français ces quatre années de collège avant de repartir pour son Angleterre natale en 1960. Elle fait ses premiers pas sur scène, se passionne pour le théâtre et avec Sarah sa soeur elles se produisent en public en chantant et dansant. Elles sont resplendissantes de bonheur. Charlotte a son premier contrat et joue dans une pub pour les gâteaux Cadbury. Ses initiatives prennent forme, elle signe son premier rôle dans Knack en 1964, Georgy Girl un an plus tard, un rôle dans Chapeau melon et bottes de cuir et The long Duel avec Yul Brynner en 1967. Mais cette année 67 est un drame pour Charlotte alors agée de 21 ans quand sa soeur Sarah, 23 ans, se suicide. Sa mère, ne supporte pas et ne se remettra pas. Charlotte empile les films et enfouit le deuil, la douleur qu'elle désintègre de sa matrice. Son histoire personnelle, elle la brosse pudiquement et pour la première fois dans son autobiographie Qui suis-je, et on comprend ce profil magnifique énigmatique et solide à la fois, son caractère simple et si riche. "Je m'appelle Tessa Rampling. Charlotte est mon deuxième prénom mais il m'a saisie. Tessa est devenue Charlotte. Dès ma naissance, j'ai connu ce mélange un peu trouble de ce qui vient, passe, de ce qui blesse, de ce qu'on ne peut saisir. Les larmes et les rires se mêlent, nous les enfermons. Chez les Rampling, le cœur est un coffre."
La courageuse jeune Charlotte de 23 ans enchaine les scénarios, les tournages de 1969 avec Les Damnés de Visconti à 2019 avec Benedetta de Paul Verhoeven qui sortira dans quelques mois. Côté vie amoureuse, elle épouse brièvement en 1972 l'acteur Bryan Southcombe, a un fils en 1972, Barnaby, et divorce en 1976. 1979, elle épouse Jean-Michel Jarre, d'ailleurs compositeur de Les Damnés, avec qui elle a David en 1977. Ils se séparent et divorcent vingt ans plus tard. Elle rencontre alors Jean-Noël Tassez, journaliste, homme d'affaires, qui disparait en 2015 d'un cancer. 2014 est la seule année dans la carrière de Charlotte sans film. Même enceinte, toute jeune maman, elle tournait comme pour l'excellente adaptation du roman de Michel Déon, Taxi Mauve, film de Boisset en 1977. Elle a accompagné son compagnon cette année 2014 dans l'épreuve de la maladie. Après sa disparition, elle enchaine avec trois films en 2015, quatre en 2016, féroce dans le travail. Je conseille pour la filmographie, Stardust Memories de Woody Allen en 1974, Sous le sable de François Ozon en 2000, Melancholia de Lars von Trier en 2011 et le grandiose 45 years de 2015, (oscar de la meilleure actrice) si émouvant, figeant de par la météo, l'endroit, le jeu des personnages, l'histoire du couple qui tient sur du mensonge et de l'hypocrisie pendant 45 ans : formidablement glacial. La carrière de Rampling est époustouflante et étourdissante.
Le personnage me séduit aussi par ses choix, ses directions non balisées, son art de flirter avec les frontières, pour remplir un domaine artistique, avec tendresse, comme celui du chant. Charlotte Rampling sans pourtant avoir une 'voix' ni une 'voie' classique est musicienne. Elle surprend en jouant de sa voix comme d'un instrument. Le résultat est beau, d'une infinie délicatesse. En 1974 pour le film Portier de nuit, Charlotte chante Wenn ich mir was wünschen dürfte à l'origine chantée par Marlene Dietrich et sa voix est somptueuse, habitée de particules vaporeuses. En 2002, elle signe Comme une femme brodé par Jean-Pierre Stora, auteur de musiques de films et chansons pour Jeanne Moreau et par Michel Rivgauche, auteur de la Foule d'Edith Piaf, mais aussi pour Bourvil, Maurice Chevalier, Yves Montand, Jean Piat, etc. L'album qui ouvre sur Je suis Farniente fait plus que cueillir l'attention, il la croque. Le style bossa, easy listening avec des paroles souriantes et fleuries d'images franco-anglaises comme sur le titre God Save L'Amour est parfaitement pop. Son fils David Jarre chante avec elle sur Dépot De Bilan D'Un Amour garni de violons et de tambourin. Le bandoneon de Je Pourrais Mourir Pour Toi enveloppe, Les secrets d'un coeur émeut. On sourit sur la clarinette et l'accordéon de On Ne Couche Pas ou Le robot et la marguerite. Chaque titre a son histoire, telle une carte postale et ces canevas chantés, plein d'intelligence, embarquent sur les arrangements de cordes touchants.
