Ladyboy est l'alias d'Olivier Hazemann qui loin d'être un débutant, est un auteur-compositeur, interprète, magnifique musicien et producteur qui jouait avant son nouveau projet dans le groupe Kalash. Son album Ladyboy Project sort entièrement des sentiers battus, est d'une touchante efficacité dans son obsession amoureuse et dans sa musicalité.
Si on attend de la musique d'être touché, de s'échapper le temps d'un album, d'être titillé jusqu'à l'émotion, avec le Ladyboy Project, on est garni. La voix d'Olivier Hazemann dès les premiers mots de Tempozan le titre qui ouvre le bal, transporte dans une atmosphère presque onirique et vaporeuse. Comme au théâtre le premier acte plante le décor, une rencontre électrique qui se passe dans une rue, un escalier, une porte qui s'ouvre, mystérieuse. L'invitation charmante, pastorale qui parle d'oiseau et de fleur enchaine sur RDV qui continue dans une ambiance intime poétique et désuète, charnelle et sensuelle. Les cordes du violoncelle de Chloé Girodon offrent une veine classique et lyrique au texte qui voyage jusqu'en Asie. Le parler de Ladyboy prend une sacrée ampleur dès qu'il chante, enchante sur Necklace, palette de sons majestueux et des couleurs pastels du Fujimi, ornée d'opale, de perles quand arrive le tempo suave et rythmé de Ma Prestigieuse, déclaration amoureuse aussi caressante que féline. Puis Ladyboy et son orchestration précieuse nous invite au secret de l'anti-chambre transformée en shoji qui dévoile sa personnalité d'Eon. Le type de l'album est cinématographique, les bruits, les intonations de qualité, les thèmes se suivent comme une pellicule de film qui se déroule jusqu'à Transit et son maillet qui frotte les cloches japonaises.
Le voyage à Osaka continue avec Un oiseau sans joie, sa guitare sautillante, la ponctuation amusante et taquine de Ladyboy et son piano qui propulse dans un autre siècle. Les notes de piano dans Hiver, accompagnées de sa sirène, au chant digne d'un flocon de neige, rendent parfaitement la froideur du thème et son ambiguité. Sens dessus dessous où Ladyboy interprète avec une délicieuse moue le texte désinvolte, balaie les saisons pour arriver sur le sujet mouvementé de son amour. Au fond du saké fait apparaitre des cuivres, clarinette et cor, qui glissent sublimes jusqu'à Sakura, mélodieux, fluide, qui respire le désespoir et la mélancolie. EntreVous montre le talent d'écriture jouant avec les mots, dans un style proche de Gainsbourg, sur des guitares et un tempo enfiévrés. Le dernier titre Insulaire met en musique un tumulte sentimental, mental, sur un texte non conventionnel, fort lyrique, d'une beauté confondante. L'album est intemporel, pas académique, un coup de maitre d'Olivier Hazemann entouré de Sébastien Martel à la guitare, Sébastien Souchois qui écrit, arrange et dirige les cordes, et Toma Milteau, Benjamin Colin, Martin Gamet. A écouter absolument et se l'offrir chez nos amis de Microcultures qui ne cessent de promouvoir des artistes fabuleux.
En Avril 2014, The Open Rays enregistrent le deux singles Shine On puis Far From Spring qui paraitront en Octobre 2014 avec deux inédits sur un premier somptueux EP. Depuis que j'ai découvert ces quatre titres, vibrants, ils me restent en tête. Non seulement les chansons sont magnifiquement écrites, mais elles portent aussi une âme. L'auteur-compositeur Jarrod Gawne, guitariste et interprète est accompagné de Nico Breton à la contre-basse, Etienne Gautier au violon, Charles Duquette à la batterie, tous sublimes et talentueux. Les brigands, habités, passionnés, ont la recette pour concocter une musique qui donne la chair de poule; Tous les éléments sont là, la musicalité, une écriture fine, des arrangements en dentelle, un chant stylé et élancé. The Open Rays sont non seulement des techniciens aiguisés, mais aussi des créateurs inspirés.
Il y a une tendresse poétique dans l'archet d'Etienne, dès les premières notes de Rust Away qui se marie avec élégance à la guitare puissante de Jarrod et à la rythmique géniale de la contrebasse de Nico . La mélodie telle un diamant brut délivre un texte plein d'espoir dont l'énergie nous capte. La ballade pop folk Far from Spring, contrairement à son titre, nous enveloppe d'un air printanier, parfumé d'arpèges, d'harmonies fraiches et délicates. L'alternance chevaleresque de douceur et de force dans l'orchestration, dans le tempo de Charles, s'allient à un texte de toute beauté qui va comme un gant au groupe "And though we're far from spring, I still hear the birdies sing, They don't seem to worry about the season, They don't need no rhyme or reason, They just like to sing". The Open Rays ont le don de transmettre leur élan dans les nuances colorées de leur musique, comme une photographie musicale, pleine de brillance, jouant entre le blanc et le noir, le 'fer' et les 'perles' de Shine On où la chamber pop devient rock, vaillante, prenante. Le lyrisme enflammé poursuit sur Oil and Sparks, racée et transportante, où The Open Rays donnent de l'allure et de la personnalité au titre. Le chant de Jarrod parfait, vivant, est aussi un des éléments merveilleux du morceau quand il entonne "I'd like to fill your heart With oil and sparks, Let fireworks explode, When we come close".
