J'aime ce groupe néerlandais parce que son univers musical est singulier et parce qu'il véhicule un esprit qui me touche. S'il devait tenir un rôle dans 'Le bon, la brute et le truand' ils ne serait pas 'le bon' et ce malgré un look de dandy, une allure de jeune premier au costume et chemise tirés à quatre épingles. Il ne faut pas se fier à leurs boucles blondes. Les artistes de Rotterdam cachent des tempéraments bien rincés. Il y a notamment celui de Thomas van der Vliet qui est l'auteur-compositeur, guitariste, pianiste, un mélodiste exceptionnel. Depuis l'album La Chasse que je chroniquais il y a deux ans, Thomas s'est consacré à sa vie privée, son mariage, et revient à la composition ces derniers mois pour offrir en mai 2017 le nouvel album Shame, Guilt, Deception signé sur son label qu'il gère d'une main de fer Brandy Alexander Recordings. A ses côtés, d'autres caractères 'bien trempés' s'activent de façon magistrale et loyale. Le fantastique chanteur Nick Verhoeven, le contre-bassiste Eddy Nielsen, la violoniste Esther Vroegindeweij, le batteur Andre van den Hoek et le guitariste Mark Ritsema.
"The Bullfight est un groupe néerlandais qui compose de la pop aux accents folk et rock grâce à la présence du violon, de l'orgue, de guitares et de la basse rutilantes. Après Lips & Ashes de 2004, One Was A Snake de 2006, le groupe signe le single Another man en 2007. (...) Thomas van der Vliet en 2008 coécrit la bande originale du film Lucid signé du réalisateur Ferry van Schijndel, qui remportera un beau succès aux festival du film de Rotterdam et celui de Berlin. Cette même année, il trouve le temps de peaufiner des chansons avec la clique de musiciens du troisième album Stranger Than The Night qui sort en 2010. Là encore, The Bullfight s'accorde une tournée qui passe par la Grèce, l'Allemagne, le Danemark, la Belgique avant de s'arrêter en studio pour le superbe quatrième album, au joli nom français La Chasse, qui vient de paraître en mai 2015."
TheBullfightPiggledyPop2015L'ambiance de polar noir saisit aux premières notes de Shame, Guilt, Deception. Le décor est planté, les personnages déclinés, l'histoire déroule son récit sur des arrangements et une orchestration à faire frissonner l'occiput. The Weeping Willow nous entraine dans un temps ancien, sur une rythmique lancinante qui swingue sur un magnifique son de gramophone et de cuivres somptueux. Puis le grandiose I Guess You Know By Now où la voix de Nick voltige sur les violons évoque ses sentiments et sa fragilité imagés par les 'white horses' à la manière de Nick Cave, Bonnie Prince Billy, Lou Reed, Leonard Cohen. That Man quitte un moment la poésie romantique pour requérir à un moment de testostérones décidés, conquérants, agrémentés de l'orgue aiguisé. No Thorns, No Roses évoque un amour, un domaine, rappelant l'esprit de préservation de territoire qui n'attend aucun sentiment. On est délicieusement propulsé au 18ème siècle, où valeurs et honneur sont mis en forme par des cordes et des choeurs somptueux. The Bullfight étend son talent d'écriture et d'interprétation sur My Comeback où le clavier et les guitares resplendissent pour accompagner le protagoniste, de retour sur son sol quelque soit le prix à payer. Plein d'âme, de coeur, le personnage se perd uniquement dans ses sentiments amoureux pour sa belle dans Waltz For L.E. puis dans Only Her Ladder Led To Fire où Thomas brille de talent. Le piano délivre une mélodie émouvante ornée de basse et guitare électrique qui symbolisent une force combattante et résistante. Les violons, à la vanité réconfortante, viennent renforcer ce sentiment d'inflexibilité quand la joyeuse rythmique de My Life Is Better Than Yours apporte un moment de légèreté et d'humour. Backdoor conclut l'écoute avec la même exigence acide, la même passion dans les partitions, dans les instruments et les mots.
Shame, Guilt, Deception est éloquent, mélancolique, spirituel grâce à ses différents talents réunis. Les musiciens créent une atmosphère anachronique, Thomas compose avec autant de sagesse que de compulsion lié à Nick, diplômé en littérature et écrivain, qui apporte sa plume, ses textes intelligents et sa voix envoûtante. The Bullfight offre comme d'habitude du rêve, de la surprise, de l'énergie, de la musique pop théâtrale, extrapolée et un univers artistique, sélectif et élitiste. J'aime ce profil assumé et ce charisme sur scène comme sur disque. Je suis une fan totale des Bullfight qui ne laissent pas de place au hip-hop ou autres 'Alicujus rei consors' mais sortent volontiers l'artillerie de Telecasters pour y faire face. A se procurer absolument le 8 mai prochain en coffret double avec la réédition du génial One Was a Snake sur le site Brandy Alexander Recordings qui signe aussi récemment la réédition de No Song, No Spell, No Madrigal de The Apartments.
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