Je fais ce soir un billet hors sentier, bien que l'initiative populaire, le sujet et l'endroit puisse coller à l'esprit de Piggledy Pop. Ma librairie de quartier où je dépense volontiers mes deniers, propose cette nuit 31 Janvier 2015 une exceptionnelle Nuit de Lecture, de 21 heures à 7 heures du matin avec la participation du lecteur Marc Roger qui viendra conter Martin Eden de Jack London. Après une séance de dédicace qui offrait mercredi 28 la présence de Soren Mosdal et de Rudy Ortiz pour leur roman Madeleine, ce matin un rendez-vous de lecture de contes pour les enfants, la semaine bien animée se terminera sous les étoiles d'une nuit blanche, éclairée par les mots couchés sur le papier.
Cette petite librairie au joli nom "L'Ouvre-Boite" n'a rien à envier aux gros magasins culturels. On y trouve son bonheur, des conseils, des idées, du charme et de la chaleur dans la présentation, la déco "pop" de sa vitrine et de l'énergie dans les initiatives. J'aime ça. Pour les amateurs et amoureux des livres, avoir son petit îlot de quartier qui fleure bon les parfums d'imprimerie, de bouquins neufs, est un réel bonheur. Il en existent heureusement bon nombre à Paris, ils résistent et les lecteurs que nous sommes ont le devoir de soutenir leurs actions.
Marc Roger qui honorera Martin Eden au cours de cette nocturne et bercera de ses intonations vivantes et colorées les auditeurs, est un passionné de lecture publique. Né à Bamako, il parcourt le monde entier depuis 20 ans pour défendre bec et ongle la littérature, les livres, la lecture. En 1996, il crée la compagnie La Voie des Livres, fait un tour de France "à haute voix", une tournée au Brésil et une méridienne Saint-Malo/Bamako s'ajoutent à ses démarches. Le Nouvel Obs en écrit : "L’homme- livre ? L'expression serait trop faible pour un homme qui se donne corps et âme à son métier en établissant toujours un contact étroit avec son auditoire. Jouant habilement des intonations et des inflexions de sa voix haute et claire, il captive son public." Marc Roger propose aussi des Lectures-concerts, comme sur Albert Camus qu'il lit accompagné d'un pianiste, d'un flûtiste, d'un guitariste ou sur la route 66 en revisitant John Steinbeck tandis qu'une guitare reprend Woody Guthrie, ou encore les thèmes de la Grande Guerre marié à un piano, le jazz à l'honneur avec Louis Amstrong, la musique tzigane sur du Flaubert, le tango sur les mots de Jorge Luis Borges etc.
Marc Roger, a sa manière est un lecteur actif pop qui cette nuit plongera son public dans les voluptés de l'avant-garde de la Beat Generation avec Jack London, car l'auteur aura été précurseur du mouvement, surement une source d'inspiration pour Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs. Sur plusieurs plans, avec leurs destins, leurs aventures, leurs oeuvres, leur manière sensible d'aborder la vie et de la finir, les écrivains de la Beat Generation semblent être les héritiers du natif de San Francisco en 1876, Jack London.
L'écrivain qui admire Victor Hugo et Maupassant, est superbement décrit, expliqué dans la biographie Jack London, le vagabond magnifique, écrite par le chanteur Yves Simon qui voue une grande passion à Jack London.
Martin Eden que Jack London écrit en 1909 est un roman qui dessine discrètement son autobiographie. Peinture de la société américaine au début du XXème siècle, Martin est un jeune marin d'Oakland, ivre quand il se bagarre avec les ivrognes du transbordeur, ivre d'admiration et d'amour pour Ruth, bourgeoise à la beauté éblouissante. L'attirance est partagée malgré la différence de statut social. Le jeune héros prend des résolutions pour conquérir la jeune femme et décide de s'entretenir physiquement, de dévorer tous les ouvrages de la bibliothèque de la ville, se met à écrire des poémes, des romans, jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse de lui. Mais son érudition grandissante, Martin se rend compte que son entourage n'est pas si cultivé, Ruth y compris et il prend conscience tout au long du roman qu'il ne faut pas confondre intelligence et éducation. Il cherche à vivre de sa plume, continuant de travailler comme ouvrier à se ronger la santé et se rend compte en fréquentant Ruth et sa famille que la bourgeoisie ne comprend rien à la culture. Devenant subitement un écrivain à succès, il part loin de toute l'hypocrisie pour s'installer sur une île du Pacifique. Les dernières pages, la fin de l'histoire de Martin Eden sont émouvantes.
Le héros comme Jack London, sera tour à tour ouvrier, pilleur d’huîtres, trimardeur, marin, chercheur d’or, reporter de guerre, militant socialiste, écrivain de renom. Comme Martin Eden, Jack London en 1909 est terriblement fatigué par le travail et usé par l'alcool quand il rentre d'un tour du monde inachevé à bord de son voilier en déclarant "Je suis fatigué au-delà de toute expression et je reviens chez moi pour me reposer" avant de mourir d'une overdose de morphine. Martin Eden qui sera lu ce soir est le roman le plus autobiographique, surtout annonciateur des intentions de Jack London et si passionnant ; Certainement assez captivant pour une belle veillée au 20 rue des petites écuries dans le Xème arrondissement, emmitouflé à L'Ouvre-Boite qui annonce : "Une nuit hors du commun, Petite restauration sur place, Croissants chauds et pains au chocolat dimanche matin à 7 heures...N'oubliez pas votre duvet!"
JackLondonOuvreBoite