Plus qu'une icône, Charlotte Rampling à mes yeux est un symbole féminin par excellence avec sa discrétion, sa classe, sa manière piquante de préserver ses distances et son regard presque animal qui doit faire tourner la tête des hommes. Loin des féministes bourrues, testostéronées, qui donnent une vile image de la féminité et font honte, l'accorte Charlotte Rampling, mille fois plus élégante, courageuse, mystérieuse, blindée et sexy, est une digne ambassadrice de certaines femmes et des femmes certaines.
Camouflés sous des allures de hippies, The Babe Rainbow sont des musiciens de haute qualité. Le trio australien se présente en 2015 avec le fabuleux EP éponyme de quatre titres dont Secret Enchanted Broccoli Forest. Ce qui peut sembler 'hippie' se pose dans les paroles parfois foutraques et excentriques, leurs cheveux longs et peaux tannées de surfers mais au-delà des apparences, leur univers musical pop, funk, soul est sophistiqué. Quoiqu'il en soit, ils ne jouent pas de la flûte de pan avec le nez.
Parait l'an passé le sublime album The Babe Rainbow composé de douze titres solidement funky, dansants et arrangés aux petits oignons, bulbes liliacés sexy et torrides. Mis en place par l'ingénieur Samuel Joseph, le producteur Stu Mackenzie (membre du groupe King Gizzard & the Lizard Wizard) qui participe en jouant de la clarinette sur Charms Travel, on retrouve aussi la voix française de Pandora Decoster sur deux titres, David Walker au mixing et Panda Grace Fitzgerald aux cordes sur Blue Hour. Les lords pop de Byron Bay, fans de Donovan, Burt Bacharach et des Beach Boys, concoctent des mélodies flower et sunshine pop disco efficaces que je ne peux que conseiller. A mes oreilles, la reprise de Fallait Pas Écraser La Queue Du Chat chantée par notre Clothilde nationale, devenue ici Superstition Shadow Walk est un réel bijou, clin d'oeil à la culture sixties française réussi. Le disque est garni de pépites du genre comme Peace Blossom Boogy et Monky Disco, qui à son écoute, donne envie de jongler avec des bananes et de se secouer frénétiquement en chantant 'les australiens sont mes amis'.
Au mois de juillet 2018, nos amis The Babe Rainbow, Angus Dowling au chant et batterie, Jack Crowther guitariste et Lulu (Louise) le bassiste, rencontré à Paris, signent le nouvel album Double Rainbow . Les mélodies y sont psychédéliques, folk, disco, habillées de lignes de basse et gorgées d'harmonies vocales sucrées et fondantes. Les guitares sautillantes s'offrent avidement dès The Magician qui ouvre le disque . La batterie souple et élastique flotte charmante sur Supermoon qui d'emblée montre la volonté d'hommage aux tempo sixties qui devient vibrant sur Gladly. Les percussions déployées donnent de l'élan aux guitares sur les aboutées Darby and Joan et Eureka.
Le chuchotement glorieux et adroit du sitar psychédélique de Alan Chadwick's Garden précède Cool Cat Vibe orné d'une basse pure, savamment groovy sur les wah wah de la guitare léchés. Puis le sensuel et soigné Bella Luna accueille une flûte traversière élégante dessinant un profil contemplatif, suivi du délicat instrumental, puissant en arpèges pastoraux 2nd of April. L'effet laconique et litanique continue avec Running Back et New Attitude qui boucle l'album sur un clavier délicat. L'essence pop harmonieuse des derniers titres de Double Rainbow comprenant un instrument unique accentue l'effet planant et démontre que The Babe Rainbow peuvent voyager dans les styles musicaux, largement et aisément. Nos amis australiens visitent souvent Paris, ne cessent de clamer leur amour pour la France et leur affection nous honore! En attendant leur retour, The Babe Rainbow attaquent une vague de concerts en janvier du côté de l'Océanie et sont à retrouver chez Flightless Records.
