Naxatras n'est pas le nom d'un somnifère mais celui d'un groupe grec de rock, de pop psychédélique qui tient les sens bien en éveil. Formé en 2012 à Thessalonique, le trio John Delias à la guitare, John Vagenas au chant et à la basse, Kostas Harizanis à la batterie signe un premier album Naxatras en 2015, fulgurant. Un EP nommé Naxatras EP suit en 2016 et l'impressionnant II d'avril 2017 surprend tout le monde.
Les thèmes favoris traités sont le voyage, l'espace, les astres ; Du petit lait pour un groupe psychédélique qu'ils décrivent eux-mêmes comme "Trippy, groovy, heavy stuff straight from the heart of the Universe..." La première fois que j'ai écouté I am the Beyonder, je suis restée accrochée aux branches. Pour un premier galop, c'est époustouflant de qualité. Les compositions sont sculptées, de toute beauté, pas un seul grain de sable vient déranger le mécanisme huilé et harmonieux. A l'écoute des titres dynamiques et musclés des Naxatras, l'effet d'hypnose soit électrique soit planante est garanti. J'aime me régaler de leur univers, groove, pop psyché, rock et surtout, en montant le son. La pilule de Naxatras est bonne à toute heure.
Les six morceaux de II durent entre cinq minutes et 10 minutes, le temps de plonger dans la qualité des instrumentations, ornées de tambourin et de saxophone assurés par Alex Vagenas . Oort Cloud commence l'épopée, juste pour armer les guitares et mettre en branle les amplificateurs. Quand Proxima Centauri arrive, la rythmique qui s'élance modeste et sereine sur la basse et la guitare électrique nous prépare doucement, surement, à une montée en température digne d'une croisade cuisante. Alternant le tempo, Naxatras maitrise son sujet et offre un titre cosmique, taillé dans le brut. Les cordes des guitares et les cymbales font des étincelles sur le tambourin d'Alex, qui mitraille un rythme poignant et agité. Les guitares scintillent de qualité, frôlent l'excellence sur le sensuel et incroyablement efficace Sisters of the Sun : "White gods on highways smiling in my dream, they want to show me everything I need. Up in the night sky, a light is shining bright, sending me floating 'round the galactic line. I wanna dive into your sea. I wanna give you everything".
Ce titre dantesque ouvre la voie à The Great Attractor, grand morceau rock vitaminé où le talent de musicien des trois compères va encore plus loin. La batterie fiévreuse donne le ton et la guitare électrique suit sans souci aussi frénétique et enragée. Le joyau sonore continue avec Garden of the Senses et ses dix minutes de splendeur. L'ambiance est aussi tendue que posée donnant un effet de force élastique, conquérante et endurante. Puis Evening Star avec son saxophone vient combler le repos du guerrier pour boucler l'écoute sur une note jazzy. Naxatras délivre des titres tout en puissance, bombardent des mélodies et des harmonies explosives de charme, de maitrise et d'enthousiasme. Les 3 albums de Naxatras sont à se procurer absolument.
Quittant Paris pour la campagne quelques temps, j'ai glissé le dernier disque de Thomas Fersen, Un coup de queue de vache dans mes oreilles. Je n'ai jamais chroniqué Fersen, pourtant je l'adore depuis le temps où je le passais dans mon émission de radio. Artiste touchant par sa sensibilité et son humour feuillu, talentueux, constant, il nous gâte depuis la parution du Bal des oiseaux en 1993. Ce premier incroyable album est suivi en 1995 avec Les Ronds de carotte, puis Le Jour du poisson en 1997, Qu4tre en 1999, Pièce montée des grands jours en 2003 que je diffusais sur les ondes, Le Pavillon des fous en 2005, Best of de poche "Gratte moi la puce" en 2007, Trois petits tours en 2008, Je suis au paradis en 2011, Thomas Fersen & The Ginger Accident en 2013 et en janvier 2017 Un coup de queue de vache.