Les médias canadiens s'emparent de The Open Rays, invités sur CBS Canada, en plus d'une série de concerts à Montréal qui je l'éspère les mènera en Europe bientôt. Joseph Joubert (1754-1824) disait "La musique a sept lettres, l'écriture a vingt-cinq notes". The Open Rays offrent une musique avec une nuée de lettres et une écriture rimbaldienne à mille notes. C'est la plus belle découverte 2014 sur Piggledy Pop qui restera fidèle, attachée, impatiente de connaitre la suite. TheOpenRays
J'écrivais en 2013 "Découvert il y a quelques semaines grâce à mon cher ami des Flandres expert en indie-pop, Cocoanut Groove m’a fait tomber en pop’pamoison. Riches en mélodies, en instruments intelligemment orchestrés, les productions de cet ex Tidy Ups et Everyday Mistakes se savourent en boucle. La première, l’EP The End of Summer enregistré en 2008 est un délice sonore stylé sixties orné d’harmonica, de caisse, de castagnettes, de violon et de guitares. La même année, le jeune suédois Olov Antonsson alias Cocoanut Groove signe son opus Madeleine Street de 10 titres comprenant trompette, orgue, violon, tambourin, guitares, basses, batterie formant une pléthore de titres baroque-pop ou orchestrale-pop dans la veine des Byrds ou des Left Banke qu’il admire...Cocoanut Groove signe un fabuleux ep de 6 titres Colours, en 2010. Là encore, les titres sont parfaits, des merveilles pop abouties comme l'étaient Madeleine Street et Castle qui permettent de patienter avant un deuxième disque sacrément attendu. Ayant pris son alias d’une chanson de Roger Nichols, Olov Antonsson qui en plus de savoir écrire des textes et composer avec brio, joue de la guitare, du clavecin, de l’harmonica, de la basse, des percussions, qui se nourrit de Bob Dylan, des Beatles, des Smiths, de Simon & Garfunkel ( clin d’oeil au fameux duo sur Huckleberry) puis The Clientele, ou encore Love a appris récemment à jouer de la mandoline."
En janvier 2014 parait le feutré How to Build a Maze et ses 11 titres. Olov y est indépendant et sait composer, comment arranger ses mélopées. Prendre la direction du 'solo' est visiblement la plus courageuse et la meilleure des décisions. Après Prelude qui nous plonge immédiatement dans son univers artistique oldies, nostalgique et précieux, arrive le somptueux How to Build a Maze et ses airs beatlesiens en diable qui plaira aux amateurs du genre. Sa voix sonne parfaitement juste et mélodique. La trompette est jouée par Elfrida Bergman, l'orgue par Mattias Malm, la batterie par Calle Thoor et Per-Anton Runesson, la basse majestueuse sur tout l'album par Josef Ringqvist. On a Monday Morning reflète le talent d'écriture de Cocoanut Groove à la plume philosophique et poétique. Les harmonies sixties psychédéliques comme celle de The High Coast poussent à la rêverie et à la méditation tout en remuant son popotin et ses orteils (pas incompatibles). Idéal pour la ballade, la promenade, le style sunshine pop que l'auteur aime rayonne sur les chansons. L'âme de Bob Dylan et de Paul Simon qu'aime Olov viennent voltiger sur Fair-Weather Friend, un peu plus folk que les autres pour évoquer la sournoiserie d'un ami un peu branlant dans ses bottes.
Puis Colours, paru sur vinyle en 2012 (avec les titres The Storm, I've Been Following Lonely Roads, Huckleberry, The Spell, July ) est constellé de rythmes, donnant envie de jouer des castagnettes sous un sombrero avec ses cavalcades de trompettes, son clavecin déluré, le violon grandiose de Gunnar Lantz et ses 'lalalala' pop époustouflants. La batterie s'y amuse sans scrupules. Suivent deux titres que j'adore, un peu dans le sillage des Belle & Sebastian, qui nous invitent à danser sous le soleil d'été, North Country Summer et Afternoon. Le morceau suivant A secret Tune est construit finement, vaporeux de cuivres et de guitares envoutantes comme sur le magnifique Night Walk, initiation romantique à la ballade dans un parc sous un ciel étoilé bercé par le chant des mouettes. Le groove et la pop gorgée de claviers, de claphands et du chant limpide au charme aristocratique de Olov, tel un pétale léger nous comble sur Seven Flowers. How to Build a Maze est attachant, plein d'excellentes mélodies superbement interprétées, qui promet une suite délicieuse en compagnie de Cocoanut Groove. Je confirme deux ans après "Ce jeune troubadour suédois m’inspire de l’admiration et de la gratitude" et les amis péruviens de Plastilina Records sont, pour notre grand plaisir, d'accord.