Surface to Air Missive est l'alias d'un seul homme, multi-instrumentiste, arrangeur et compositeur, Taylor Ross. Il signe en 2013 son premier album du même nom, suivi de Third Missive en 2015, A V en 2016 et cette année 2018 parait Surface II Air Missive qui contient ses compositions de 2012-2013 dont aucun label ne voulait à l'époque.
Taylor Ross enregistre seul ses chansons de son home studio en Floride et se produit sur scène avec des musiciens. J'ai récemment découvert son univers artistique, époustouflant de caractère. Il a vingt-cinq ans à peine lorsqu'il signe A V, son véritable dernier album en date. Les douze titres sont excellents, mêlant de l'acoustique pop à du psychédélisme façon Of Montréal, Neutral Milk Hotel avec du Incredible String Band qui est sa référence. Sa griffe, en plus de la composition alternative psych-pop, rock, folk typée, tient dans son grain de voix aux inflexions particulières, à ses métaphores dont la présence fidèle du cygne au travers de ses albums qui peut passer pour bluette, s'élance en perle éloquente. Sa personnalité est une sorte de curiosité dans le panel indie-pop actuel.
SAM sait faire réfléchir ses mélodies sur A V, en zigzags, en reliefs, avec My Stratocaster qui ouvre le disque. Ce qui crée cette amplitude, c'est aussi l'utilisation de la flûte soprano que Taylor reconnait aisément comme un mystère qu'il aimerait savoir utiliser, sans y parvenir, quand il maitrise piano, basse, guitares et batterie. A l'écoute de I Call Me Us, il donne l'impression de fourmiller d'idées, d'aller en diagonale et en réalité, le musicien taille et sculpte ses mélopées au millimètre. On plonge dans l'univers psychédélique grâce à My Finest Shirt qui sonne comme un duo formé de Syd Barrett et d'Elliott Smith, balade où les détours tortueux nous mènent à une vue sublime. Puis à l'image de la pochette d'album, Ascent to A V, en guise de pause de deux minutes, sort l'artillerie de flûtes inquiétantes, au point de faire flipper n'importe quel serpent, avant le majestueux Please No More qui s'empare de l'attention. Telle une méditation, le titre est un voyage in petto dans ses pensées délicates et poétiques mis en valeur par la guitare, le tempo qui galope sur la guitare électrique entêtante. Le rythme continue son ascension sur Sharp Guise jusqu'au Return of Swan où s'entrelacent guitare, basse et flûte. Malgré sa place en milieu d'album, il fait oeuvre de péroraison ; Idem pour Electric Swan sur l'album précédent et Swan Begins sur le dernier.
Puis la pop ressurgit sur Full Love Wonder et Morning Thought avec ses arrangements florissants, sa cascade d'instruments sémillants et ses mélodies cadencées. Something you're not offre une douceur et une volupté quand le piano vient titiller basse et guitare avant le style garage de Me And The Gang et le délicieux Time Being aux mouvements de claviers conspirants. Taylor Ross a du mérite, de l'inspiration. Son talent, patent, vient de son travail mais aussi de son tempérament. Surface to Air Missive a du panage et renouvelle le genre pop baroque avec une grande qualité technique, des ramifications psychédéliques, précieuses et percutantes, épiques et oniriques, sur ce très beau A V.
Un nouvel EP de quatre titres I Fell In est paru il y a deux semaines. On y retrouve une version acoustique de Morning Thought et des inédits destinés à l'origine à A V ; Voyage imaginaire redoutablement mélodieux avec des sauts périlleux dans les arpèges et des harmonies à tire-d'aile qui font effet et complètent le plaisir avec SAM.