Album magnifiquement arrangé par Joseph Racaille, Un coup de queue de vache est le récit de la vie des animaux de ferme et sans savoir si c'est du lard ou du cochon, à la manière d'Orwell et de sa Ferme des animaux, je devine chez Thomas Fersen sa poésie, son sens de la métaphore, de sa philosophie avant-gardiste. Romantique à la mode française façon Boris Vian ou du jeune Serge Gainsbourg, Fersen est notre Jean de la Fontaine pop national. Les chansons que l'artiste, né à Paris dans le 11ème arrondissement, écrit, sont des bandes dessinées. On suit ses histoires assidûment, on les croque, on les savoure avec un rictus permanent. Son esprit souriant porte les couleurs littéraires, historiques et musicales françaises offrant une impression de légèreté qui cache beaucoup de travail et de virtuosité.
Thomas remporte en 1994 la Victoire de la musique pour son premier album est 6 ans plus tard, est nommé officier de l'ordre des Arts et des Lettres. En 2008, au festival de la BD d'Angoulême il donne un concert illustré par Joann Sfar, auteur du Chat du rabbin. 2012, il participe à la BO du film Ernest et Célestine. Notre artiste touche le 7ème art, notamment en jouant dans Gaston Lagaffe en 2009 et dans Gainsbourg, vie héroique en 2010.
Le parisien nous invite à la campagne avec sa voix boisée, authentique et ses mots spectaculaires sur un ensemble à cordes toujours accompagné d'autres instruments, mandoline et banjo, comme explique Thomas Fersen :" Une fois les histoires écrites dans cette atmosphère agreste et sylvestre, j’entendais des cordes, donc j’ai établi un cahier des charges. Je voulais un quatuor sur toute les chansons, j’ai confié cette mission à Joseph Racaille que je connais depuis longtemps et qui a arrangé plusieurs de mes chansons tout au long de ma carrière. Il m’a proposé de rajouter un cinquième instrument à cordes afin de dénaturer et encanailler cette ensemble bourgeois, il voulait introduire dans ce quatuor une sorte de renard dans la basse-cour, à savoir un banjo et une mandoline pour lesquels il a écrit une cinquième partition."
Thomas décrit et explique son écriture " Le milieu rural, c’est un milieu que j’ai connu, mon paradis perdu. Ce monde plus que millénaire a disparu avec ma génération. Pour moi, en tant qu’enfant, c’était un paradis habité par des animaux, des peurs, des forêts, des champs, des personnages et des odeurs. Au départ, j’ai écrit une chanson qui s’appelait Les Petits sabots. C’est l’histoire d’une petite fille qui part jouer dans un bois, elle se cache dans un buisson où elle imagine tenir un salon dans lequel elle recevrait un lièvre, un oiseau et un hérisson, auxquels elle donnerait à boire de l’eau dans ses mains qu’elle serait allé chercher à la rivière. C’est une image d’Épinal. Cette petite fille, on la retrouve plus tard dans les bras de son amoureux. Elle a grandi, c’est une jeune femme, et dans les baisers qu’elle reçoit de son amoureux au cou de chevreuil, elle revoit son buisson. C’est une chanson sur le paradis perdu. Ensuite, j’ai imaginé qu’elle avait un frère, le benjamin de la famille, il est tourmenté par la puberté, il diabolise les soutiens-gorges qui sèchent dans la campagne. Après, j’ai créé l’ainée, partie en ville faire des strip-teases, ces trois personnages étant moi-même bien entendu. Le père aussi c’est moi, ce père qui souffre du dos et qui à cause de la pénibilité des travaux des champs doit aller voir une rebouteuse locale, une femme géante qui l’entraine dans une danse des caraïbes, la pachanga… Cet album, c’est en même temps des histoires sur moi-même et aussi sur des choses plus générales. » comme sur le déclin de la bourgeoise ou de la France."