Sea Dramas est un groupe de San Francisco conduit par Scott Pettersen, auteur-compositeur, guitariste, pianiste et bassiste, peintre et sculpteur en parallèle et fait de la musique depuis qu'il a 15 ans : "Growing up, I listened to the music my parents had -- Cat Stevens, Simon and Garfunkel, The Doors. They had good taste in music. Later, my dad got into New Age music. My mom was always more into rock 'n' roll. They were always really supportive". Après son premier groupe Wayward Sway, il lance son propre groupe Sea Dramas en s'entourant du guitariste Dwayne Anderson, du bassiste John Mulhausen, de la chanteuse et clavieriste Marlaina Rae et du batteur Ted Kamp. Pour ce deuxième album de Sea Dramas, Beware the Ephemeral de mars 2015, qui suit Soft Wake de février 2013, la formation a un peu changé mais les amis du début sont toujours présents.
Untwined est le titre qui ouvre le bal avec des voix à foison dont l'accompagnement féminin gracieux de Erin Skidmore, les guitares et claviers sixties dans la veine des Essex Green, les battements de batterie frais et dynamiques de Rafael Herrera, accrochent l'attention d'emblée. Les instruments alternent, servent intelligemment la chanson, lui donnent des airs légers, printaniers sur un thème de déception amoureuse. Puis les cordes de guitares deviennent langoureuses et élégantes sur Maker of Heart, offrant un tempo dreamy, des accords iodés et fifties scintillants de pop, faisant penser aux Beach Boys. La Californie parfume les titres, avec les refrains chantés en choeurs, avec le thème de la mer, présent dans le nom du groupe, mais aussi largement souligné dans les paroles. Les mélodies resplendissent une atmosphère maritime ensoleillée et joyeusement agitée à l'image de San Francisco. Avec un chant chaleureux baryton de Scott, des notes voltigeantes de clavecin et clavier, des arpèges de guitares dignes des Byrds, Sometimes Repeater est un bijou musical surf pop magnifique. Le style sunshine poursuit avec le délicieux orchestral pop Ending Game. Il y a une flopée d'amis musiciens qui participent à Beware the Ephemeral dont Jason Quever à l'orgue, guitare électrique, et percussions, Ted Kamp à la batterie, Marlaina Rae dans les voix, John Mulhausen et Luke Borello à la basse, Caitlin Keen au violon. Le coeur brisé est l'habitant principal de Gragodeo Villas oscillant entre le mellow surf pop à la manière de Dick Dale et la pop sixties sucrée et romantique. Tous les titres véhiculent une dose d'UV et que ce soient les cloches de Gragodeo Villas ou les castagnettes de River Dream Song, la musicalité et l'inspiration fertile de Sea Dramas nous emmènent en voyage, rêvant de collines sur Wait for Sunrise, d'étoiles, de canyon ou de hautes mers comme sur Roll Like the Wave. La manière old-school d'aborder l'orchestration sixties apparait aussi dans le chant et les thèmes nostalgiques juvéniles. On reconnait la patte professionnelle et somptueuse de Jason Quever du groupe Papercuts qui en plus de prendre part aux instrumentations, produit et enregistre les mélopées de Scott dans son studio. Les deux personnalités alliées ne peuvent qu'offrir un album fleuri et coloré de sons, d'ambiances et de partitions parfaites. Lion Jaw est construite comme une mélodie indie-pop d'excellence, la plus contemporaine dans les arrangements, ornée de paroles particulièrement psychédéliques, de violons, guitares et claviers endiablés. All a Wash termine l'écoute en ballade chaloupée parlant de la lune, du soleil, de sentiments retrouvés, de souvenirs avec les deux voix splendides de Scott et d'Erin, de guitares surf et des violons lyriques.
Beware the Ephemeral offre une brochette d'harmonies pastorales, ficelées et épicées d'arrangements et drapées de mélodies excellemment écrites. Les Sea Dramas signent là surement un des meilleurs albums de 2015.
