Forever Pavot est un auteur-compositeur français qui offre des guitares au son planant, résolument sixties, des claviers psychédéliques, une rythmique groovy. Les compositions typées et stylées font mouche. Forever Pavot nous embarque dans son univers qui rappelle les mauvais garçons du drugstore ou du Palladium en 68, les vespa pétaradant sur Saint-Germain où les minets en clarks, burberry et Ray-ban qui écoutaient les Who en jouant au flipper. Les arrangements, dans la veine des premiers pas des Pink Floyd, Gainsbourg, Francis Lai, François de Roubaix, sont gorgés d'inspiration, et bénéficient d'une production irrésistible. C'est l'homme parisien originaire de la Rochelle, Emile Sornin, qui se cache derrière le nom d'artiste Forever Pavot, un musicien et technicien talentueux qui invente, crée et modèle ses morceaux comme un orfèvre. Au sein du groupe Arun Tazieff depuis 2011, Emile ne tarde pas à faire cavalier seul en signant dès 2012 un premier single Christophe Colomb/ Le pénitent passe, sorti uniquement en vinyle. A son écoute, on pense au bricoleur de brio Bertrand Burgalat parce que le jeune musicien bidouille et maltraite ses claviers pour en sortir des sonorités puissantes, savamment balancées et distinguées. Aimant l'image et le design en gérant des vidéos pour des groupes amis, son intérêt pour cet art s'entend tout au long des albums qu'il signe (en peu d'exemplaires et vinyles) qui sont concoctés à la sauce Morricone.
L'album Rhapsode suit en novembre 2014 et comme un parfum d'époque, les 12 titres du disque sont envoûtants, dansants, groovy, sensuels et cosmiques. Sans faire de la récupération ni de l'exploitation d'ambiance rétro, comme une pellicule de film, Raphsode se déroule avec modernisme dans la création et l'utilisation des technologies actuelles en studio. Electric Mami (clin d'oeil à la maison de Toulouse qui porte ce nom, où enregistre Aquaserge entre autres) entre en scène, avec son orgue digne des Zombies tenu par le maestro, flûte, basse, guitare jouée par Benjamin Glibert, batterie voluptueuse jusqu'au son pernicieux de Miguel El Salam qu'on imagine avancer tel un cavalier au son des chevaux au galop et de coups de fouet. Joe & Rose nous invite à rester dans une atmosphère de danger dessiné comme un paysage psychédélique sur les voix d'Emile en duo avec Catherine Hershey . L'ambiance psychotic reaction continue avec Rhapsode, ou guitare et orgue s'entrelacent sur des rythmiques et des choeurs. La fusion se poursuit sur l'instrumentale furieusement hantée et bien sculptée, Les naufragés de Nieul qui rend hommage à la petite ville d'Emile, Nieul sur Mer. La Rabla débarque offensive et belle redonnant presque vie à "Amicalement Vôtre", avec ses guitares électriques embrassant les tambourins. La mélopée magnifique est mixée par le musicien et ingé son Benjamin Glibert. Puis Le passeur d'armes, dans l'ombre de Robert Wyatt, est rythmée en diable tout comme Les cigognes nenuphars qui enchaîne. Le titre animalier n'enlève rien à l'ambiance sauvage et si finement composée d'une pléthore de cloches et d'une basse en habit de grâce. La voix d'Emile Sornin qui fait corps avec la musique y apparait si délectable que le plaisir continue sur Ivresse de pacotille, aux arrangements subtiles et nuancés. Le tempo alternatif est là aussi sur l'instrumentale Green Nap, enveloppante et contemplative avant la tonitruante petite merveille psychédélique Magic Helicopter. The Sound of Chehery Bell termine en beauté sur une flûte ensorcelante, un clavier décidé et une batterie, une basse et le chant de Forever Pavot, magnétique. Rhapsode est plein de 12 joyaux sixties psyché qui offrent un moment d'abandon, une sensation de voyage(s) et certainement une qualité mélodique bien rare dans le paysage pop français actuel.
BornBad