Un coup de queue de vache ouvre le bal magistralement avec le coq plus humain que jamais qui trottine joyeux sur les arrangements du quator galopin et taquin. Puis Encore cassé lance la rythmique et s'immisce dans notre tête pour ne plus la quitter. La ballade accroche l'attention illico par sa ritournelle alternative réussie, ses envolées de mots et de notes qui donnent de la matière. L'interprétation de Thomas est vivante, théâtrale et sa manière de conter ses textes est unique, sublime. Les petits sabots est un bijou musical, tendre et magnifique qu'il serait d'utilité publique de passer comme comptine à chanter en boucle dans les écoles maternelles. La batterie promène ses baguettes gaiment sur La pachanga où entrent banjo et piano, guitare, instruments qu'affectionne et pratique Thomas Fersen depuis son adolescence. Tu n'as pas les oreillons, mélopée en forme de pierre précieuse qui évoque les émotions d'un jeune homme au stade de la puberté est follement belle et drôle avec sa contrebasse exquise. L'aventure continue avec Le lièvre, mélodieux, fantastique de poésie et de lyrisme urbain mêlé au thème champêtre. La beauté musicale de Testament saisit tant le chant de Fersen est sensationnel. Véritable chansonnier, ses intonations sont émouvantes, habillent ses mots de velours et de cristal. Testament fait dresser les oreilles et As tu choisi montre l'immense talent de l'artiste passionnément lettré avec sa douceur poétique. La cabane de mon cochon et sa mandoline continue la découverte du délicieux bestiaire délivrant l'état de l'abandon et d'un nouveau départ, d'une renaissance enjouée. L'humour ne déserte pas avec l'histoire du homard misanthrope Dans les rochers de Beg-an-Fry où brille la guitare sur la volière de cordes. Le musicien poète termine son chef d'oeuvre sur Big-Bang, magique et adorable qui dévoile l'histoire de la soeur ainée de la fillette décrite dans Les Petits Sabots qui va à la ville travailler dans un cabaret.
Thomas Fersen " je suis arrivé à un âge et à une étape de ma carrière où je veux éviter toute forme de contrainte. Je fais les choses qui ont un sens pour moi, que j’ai envie de porter en tournée, que j’ai envie de vivre."..."Je fais comme le lièvre de mes histoires, je vais où je veux."
Un coup de queue de vache de Thomas Fersen est un véritable coup de coeur que je classe dans le top 10 des albums 2017 sur Piggledy Pop. Il contient tout ce que la musique peut offrir, du lyrisme, de l'évasion et de l'émotion. ThomasFersen
Marco Rea est, au même titre que Stuart Kidd, un des auteurs-compositeurs interprète d'indie-pop écossais des plus talentueux. Il transporte avec lui un univers artistique plein de style, de classe et de lyrisme. Marco est presque anachronique. Il aurait été dans son élément de 1950 à 70. Le musicien de Glasgow dépose dans ses chansons autant de musicalité que de littérature, de peinture et partage son émotion très naturellement. Son élégance et sa préciosité transposées dans ses compositions offrent un résultat efficace, parfaitement intelligent et perfectionniste. Pour mes oreilles, c'est de l'or.
Marco épouse toutes sortes de claviers. Peau à peau, il excelle au clavecin, piano, synthétiseur, moog, joue de la basse, de la guitare classique et électronique. Il n'est pas seulement technicien, il invente et crée des mélodies sublimes qu'il chante avec tout autant de créativité. C'est au sein des BMX Bandits qu'il met le pied à l'étrier, plus exactement, le pied sur scène et dans les studios d'enregistrement, notamment pour l'album de 2009 Rise and Fall of BMX Bandits et pour celui de 2012 BMX Bandits in Space où il joue de l'orgue, de la flûte, de la guitare, du piano, chante et acte en guise de producteur. 2011, il prend part au groupe chorale The Store Keys comprenant Stuart Kidd, Roy Moller et Stevie Jackson des Belle and Sebastian, qui signe son album solo I can’t get no la même année. En 2014, Marco joue de la guitare sur la bande son du film musical God Help the Girl de Stuart Murdoch et en 2017, participe au magnifique album de Linden son ami de Barne Society, label collectif de musiciens écossais.