The Jazz Age de Jack parait en 1998 enregistré entre le Pays de Galles et l'Angleterre. Comme il est toujours doux et bon de se souvenir, j'ouvre donc le tiroir 'disques du siècle dernier'. Je connais Jack depuis 2002 et je ne pense pas passer une seule année depuis sans les écouter au moins une fois.
C'est en 1992 que Jack voit le jour à Cardiff sous l'impulsion de Anthony Reynolds et de Matthew Scott. En 1993, les deux amis posent leurs valises à Londres. Anthony, auteur-compositeur, est féru de littérature, de la Beat Generation, de peinture, de cinéma, des Velvet Underground, fournissant ses chansons de références exquises.
Le premier galop des gallois parait en 1996, nommé justement Pioneer Soundtracks avec son single Kid Stardust dédié à Charles Bukowski. Puis parait le fameux The Jazz Age, peaufiné par l'ingénieur Darren Allison, producteur de Divine Comedy de 1990 à 2000.
Parallèlement, en 1997, Reynolds et Scott travailleront à un autre projet appelé Jacques dont l'opus How to make Love sera produit par Momus. Le titre Morning Light avec son profil Romeo et Juliet est mon préféré. Le deuxième September sound parait en 2000 produit par Rob Kirwan (U2), Bryan Mills (Divine Comedy) et dans l'équipe, Matthew Scott est là. En 2001 l'EP Romantic est enregistré l'hiver 2000 à Paris avec le Moscow Philharmonic Orchestra.
Anthony passe l'année 2001 à New-York pour travailler un nouvel album de Jack, offre la complicité de Dan Fante, le fils de John Fante, qui signe le titre The Emperor of new London sur ce troisième et dernier album, The End of the Way It's Always Been de 2002 sur le label Français, Les disques du crepuscule.
The Jazz Age est pour moi un album supérieur, qui passe les années avec une élégance désarmante. Arrangé de cordes, vêtu de mélodies incroyables, il envoûte par son atmosphère sensuelle voire érotique sous la couverture de métaphores poétiques et de références toutes plantureuses. Cet ôde au rock underground, à l'amour et aux artistes du XXème siècle commence sur un 3 o'clock in the morning dont les six minutes d'emblée subjuguent. L'ensemble de cordes, violons, violoncelle et le saxophone s'unissent sur les guitares de Matthew Scott, de Richard Adderley et le chant saisissant d'Anthony Reynolds. Pablo, dansant, rock garage, déroule sa rythmique musclée de clap-hands sur une histoire de tromperie et de double vie "your clothes are pronounced 'Versace' and not 'Verse-Ace'" quand suit le voltigeant My World Versus Your World, ses guitares tendues, son tempo explosif et son texte passionné, déclamé avec une énergie qui fait tourner la tête. Il y est question d'un peau à peau enflammé un samedi et le titre Saturday's Plan qui enchaine ne calme guère les sens. Nico's Children et le clavier vibrant de George Wright, ses accords langoureux et sombres qui correspondent à l'univers de l'artiste allemande, est plein d'émotions et de mots référents au duo Lou Reed/Nico "so sunny and dirty, together we'd never make it, straight out of here'.
Lolita Elle, surement un des titres qui me marque le plus en 2002 à la première écoute, arrive somptueux, follement enivrant d'amour, de jeunesse, de vitesse, d'érotisme, sur des mots inébriés de Vladimir Nabokov, des arrangements alternant entre douceur acoustique et étreinte symphonique. Dans la même veine romantique, on retrouve Cocteau, Picasso, Warhol, Nico, Fellini, Allen à Manhattan, sur le rock voltigeant de Cinematic qui parle autant de poésie, de cieux étoilés, que de plaisirs de chère, d'infinis plaisirs de chair. La gourmandise est relancée sur le rythme rock de Steamin', enivré de vin, de sensations, d'élans positionnés dans la mélodie toujours aussi génialement galbée par Scott, l'interprétation et les mots de Reynolds. L'effet redouble sur Love And Death In The Afternoon, image d'ébats amoureux brulants avec des harmonies de cordes, vigoureuses et montantes. Half Cut, Wholly Yours clôt l'album, rappelant son contenu, l'amour, le désir, le vin, les robes pas chères vite ôtées, les nuits blanches, les films, la spiritualité sur cinq minutes de notes enlevées, perçantes, qui terminent The Jazz Age monumental, déconseillé à ceux dont la libido est à sec. Anthony Reynolds est un artiste phare, dont la carrière est éblouissante, fleurie d'oeuvres majeures à fouiller absolument et à aller voir sur scène en ce moment avec Anthony Reynolds & the Understudies.