Compositeur incroyable, il arrange avec un don surprenant et joue, interprète avec poésie et délicatesse ses compositions fleuries de textes tout aussi splendides. Rares sont les artistes français qui savent écrire dans leur langue et cette scène nantaise a apporté beaucoup à la musique indépendante dans la fin du XXème siècle. Sans eux, nous serions surement encore boursouflés de banana split belge ou autres âneries sonores limite acceptables pour un tour d'auto-tamponneuses. On sait que Pierre Pondu qui a depuis adopté le nom d'artiste Daven Keller écrit pour les autres comme le titre 100% VIP de Katerine, dont il a arrangé l'album Robots Après Tout. En 1995, le musicien breton fait ses valises pour Paris, y retrouve Miossec pour qui il arrange l'album Le déménagement et Katerine avec qui il travaille sur l'album Les Créatures. Entrant sur le label Village Vert, avec une écriture exceptionnelle, Pierre Bondu signe son opus Ramdam en 1999 puis poursuit son oeuvre d'arrangeur pour Dominique A, l'amie de ce dernier Françoiz Breut et signe la bande originale enregistrée à Sofia avec le Bulgarian Symphonie Orchestra pour le film de Catherine Corsini, La Répétition, sélectionné au festival de Cannes en 2001. C'est en 2003 que Quelqu'un Quelque part parait, puis sort Réaction A en 2008 suivi de Reaction B qu'il écrit, compose, arrange et produit offrant une atmosphère plus electrique, disco-pop, funky, toujours efficace et superbement ficelée. Ce mois d'avril 2015 arrive le génial Réaction C qui mérite un zoom sur la trilogie.
Réaction A attaque sur un rythme plein de plumes, de goudron, sans les corbeaux avec Indigène, qui nous laisse imaginer le scénario d'une cavalcade indienne sur un thème amoureux, physique. L'artiste est un batteur hors norme parce qu'il maitrise la technique et qu'il sait à la perfection poser son instrument, primordial pour donner forme à une composition. Déjà saisie par l'envie de balancer les hanches, le tempo endiablé ne lâche pas l'emprise sur Désormais Solaire qui comme le titre précèdent annonce la couleur, je devrais dire les couleurs, celles de Daven Keller. Il pose les cartes sur table comme les mains sur son clavier stellaire, sa batterie rayonnante, ses guitares et basse cosmiques et Daven pose aussi sa voix pour nous annoncer, clairement et efficacement, qu'il est là. L'artiste nous le dit de manière limpide sur Brune Nazareth "sanguin, sans frein" tel le prophète de la pop française que l'on attend en priant et en dansant autour du tipi le cheyenne-tap, sorte de Tecktonik enivrée qui scalpe nos nattes de pacohontas. Le feu dans la hutte continue sur les arrangements psychédéliques et pop, très entrainants de Freaks. Les guitares convaincantes accueillent le banjo irrésistible. Les paroles passionnées écrites par Daven Keller resplendissent de sonorités et tombent à chaque fois de façon mélodieuse et très juste sur les accords et les rythmes. Aujourd'hui comme demain, souffle un vent des grandes plaines du far-west sur le périphérique. Le morceau construit comme un film, alterne entre les images, les rythmes, pour évoquer la nostalgie absconse. L'electro-pop chevauche le clavier et la basse de Paranoiaque qui évoque la dépendance à des substances comme le sentiment amoureux quand Hallali parle du besoin de liberté face aux souvenirs paralysants sur une mélopée sixties psychédélique savoureuse. Daven sculpte ses orchestrations comme un orfèvre, en nappant ses arrangements de cordes et de clavecin alléchants. Interlude offre un sample d'applaudissements de public sur un artiste qui raconte sa vie, rond de dérision et d'un sens sarcastique craquant et croonant. Ce brin d'humour bossa est suivi par la splendeur poétique d'Outre-Atlantique, dans les mots et le chant de Daven, dont la voix caresse le piano, les flûtes et cordes de l'ensemble symphonique. L'artiste nantais nous dévoile son attachement et son bien-être sur le sol américain, comme sur L.A California qui lui inspire une carte postale sonore jouée au piano peinte sur un texte rythmique et émouvant.
Comme je le décrivais l'année dernière dans mon billet, il y a dans tout le savant travail de Daven Keller l'empreinte de son intérêt pour les musiques de films signées Magne, Morricone et Delerue. Réaction B est l'exemple par excellence de sa faculté à l'écriture symphonique et son don pour la composition de musiques de films. Avec Michel Gondry, Yann Tiersen, Alexandre Desplat, ils sont peu en France à oeuvrer dans le genre musical. Cela demande du courage, de l'intuition, de la sensibilité et une sacrée oreille, un sens de la musicalité que seuls les grands musiciens ont. Keller en fait partie avec ces 10 Métronomes qui composent Réaction B. Avec le travail d'un quator à cordes, sa propre orchestration et interprétation, Daven nous emmène dans un univers cinématographique allant de Spielberg à Hitchcock, où viennent flotter les âmes de Saint-Saens et de John Williams, mêlant des notes médiévales, fifties aux atours de la Renaissance. Les arrangements parfois slaves sont vibrants, denses, fluides et variés, comme Métronome 7 en guise d'hommage à Ravel, fort réussi. Les Métronomes de Daven Keller sont animés et colorés, offrant une richesse de rythmes comme sur Métronome 8 glissant sur des moments légers et romantiques comme le majestueux Métronome 9. Le mélomane nous invite à un moment de rêves avec Réactions B qui symbolise tout son parcours depuis 1999 aux arrangements de cordes et orchestres.