Si beaucoup d'artistes et groupes écossais font appel à lui, c'est en 2010 avec le projet The Wellgreen partagé avec Stuart Kidd, que Marco Rea déploie ses ailes et sous sa crinière brune, son sourire.
Marco Rea propose en solo l'année 2015 son premier album varié et coloré, comme le souligne son nom, Wallpaper Music. Il est toujours possible d'acheter la version numérique alors que la version cassette audio a vite été vendue. Ce petit bijou pop, chef d'oeuvre sunshine, m'accompagne depuis deux ans. Je m'y replonge souvent et me dandine à chaque fois comme si c'était la première. A commencer par le dandiesque et galbé instrumental Wallpaper Music qui oblige à se trémousser et à danser. La rythmique revitalisante est souriante. Caisse, basse et orgue se dandinent sans scrupule. Cette ambiance poursuit sa course guillerette avec la haute en notes et en couleurs Someone's Picture. Les harmonies glorieuses et immédiates invitent à chanter. Les fans des Euro Childs avec qui Marco travaille et de Doctor Cosmos y trouveront au détour des arrangements psychédéliques et très pop leur bonheur absolu.
Time arrive et subitement son charme d'antan, son romantisme évoquant le passé et des châteaux de sable, tournent et virevoltent aériens pour toucher les âmes sensibles. L'humour de Marco resplendit dans le tempo galopant de Sunday où son esprit rieur brille dans les flûtes, le piano et la batterie à la façon des Kinks et des Beatles. Puis Seen Her In The Sky vient surprendre avec sa mélodie jouée au piano délicate et mélancolique. Toute la personnalité de l'artiste transperce l'album.
On sautille sur des harmonies pop pour en quelques secondes s'émouvoir tendrement sur des notes captivantes de douceur comme sur All One. Les voix en chorale habillent celle de Marco, cristalline, qui sillonne les partitions avec un charme fou. Le mélange des notes de la basse, du piano et des cymbales vont se confondre au texte plein de poésie, d'images de voyage imaginaire, de bord de mer et ses bateaux, ses badauds, qu'observe un coeur brisé et isolé. Le titre To poursuit dans le même style, mêlant présent et passé, la solitude aussi avec le traitement élégant rempli d'espoir et d'optimisme de son auteur qui scintille à la guitare électrique. Le paysage et l'atmosphère des highlands subjuguent sur When You Fall Down où le soleil se pose sur la neige et les collines que survolent les oiseaux avec le piano majestueux. A l'écoute du chant somptueux de Marco qui zigzague et nous emmène le long des chemins dans les landes, la mélodie de Try qui suit marque autant la ballade de son rythme ondulant et balançant. Yesterday's Sun, magnifique et alternatif, déroule ses notes aussi envoûtantes et langoureuses qu'un What a wonderful World quand les touches de piano se mettent à gondoler, belles et nostalgiques, sur Il Strada Per il Villagio. La pop délicieuse de Family Plan crée de nouveau une ambiance inattendue, consolidant l'effet palette de peintre, d'harmonies et de notes prestigieuses que Marco Rea sort de ses instruments tel un magicien. Wallpaper Music est un tourbillon de chansons, un bouquet d'instrumentaux, composés avec inspiration et émotion, un cocktail d'airs très réussis à se procurer vivement.
