Je suis une fan absolue de Colorama conduit par Carwyn Ellis et de son projet parallèle Bendith. A chaque réception d'album, je suis mordue. Le gallois travaille depuis un an sur Some Things Just Take Time, magnifique nouvel album qui paraitra vendredi prochain, le 1er septembre 2017.
J'écrivais sur Bendith cet hiver et sur Colorama l'an dernier.
"Le Pays de Galles regorge de précieux artistes et Colorama, de Cardiff, y dépose sa pierre pop psychédélique depuis 2008 avec un premier album Cookie Zoo. (...) Entouré sur scène et en studio d'une brillante bande de musiciens, Colorama marque les esprits des poppeux dès cet opus trouvant un public de plus en plus solide au fil des concerts comme celui de Glastonbury en juin 2009 quand son meilleur ami et bassiste avec qui il fonde le groupe, David Fletcher, meurt. Un deuxième album suit en septembre 2009 ; Magic Lantern Show offre des titres en anglais et en gallois, dont Dere Mewn devenu depuis un hymne contemporain pour les gallois. "
"Colorama signe le troisième album Box qui lui vaudra d'être nominé aux Welsh Music Prize et d'imposer le langage gallois au grand public notamment via le quatrième album Llyfr Lliwio écrit à 100% dans sa langue. Carwyn Ellis qui apprend la clarinette en école de musique à 8 ans, complète son éducation familiale musicale avec le basson à 11 ans et plus tard joue de l'orgue, de la guitare et du piano, accompagnant sur scène Oasis, Paul Weller, Shane MacGowan, Edwyn Collins, Van Morrison, Neil Young, Ryan Adams, Stereophonics et Proud Mary."
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Carwyn Ellis, auteur-compositeur, est aussi multi-instrumentiste et producteur, diplômé de la Royal Academy of Music garde son âme d'artisan et cela fait un effet éclatant sur disque. La qualité sonore exigée et cadrée qui parcoure les sillons de Some Things Just Take Time mêlée à l'humilité et à la sincérité offre un résultat émouvant. Colorama marie l'intimité au récit, l'art de composer des mélodies divines pour accompagner des paroles presque cinématographiques. Les décors sont plantés, les lumières ajustées, les personnages présentés et sans prévenir les harmonies surgissent discrètement ou passionnément. Carwyn est un génie pour créer du rêve. J'entends dans ce bijou pop différents styles et des atmosphères variées. Mais surtout j'entends sa mémoire, sa musique et les couleurs de Nashville, l'âme de Johnny Cash, Bing Crosby, Burt Bacarach, Calc, Lee Hazlewood et Glen Campbel. Carwyn est un artiste poète qui se nourrit des voyages, globe-trotter du XXIème siècle tel un écrivain de la beat-generation, il contemple ce qui l'entoure, l'aspire et s'en inspire. Il mémorise et retranscrit sa conscience, joliment ornée, sur partition.
Some Things Just Take Time c'est l'Amérique et son folklore qui l'inspire, celle qu'il foule du pied en 2000 en se rendant dans les studios de Memphis pour enregistrer avec le groupe d'amis the North Mississippi Allstars. Le sentiment qu'il éprouve lors de ce séjour est décrit sur Halcyon Days qui commence le disque. Les titres écrits ont beaucoup de substance comme sauvegardés en l'état d'enregistrement direct pour coller au mieux l'ambiance des concerts live. Le titre Some Things Just Take Time en dévient fort touchant quand la guitare guillerette comme un mustang qui trottine le long du mississippi s'allie au chant subtil de Carwyn.
La ballade stylée pop sixties So so Long, riche de rythmiques où le marteau du piano vient se joindre à la fête, est exquise. En mouvance, tournoyante sur le coffre de la guitare acoustique, la mélodie virevolte et enivre. Les excellents arrangements sont aussi peaufinés grâce à la participation en studio de fabuleux musiciens. Il y a Cody et Luther Dickinson de North Mississippi Allstars aux guitares, piano et percussion, avec Rob et James Walbourne de The Rails, The Pretenders et The Pogues à la guitare, mandoline, dobro et percussions. BJ Cole ajoute sa touche à la guitare et Jason Wilson de The James Hunter 6 à la basse. L'enregistrement compte aussi les batteurs Luca Nieri et Rupert Brown, ainsi que la violoniste Emma Smith de Seamus Fogarty, Meilyr Jones et Hot Chip. It's Not You est une mélopée savoureuse, solide et belle qui est mon coup de coeur parmi les onze trésors. Avec ce titre plein de douceur, on s'abandonne aisément à ses notes brillantes et harmonieuses. L'effet est le même avec la somptueuse guitare et les choeurs délicats de In Your Memory qui relate une lettre écrite par un mineur piégé à sa femme. L'americana entre en piste sur Special Way et sa guitare pedal steel qui fait résonner l'âme du bayou pour évoquer un soutien sentimental positif et fleurissant. Quand Colorama joue Give it a Miss, le piano perpétue un air rétro de l'Amérique des années 30 qui souffle sur le violon. La voix séduisante de Carwyn fait des merveilles. La contrebasse croone chaleureuse et jazzy pour de nouveau nous inviter au dépaysement sur le romantique But of course qui précède l'amoureux I Owe It All To You et ses frissons garantis. La guitare acoustique est magique, ensorcelante, comme sur Long Haired Doney au blues envoûtant et vibrant, au son du rain-stick et des cordes de guitare enregistrées en 2010 à Londres au studio d'Edwyn Collins West Heath Yard Studios et au studio Toerag Studio de Liam Watson qui a travaillé avec les White Stripes. Colorama a finement rajouté un parfum british aux harmonies folk traditionnelles américaines.
L'album se boucle sur la grandiose Baby don't Go, reprise de Sonny & Cher avec une mandoline rayonnante, des envolées de cordes dont parle Carwyn "“I'm a big fan of Sonny Bono's songs and arrangements with their baroque flourishes, always delivered with gusto by the Wrecking Crew. This tune has been in Colorama's live sets ever since we started doing shows back in 2008, and we’ve always looked forward to playing and singing it. And now, I've finally come round to recording it with my very own wrecking crew!”
En attendant la sortie de ce bijou dans quatre jours, un autre très bel objet est à savourer. Le mini-album Avocet Revisited paru ce mois d'août 2017 est un hommage au guitariste écossais Bert Jansch concocté par ses compatriotes Alasdair Roberts,Trembling Bells, Modern Studies et Edwyn Collins qui a invité son fidèle ami Carwyn Ellis à participer. Un des albums majeurs de Colorama, Some Things Just Take Time est évidemment dans mon top 10 de 2017 mais surtout sur ma table de nuit (et de jour). Les instrumentations pleines d'intensité et les arrangements sont parfaitement géniaux. Colorama sait se renouveler et l'album plaira beaucoup sur le continent américain où peut-être l'oiseau lyrique de Cardiff s'envolera un jour.
Colorama