La trilogie se poursuit cette année 2015 avec Réaction C qui suit Réaction A de 2008, Réaction B de 2012 avec ces périodes entre chaques, pleines et fournies d'autres activités. Chronique là : DavenKellerPiggledyPop
Comme j'ai pu le lire et relire dans les billets sur internet (blogs et sites musico-culturo-intello qui finissent par 'part' ou font du gonzo, tout juste bons à se citer réciproquement comme des ânes pour remplir et avoir du contenu, pour finalement ne rien dire sur l'album et donner l'impression qu'ils n'ont rien écouter), ce qui revient donc souvent est que Daven Keller à jouer tous les instruments de l'album. C'est vrai que Daven à tout écrit, arrangé et dirigé en jouant sur l'essentiel de l'album où l'on peut noter aussi la présence de Sébastien Moreau à la basse sur Reverse, le travail de percussionniste de Pierre Avia sur 7 titres, les divers amis aux choeurs sur l'opus Merci la vie et l'artwork que j'adore, signé Jean-Manuel Goett.
Réaction C commence donc par un judicieux Merci la vie qui prend la forme d'une dédicace à ses proches, toujours aussi tranchant avec un langage entier et franc, essentiellement parler sur une trame electro-psyché en fond. Apocalypse dévoile les peurs du musicien en délivrant un tempo et un clavier décidés, un chant élégant et résolu accompagné de voix en écho et un clavecin dandy éblouissant. Bossa Nova souffle le chaud et la fraicheur dans les cordes de guitare qui séduiront les amateurs des Kings of Convenience. Daven Keller joue avec ses arrangements pop et funky sur Véridique, joue avec les termes et sa voix suave, charmeuse. L'ensemble des guitares, basse et claviers eighties est maitrisé. Ca groove, ça réveille les pulsions sensuelles quand arrive sur la platine le single Slogan qui dégaine une batterie, des synthétiseurs et des guitares intrépides, sur le texte cadencé de Daven aux rondeurs existentialistes impeccables. Reverse est tout aussi dansant avec sa basse excellente, entêtante, aux syllabes coupantes, aux sons qui fusent, des claviers inquiétants qui mitraillent sur un timbre de voix profond touchant. La sensualité délicate revient sur Eternel éphémère qui est en duo avec Charlotte Raffi, cinglé d'une basse splendide, flûte et clavecin seventies qui donnent un profil lyrique au titre. Easy partagé avec la même chanteuse est electro-pop, soigné et dandiné. Kamikaze siffle une ambiance réaliste, comme une radiographie des sentiments de l'auteur-compositeur sur une mélodie sixties agrémentée d'un rythme sublime et d'une basse digne de Melody Nelson. Cigarette fait swinguer les notes, les cendres deviennent groovy, fichtrement funky et de voix en voix, il me semble entendre aussi le travail complice avec Katerine. Puis l'humour des Chou- ba-di-wap de Hors du commun et son orchestration sunshine, bossa, apporte une atmosphère estivale grâce à une orchestration pop luxuriante. Little John offre des samples d'oiseaux, des choeurs printaniers et mirifiques, une sitar vraiment belle qui conclut l'écoute... avant de découvrir après un moment de silence une fin cachée succulente chantée en américain, country pop, qui fait écho à Réaction A.
Dans une interview, on demande à Daven Keller de définir son album. Il répond "Je dirais que Réaction C est un album de pop chantée, car même si, sur certains titres je parle plus que je ne chante, l’ensemble du disque repose sur l’idée de la pop de par sa structure (chanson avec couplets, refrains, pont) et de par ses influences. " C'est vrai que c'est pop, fleuri d'influences et un album solide, parfait. Le maestro Keller nous fait un très beau cadeau avec Réaction C, exact, élégant, riche de musicalité et de mots élancés.
Bien que je n'aie encore jamais fait de billet sur Josh Rouse, son nom apparait à outrance sur Piggledy Pop et ses albums sont chez moi, des pièces essentielles de la discographie. Je l'écoute depuis 2000 et me rends compte pour compiler ici son travail que le musicien originaire du Nebraska a déjà une carrière impressionnante. Avec une enfance et adolescence un peu nomade, il suit la famille qui bouge d'état en état, de la Californie, Utah, Georgie jusqu'à Nashville où le jeune homme de 18 ans avec ses premières chansons dans sa besace, qu'il pose enfin, prend contact avec les artistes locaux.