Seth Swirsky est un auteur-compositeur américain réputé depuis les années 80. Seth est autrement artiste, multi-facettes, multi-casquettes. De façon passionnée, il crée et offre. Il aime aussi se perfectionner et s'instruire, toujours et encore. Il est écrivain, cinéaste, musicien, journaliste politique etc. Pour ses succès d'antan qui lui ont permis de se faire un nom dans le milieu et gagner un peu d'argent pour en vivre, on ne compte plus les récompenses ni le temps de ses titres chantés par d'autres passé au top des charts. Parmi eux, Love is a Beautiful Thing écrit pour Al Green. Il écrit pour Rufus Wainwright, The Go-Go's, Peter Allen,The Four Tops, The Spinners, The Delfonics, etc... pour plus d'une trentaine d'interprètes.
Ce qui l'anime c'est le baseball, les grands joueurs de ce sport avec qui il correspond depuis des années. Il partage cette passion en publiant ses lettres et échanges avec ces sportifs. Seth Swirsky signe Baseball Letters en 1996, Every Pitcher Tells A Story en 1999 et Something to Write Home About en 2003. Il fait paraitre son succulent dernier ouvrage d'un profil totalement différent et fort instructif en avril 2017, 21 Ways To A Happier Depression.
Seth Swirsky concocte aussi des chansons pour son projet solo en signant en 2005 le formidable Instant Pleasure puis en 2010, le somptueux Watercolor Day. Il y a un an, Seth nous offre son tout dernier album à tomber, Circles and Squares dont le titre Far Away est nominé chanson de l'année au Hollywood Music and Movie Awards. Parallèlement, l'américain s'allie à Mike Ruekberg pour former le groupe The Red Button qui sort l'album She's About to Cross My Mind en 2007 suivi en 2011 de As Far As Yesterday Goes.
En plus de composer, écrire, ses passions épousent la pop lorsqu'il tourne le documentaire Beatles Stories. Ami de Davy Jones des Monkees, Seth est fan des Beach Boys, Beatles, Donovan, Graham Nash qu'il interviewe pour son documentaire où l'on apprend que John Lennon sur ses derniers jours comptait voter Ronald Reagan et avouait être embarrassé par la naiveté des paroles de sa chanson Imagine. PS : Autre trait de la personnalité de Seth Swirsky que j'apprécie c'est qu'il ne vote pas à gauche. Démocrate dans sa jeunesse, il fait un virage assumé à 180 degrés avec les années ; Chose rare, appréciable, dans le milieu de la musique et de l'art, en général, qui ne respire pas la tolérance. Ses convictions ne le complexent pas. Cela fait du bien.
Après ce génial Beatles Stories, Seth retourne étudier et obtient ces deux dernières années à 55 ans un Masters Degree in Clinical Psychology avec lequel il soigne ses patients atteints d'anxiété et de dépression à coups de pop musique en les initiant à la création et l'inventivité.
Seth Swirsky fait résonner ses influences dans ses compositions indie pop. Je conseille chaleureusement les albums de ce maestro de la pop, cathédrales d'orchestrations et d'harmonies pop flamboyantes. Seth a le talent de Burt Bacharach, Harry Nilsson, McCartney dont il est savoureux de se nourrir dès à présent, sans tarder. Les constructions sont alternatives, fines et intelligentes comparables aux morceaux de Brian Wislon. La voix de Seth, ses mots poétiques et positifs, créent un ensemble brillant. Il écrit des titres vibrants et romantiques qui mêlent les instruments, les ambiances, les messages, les lieux pour enivrer et faire voyager. De l'Espagne à l'Ecosse en passant par Liverpool et la côte ouest américaine, on fait autant de sauts dans l'espace, dans le temps que de pas de danse. Les mélodies sont marquantes, légères et solides, intimes et douces, variées, colorées de piano, de guitares, de violons et trompettes. Impossible de se détacher des atmosphères que dessinent Seth Swirsky qui reste en boucle dans mes écouteurs et dans ma liste des artistes pop phares de Piggledy Pop.