Mon cher arrière-grand-père, et Dieu sait comme vous étiez grand,
Autrefois vous vous êtes battus pour 'elle' à en perdre vos plumes et votre jambe. Aujourd'hui, 'ils' sans identité, tel un coquillon vide, 'la gère'. C'était il y a un siècle et en 2018, il y a toujours des morts.
A vous, Marie-Agnès.
Là-bas avec ceux qui souffrent de Guy Hallé, Paru en 1917.
'Ce petit livre (...) est un chef-d'œuvre, il faut le dire et le mot n'est pas trop fort (...) Comme document il est plus riche, malgré son extrême brièveté que maint autre volume plus prétentieux' . Jean Norton Cru
Heiko Schneider est le forban pop derrière l'alias The Catherines. Le musicien de Hambourg, fan de la France, de notre Catherine Deneuve, Nouvelle Vague, Godard et digne héritier de l'indie pop C86 met en place ce joli projet en 2017. Avec le label espagnol Mondo Canapé Records, il fait paraitre ce printemps 2018 un premier album The Catherines plein d'âme pop, de références et de passion. Prolifique, inspiré, Heiko nous comble en signant des singles régulièrement depuis un an. De toute évidence, le processus de création n'est pas pour lui une souffrance, au contraire, il s'amuse. Ce plaisir s'entend dans les arrangements fleuris de notes de guitares gourmandes et rayonnantes. Depuis le mois de janvier 2017 et le sublime Your Light Shines Everywhere, Heiko chevauchant en croisade pop, produit un titre par mois en prenant soin du visuel, consacré à la french touche des sixties et signe ce mois de novembre 2018 The more we kept moving the farther away we got from us. Alternant entre son brut de guitares, efficace et pur, synthétiseurs poppy de pied en cape, il émane de ses compositions une mélancolie finement dosée sur des accords variés. Ces accords sont d'ailleurs sur le bandcamp de The Catherines, Heiko expliquant généreusement son travail d'orfèvre, ce qui le tient au corps au moment de son travail. Celui-ci consiste à rendre hommage à cette grande vague de groupes indépendants, des années 80 jusqu'à nos jours, et qui font désormais partie intégrante de notre culture musicale européenne commune.
C'est un régal de retrouver l'esprit des Smiths sur Is Your Bigmouth Girlfriend Really So Charming, de Primal Scream sur How come you think everybody likes you? celui des Field Mice sur Let’s Kiss Good Night In The Morning. Avec une Ibanez 12 cordes à l'épaule, empruntée à l'autre Heiko de Hambourg, Heiko Shulze, ou bien maltraitant avec grâce sa Fender Telecaster, sa Gretsch, sa Gibson, Heiko Schneider produit des chansons formidables et fouillées ; Nourri aux Byrds mais aussi aux biscuits Bahlsen dont on entend le craquement sous la dent sur le titre I was struggling with your magic biscuit tin, notre Heiko a de l'humour en bonus. Parfois sarcastique, mais souvent charmant, ce trait d'esprit transperce ses mélodies, ses arpèges et le choix de ses compagnies comme celle de Hanna ou de Sandra Ost pour les duos. Les titres sont habillés de cor, de trompette, de cloches parfois comme sur Sunshine Every time you say it's okay I know it is okay, aux guitares rutilantes et choeurs sixties fabuleux. The Catherines, fait maison dans les règles de l'art, sensible aux atours français, expert ès-indie, en délivrant un cocktail d'harmonies dansantes, émouvantes et souriantes à piocher à l'envi, entre chaleureusement dans le panthéon des artistes PiggledyPop.