Josh Rouse a 26 ans en 1998 et il offre Dressed Up Like Nebraska avec la complicité du multi-instrumentiste David Henry (Cowboy Junkies) qui co-produit, chante dans les choeurs et joue violoncelle et basse. L'album d'emblée connait un grand succès. Puis l'année suivante, c'est le EP Chester partagé avec un autre ami musicien Kurt Wagner (Lambshop) qui parait. Les morceaux sont splendides, pleins de la griffe des deux artistes qui saupoudrent les mélopées de basse, de mélodica, de batterie avec Malcolm Travis, du violoncelle de David Henry, du piano de Curt Perkins et de la trompette de Dennis Cronin. Josh Rouse part sur les routes accompagner Aimee Mann, Vic Chestnut et d'autres pour rentrer écrire le deuxième album Home en 2000. Josh Rouse brille. En 2002, il ne cesse de rayonner sur Under Cold Blue Stars. Rencontrant le producteur Brad Jones en 2003, les deux compères se mettent à travailler sur 1972, année de naissance de Josh Rouse. L'album est impressionnant de rythmes, de mélodies, de groove, d'orchestration pop et d'arrangements dansants virevoltants. Les titres sont grandioses, fleuris de flûte funky, des cordes groovy du violon et violoncelle de Chris Carmichael, de cor et de saxophone avec Jim Hoke. Autour de lui, le fabuleux Curt Perkins qui fait vibrer ses claviers, James Haggerty fait swinguer sa basse, tout comme Brad Jones qui joue parfois de la basse et du vibraphone en quittant ses manettes de producteur. Les textes font un zoom sur les 30 ans de l'auteur qui signe l'excellent 1972 pour son anniversaire.
Ces années de productions élégantes, fondantes de subtilité sont un peu bousculées par les événements de la vie privée de Josh Rouse qui décide après un divorce et les attentats de New-York de partir vivre en Espagne où il retrouve son nouvel amour, se mariera et aura deux bambins. En 2005 parait le génial Nashville, écrit quand il était encore aux Etats-Unis. Il découlera de la décennie à Valence une série d'albums qui auront une autre saveur, qui j'avoue, m'aura un peu désolidarisée de son travail. Les chansons de Subtítulo en 2006, Country Mouse City House en 2007, El Turista en 2010 (rien à voir avec une indigestion) trop souvent en duo avec son épouse espagnole font, dans ma cuisine, un peu redescendre le soufflet. L'épouse qui intervient dans l'univers artistique de son mari qui beau prince l'aide à intégrer le domaine musical, ça peut paraitre mignon mais le résultat est inefficace à mes oreilles. En 2011, il regagne un peu en indépendance sur The Happiness Waltz où sa griffe personnelle réapparait en mettant le flamenco et la voix féminine au placard. Josh Rouse reprend petit à petit les rênes en signant The Happiness Waltz en 2013.
Il y a quelques jours, un ami qui connait mon intérêt pour l'artiste m'envoie la bonne nouvelle : un nouvel album de Josh Rouse vient de paraitre le 7 avril 2015. J'ai donc mis mon habit de picador, saisi la muleta avant de me capoter d'un casque audio en guise de bicorne, prête à décocher l'épée pour l'estocade. Mais surprise, à l'écoute de The Embers of Time, j'ai rangé l'habit de lumières et laisser les titres me parcourir l'échine.
Josh Rouse est de retour, avec son inspiration soul, folk et sa qualité d'auteur-compositeur chaleureuse, intelligente et sensible. Après m'être régalée de son écoute en boucle depuis plusieurs jours, je découvre sans surprise que le musicien est retourné vers son ancienne équipe de choc ; Chris Carmichael, James Haggerty, Brad Jones, auxquels s'allient Howe Gelb (Giant Sand) et un nouveau producteur et guitariste Nathan Golub. Il y aussi le talentueux bassiste, accordéoniste et pianiste Cayo Bellveser, ainsi que la lumineuse présence de la chanteuse Jessie Baylin originaire du New-Jersey qui vit à Nashville avec son mari Nathan Followill, le batteur des Kings of Leon. Sa voix de sucre d'orge, alliée à celle de Josh Rouse est magnifique.