Sophie Scholl Die letzten Tage est un film allemand sorti en 2005, réalisé par Marc Rothemund récompensé de l'ours d'argent au Festival de Berlin et nommé pour l'oscar du meilleur film en langue étrangère. Julia Jentsch dans le rôle de Sophie Scholl et Alexander Held dans le rôle de Hans Scholl sont tous les deux remarquables. Auparavant, il y a eu La Rose Blanche, film de 1982, réalisé par Michael Verhoeven. Il y a une bibliographie sur Sophie et le mouvement de la Rose Blanche très fournie, un mémorial à Munich, des noms de rues, un prix de littérature, le nom du pont de Strasbourg qui relie le Conseil de l'Europe et la Cour européenne des droits de l'homme...Le pont de la Rose Blanche... Un symbole qui j'espère ne reste pas qu'au niveau des pieds mais monte aussi jusqu'au cerveau.
Hanz Scholl 1942
Sophie Scholl est la Rose Blanche. Avec son frère Hans Scholl qui choisit le nom, ils montent un réseau de résistance au régime nazi en 1942. Tous les deux sont pacifistes. Leur démarche se veut sans violence et ne réside que dans les mots, les tracts distribués ou envoyés par la poste . Ce cercle clandestin était constitué en majorité d'universitaires attachés aux valeurs de la Liberté : Sophie, étudiante en biologie et philosophie, son frère Hans et ses amis de la faculté de Médecine, Christoph Probst, Willi Graf, Alexander Schmorell, né en Russie. Orthodoxe très pieux, il sera canonisé en 2012 par l'Eglise Orthodoxe Russe. Tous sont arrêtés et condamnés à mort, décapités, pour haute trahison en 1943.
Sophie a alors 21 ans. Elle est garde d'enfants. Elle étudie la journée à la faculté des sciences de Munich et la nuit venue, avec Hans et les amis, dès le printemps 1942, ils rédigent des tracts, les tapent, les mettent sous plis, les timbrent et les envoient. Pour disperser au maximum les tracts envoyés à des intellectuels, médecins, journalistes, écrivains, professeurs, libraires, Sophie se dévoue pour prendre des trains de nuit, avec sa valise pleine des tracts, qui partent de Munich et sillonnent l'Allemagne. A son arrivée dans ces villes, seule, elle tracte et glisse des paquets d'enveloppes dans les boites postales. Elle se désigne volontaire pour le faire parce que selon elle une fille prend moins de risques au contrôle des SS dans le train. Des milliers de tracts signés la Rose Blanche seront éparpillés et lus dans tout le pays.
Alexander Schmorell
Christoph Probst et Alexander Schmorell2
Les cinq amis ne sont pas seuls. Nombre d'autres résistants les rejoindront et connaitront le même sort l'année qui suit. Il y aura six essentiels tractages. Sophie et Hans sont des protestants très croyants, Willi est fervent catholique, en 1933, il devient chef de la Neudeutschland, une organisation catholique pour la jeunesse qui sera interdite par Hitler comme toute autre organisation pour la jeunesse autre qu'hitlérienne. Christoph, lui, demande le baptême en prison après son arrestation et se convertit à la foi catholique. Quant à Alexander, sa foi est vivace. Il y a le professeur Kurt Huber qui entrera en contact avec les deux membres fondateurs de la Rose Blanche, Hans et Alexander, très influencés par leur professeur, qui rejoindra le mouvement et sera aussi arrêté puis exécuté.
From Leaflet 3, extrait du Tract 3. "We will not be silent. We are your bad conscience. The White Rose will not leave you in peace!"
Sophie Scholl
Le premier tract fait essentiellement référence à la bible et cite Saint-Augustin, le second dénonce la Shoah et l'Holocauste, le troisième appelle à faire tomber le national-socialisme, le quatrième dénonce la politique militariste du Führer. Pendant l'hiver 42/43, la Rose Blanche se développe, est au sommet de son activité. Le cinquième tract "Appel à tous les Allemands" est celui que Sophie distribue dans tout le pays à des milliers d'exemplaires. C'est l'escalade des actions du mouvement qui en quelques jours marquent de leur signature tous les murs de Munich, sabotent la centrale électrique plongeant la ville dans le noir pendant une semaine. A l'université de la ville où se trouve le noyau dur de la résistance, les enseignants ne contrôlent plus la situation. Le 16 février 1943, les événements font paniquer les autorités et des chefs SS arrivent de Berlin pour faire la morale aux étudiants de la faculté qui crient, huent et se ruent sur la sortie en les bousculant. C'est dans les mêmes jours que Kurt Huber rédige le sixième et dernier tract de la Rose Blanche. Il sera tiré à 2000 exemplaires dénonçant les atteintes à la liberté du Parti national-socialiste, appelant à se soulever contre cette oppression.
Christoph Probst
Le 18 février Hans et Sophie Sholl prennent l'énorme risque d'aller déposer des piles de ce tract en plein jour dans les couloirs de l'université, en faire voltiger une liasse du balcon principal. Ils seront surpris par le concierge qui les dénonce. Sophie et Hanssont emmenés par la Gestapo, interrogés et torturés à la prison de Stadelheim pendant deux jours et deux nuits. Cela n'apparait pas dans le film, qui reste pourtant très fidèle aux procès-verbaux mais l'interrogatoire a été violent. Sophie arrive avec une jambe cassée sous ses béquilles le 22 février devant le tribunal du peuple présidé par le féroce SS Roland Freisler, ancien communiste. Le procès est expédié, en moins de trois heures c'est la sentence, peine capitale. Ce tribunal ne respectera même pas la loi autorisant 99 jours avant l'exécution. Sophie (21 ans), Hanz (25 ans) et Christoph (23 ans) seront tués le jour même à 17h juste après avoir eu le droit de dire adieu à leurs parents. Les témoignages relatent le grand et terrible courage de Sophie pendant les interrogatoires, le procès et quelques minutes avant d'être décapitée.
Willi Graf
Dans les jours suivants, Alexander (25 ans), Willi (24 ans), Kurt Huber (50 ans) sont exécutés, les autres membres seront arrêtés, torturés, décapités ou déportés dans les camps. Certains survivront, d'autres pas.
Sophie Scholl
Ce qui a réuni au départ les vaillants camarades de la Rose Blanche c'est une vraie et pure amitié. En 1942 quand Hanz enrôlé est envoyé sur le front de l'Est à Gagarine, Hanz tombe amoureux de la Russie. Il fait la connaissance des paysans russes et son ami Alexander qui est aussi au front fait la traduction. En rentrant, quand les deux amis se retrouvent le soir avec les autres, c'est souvent qu'ils entonnent des chansons russes. Hans joue de la guitare depuis ses 16 ans et avec Sophie ils lisent beaucoup, vont au cinéma et fréquentent les musées régulièrement. Les frères et soeurs s'écrivent et leurs lettres de 1937 à 1943 seront publiées. Ils y échangent leurs avis sur leurs lectures. Ce sont tous les deux de grands lecteurs, dans leur correspondance ils parlent de Goethe, Rilke, Hölderlin, Schiller, Lessing, Bloy, Gide que Hanz traduit, Maritain, Bernanos, Cocteau, Claudel, Dostoïevski, Aristote, Pascal, Kant, Jünger et Thomas Mann qui touché par la mort des jeunes Scholl leur rendra un vibrant hommage de Londres en juillet 1943 où l'écrivain en exil s'écrie sur les ondes de la BBC "Courageux, magnifiques jeunes gens ! Vous ne serez pas morts en vain, vous ne serez pas oubliés".