Dès que la mélodie du titre Some Days I'm Golden All Night entame l'album, je reconnais le grand style généreux et typé de Josh Rouse. Ses arpèges de guitare délivrent des particules d'air folk américain. La basse et le vibraphone se dandinent gaiment, groovent sur les violons et le wurlitzer jazzy. L'harmonica de Too Many Things On My Mind poursuit la délicatesse avec la contrebasse, la rythmique boogie, la flûte dansante, accompagnant un texte introspectif. Josh avoue un profil autobiographique à The Embers of Time dû au résultat d'une longue psychanalyse le sortant d'un état dépressif. L'americana de New Young aux guitares et à la basse fulgurante, au piano splendide, mariés aux choeurs sur le chant si beau de Josh Rouse, propose une mélodie solide. Puis la cadence nous enveloppe avec You Walked Through The Door, au texte amoureux et aux guitares mutines, basse taquine et piano grandiose. Time accueille l'accordéon pour évoquer l'action du temps qui déploie ses regrets et anime la mémoire, la nostalgie aussi au moment d'une sorte de crise de doutes, de manque de confiance en lui depuis qu'il est expatrié.
Guéri, l'artiste en parle poétiquement et pudiquement également sur le duo avec Jessie BaylinPheasant Feather, réellement réussi en tous points avec des arrangements pop folk divinement ensoleillés. Suit l'exquis et langoureux Coat For A Pillow, où les sentiments mélancoliques du musicien nous emmènent en voyage. Quand le jazzy et bondissant JR Worried Blues arrive aux oreilles sur les accords pop des guitares qui groovent avec l'harmonica, il y a l'âme de Me and Julio Down by the Schoolyard qui vient flotter et la descendance artistique avec Paul Simon devient évidente. Ex-Pat Blues est un titre éblouissant de délicatesse, arrangé avec finesse, qui précède le galopant Crystal Falls, relatant avec belle humeur et des hoooo hooo chantés, le moment de son enfance, les déménagements, et tous ces copains jamais revus. Le piano fait rayonner l'esprit boogie, la basse nous fait chavirer le coeur, et l'ensemble de la chanson qui conclut l'écoute touche, tant elle englobe à elle seule tout l'univers musical deson auteur. Josh Rouse est bel et bien de retour, avec ce 11ème album The Embers of Time raffiné, inspiré, fort réussi qui prend sa place avec 1972 dans le panthéon des disques Piggledy Pop. (Grand Merci à Philippe Lavergne) JoshRouse
Oh Mercy est un duo crée sur les bancs du lycée de Melbourne par Alexander Gow qui écrit, compose, chante et joue piano et guitare, et Thomas Savage. En 2007 ils commencent à fréquenter les salles de concerts et à faire parler d'eux jusqu'à la sortie du premier EP de 2009 In the Nude for Love. Le groupe se fleurit de Eliza Lam à la basse, Rohan Sforcina au synthétiseur et Simon Okely à la guitare. Oh Mercy signe le magique Privileged Woes en 2011 que je conseille. Ils tournent en Australie, puis aux Etats-Unis, accompagnant Crowded House, Temper Trap, Splendour In The Grass, pour 300 concerts en 3 ans quand Savage quitte l'aventure scénique en 2011, restant guitariste pour les sessions d'enregistrement. Alexander Gow porte désormais son projet Oh Mercy seul, signe le somptueux Deep Heat en 2014. Entre temps, l'artiste australien part jouer au sxsw d'Austin, participe à la compilation de chansons de Crowded HouseThey Will Have Their Way aux côtés de Sally Seltmann, Paul Dempsey, Sarah Blasko. Cette dernière reprendra plus tard un titre de Oh Mercy pour un de ses albums. Il posera plusieurs mois ses valises à Portland avant de passer à Paris et participer à la compilation Mélodie Française, nominée à l'ARIA.
La première mélopée Deep Heat qui est aussi le nom de l'albumest pleine de chaleur, dans les mots comme dans les arrangements, faisant fondre une flûte sensuelle sur la basse qui taquine, très groovy sur Rebel Beats qui suit. L'album nous emmène sur les routes foulées par Oh Mercy, de Nashville à Portland, jusqu'en Australie. Le voyage sonore est un délice qui sent la poussière, le soleil, le plastique cramé des câbles et les expériences vécues évoquées avec humour et frivolité. Le sarcastique My Man est dansant, épicé de cuivres qui ornent la basse taquine, mordillante quand Fever arrive habillée de rock, de pop groove sur un thème incisif dans la veine de Bob Dylan, influence majeur, dont Alexander emprunte le nom du 26ème album Oh Mercy pour son alias. Tandis qu'on quitte l'image entêtante et dépendante des oiseaux de My Man "I had the clowns, had the horses, had pigeons too"..."Then I called for the doctor i said 'well my head aches', He said 'the birds just go crazy for that dead beat taste', I got a black bird baby picking at my brains", c'est 'the eagle' que l'on retrouve sur Pilgrim's Blues, déclaration amoureuse offensive où l'auteur se transforme en aigle, en singe, en cardinal et en démon pour sa belle.
Le feu rock'n roll brûle aussi dans Europa, tout comme dans Suffocated, aux guitares et à la batterie rutilantes. Le style ska vient décorer l'écoute sur Still Making Me Pay, puis le tempo virevoltant de la basse et de la batterie réapparaissent sur Drums, encore plus séducteur et accrocheur. Labour of Love apporte la note romantique et florale au groove rock et pop, où la griffe d'Alexander Gow est resplendissante alliée à celle du producteur Mitchel Froom qui travaille notamment avec Crowded House et Elvis Costello. Alexander a écrit tout l'album au piano, écrit tous les textes, et les notes bicolores du clavier sont présentes aussi sur le sublime album Privileged Woes, dont j'affectionne particulièrement la fibre pop avec des morceaux grandioses comme Lay Everything On Me, Get You Back, Astrid No, ou encore Couldn't Let You Drown.
Alexander Gow annonce un nouvel album en offrant le single Sandy, le 15 mars 2015. Je reviendrai me pencher sur cet album à venir avec délice et une curiosité enthousiaste, Sandy étant un titre auréolé de promesses.
Dans la famille Cohen, la passion pour la musique pop, le talent et l'action, sont la sève de l'arbre généalogique. Le papa de Chris, Kip Cohen, dans les années 60 devient producteur, manager d'artistes et un des piliers des grands labels américains. Il sera notamment le premier à signer Herb Alpert. Sa maman, Lynn Cohen, alias Lynn Carlysle, est une actrice new-yorkaise qui a joué sur Broadway des pièces comme PS I love you de Miller. Quant à sa soeur Alex Cohen, elle est reporter, journaliste musicale et animatrice de radio, qui gagne des prix comme le LA Press Club’s Best Radio Anchor prize. Né en 1975 en Californie, il joue très jeune à la maison de la guitare, de la batterie, de la basse, du piano et commence à enregistrer ses premières chansons sur cassette à seulement 12 ans. Chris Cohen depuis, évolue au sein de nombreux groupes et projets depuis des années. En 2000, il met le pied à l'étrier avec son premier projet de San Francisco Natural Dreamers, parallèlement il crée The Curtains, puis en même temps, il rejoint Deerhoof en tant que guitariste. En 2008, il lance l'autre projet Cryptacize et continue d'accompagner en tournée une nuée de groupes, de travailler avec une pléthore de musiciens comme en 2011, apparaissant à la guitare électrique et acoustique 12 cordes sur l'album Wit's End de Cass McCombs.
En 2012, il offre son travail personnel et pas des moindres, le splendide album Overgrown Path.
L'artiste qui a écouté et fréquenté la crème des artistes pop sixties grâce à son père, saupoudre son album d'influences brillantes comme les Beach Boys, Van Dyke Parks, Kinks, Zombies, rejointes par les âmes de Syd Barrett et de Nick Drake qui viennent trotter dans les accords psychédéliques ou acoustiques. La particularité du disque est dans son interprétation et son orchestration, totalement aux soins de Chris Cohen qui y joue tous les instruments, hormis sur le dernier titre Open theme où son père l'accompagne au piano. Les sons surf, pop, groove, parfois même jazzy font vibrer les neuf excellentes mélopées qui commencent par Monad. Le musicien ouvre le bal avec ses guitares et basse, sa rythmique pop magnifique, un casio psyché délicieux et son chant pastoral qui d'emblée captive. Solitude enchaine sur le même thème mélancolique et sentimental, sous le soleil californien qui a bercé l'auteur-compositeur plusieurs années avant son installation dans le Vermont. Les éléments naturels ornent les textes, les couleurs habillent les 2.30 minutes aux allures atmosphériques quand le sublime Caller No.99, savoureusement pop nous fait dodeliner du chef. Les rythmiques enflammées poursuivent leur promenade sur Rollercoaster Rider, mélodie somptueusement alternative et orchestrée avec finesse. Le timbre de voix de Chris Cohen est si désarmant qu'on se laisse emporter volontiers à son écoute. Le charme continue d'opérer avec Heart Beat, mis en beauté par la batterie et la guitare acoustique alliée à la stratocaster et une basse sensuellement sixties. Les "pumpumpum" ensoleillés de Optimist High envoient la dose d'UV sur des paroles nostalgiques, délicieusement désuètes, et une basse, des guitare enthousiastes. La sunshine pop est bien là avec Inside a Seashell, mellow et sucrée à souhait pour imaginer un coucher de soleil sur des vaguelettes bucoliques. Le chant, les arrangements et la mélodie de Don't Look Today sont succulents, soutenus par le texte d'un camaieu bleu, rond de poésie, et d'un tempo qui envahit les hanches quand Open Theme vient conclure l'épopée musicale champêtre avec grâce et élégance. Le voyage se termine dans l'ombre de tours, comme s'il peignait un ciel d'automne sur Central Park, sur Brooklyn où Chris Cohen a élu aussi domicile pour travailler avec ses groupes. Overgrown Path est une pièce maitresse pop, nécessaire à une discographie de bon goût.