"Il faut avoir un esprit dur et un coeur tendre" - Sophie Scholl "La vie, c'est une grande aventure vers la lumière" - Hanz Scholl
Kommode est le nouveau projet de Eirik Glambek Bøe des Kings of Convenience accompagné de son ami d'enfance Øystein Gjærder Bruvik à la guitare, au chant et de Anders Waage Nilsen à la batterie, ces deux musiciens étant les membres du groupe Skog. Mais je suis en train de me demander s'il est possible que vous, mes chers lecteurs, ne connaissiez pas encore les Kings of Convenience...! Si c'est le cas, c'est très mal.
Kommode déboule comme une météorite 'dance-music' en 2017 avec le premier titre Fight Or Flight Or Dance All Night. Tout est dit, c'est plutôt clair quand on se penche sur les paroles. En ce début de mois de Juillet, la gourmandise reste affûtée avec la présentation du deuxième titre qui paraitra sur l'album Analog Dance Music, le fabuleux Captain of your Sinking Ship. Dans les deux morceaux, la brise pop norvégienne est porteuse de bossa, de jazz, d'un tempo dance-pop orné de sunshine pop, mêlant des mélodies joyeuses pour des thèmes moins drôles, ce qui facilite le message. La définition du label Brilliance Records s'accorde parfaitement au sentiment qui saisit à l'écoute des titres : "Kommode succeeds in creating music that would be the ideal soundtrack to a midsummer’s party, surrounded by friends, kissed by the sun, wine in hand, overlooking the ocean in the south of France."
Kommode c'est très beau, un patchwork galopant d'influences musicales très contemporain avec des arrangements fins, une orchestration parfois funky, parfois disco, assurés par les trois amis qui opèrent avec talent et amusement certain. Leurs voix sublimes se glissent subtiles sur les harmonies. Le jeu de basse d'Eirik va comme un gant au rythmiques d'Anders qui font rimer samba et funk sur les accords grandioses d'Øystein. Pour ceux qui sont prêts à avoir sacrément chaud en se trémoussant cet été, le vinyle blanc Analog Dance Music est en vente ici : Kommode
J'aime Paddy Hanna depuis les sublimes disques Join the Army de 2013, Leafy Stiletto de 2014, les singles Austria et Underprotected de mars et décembre 2015. "Paddy Hanna fait partie de ces artistes prolifiques et complets, auteur-compositeur et interprète au coeur de quatre projets, il joue de la guitare, du clavier, de la batterie et aime la scène où il est comme un poisson dans l'eau. Basé à Dublin, l'irlandais est actif au sein des groupes Grand Pocket Orchestra, Skelocrats, Ginnels et No Monster Club. Il n'arrête jamais (...) Pour fêter la Saint-Patrick en communion avec les amis irlandais, Leafy Stiletto est l'album parfait à savourer. Pop, dansant, harmonieux, le disque est croustillant de mélodies, techniquement sublime et Paddy y chante comme un rossignol punk sensible au retour du printemps. Sa voix, puissante et solide, s'amuse à faire des loopings (...) Paddy Hanna est un personnage, un musicien inventif et généreux qui délivre sur disques et sur scène son monde musical fleuri et varié fort stimulant. "
Cette année passée, Paddy a participé au magnifique projet associatif My Lovely Horse Rescue aux côtés de Duke Special, Neil Hannon, We Cut Corners, The Late David Turpin, No Monster Club, Sissy et Gar Cox, toute la joyeuse équipe du collectif de musiciens dublinois, le label Popical Island. Pour apporter leur aide, les artistes signent l'EP de sept chansons, My Lovely, dont le fruit de la vente est totalement reversé à l'association irlandaise qui protège et soigne les chevaux, poneys, ânes, abandonnés ou négligés. MyLovelyHorseEP
Avec la sortie en mars 2017 du single Bad Boys et Sunday Milkshake d'une cambrure pop fracassante, les fans se délectent du deux titres . Composés avec soin et inspiration, arrangés avec une orchestration délicate de cordes et de cuivres, ils sont habillés de textes toujours éloquents, amusants et colorés. Paddy a un don de compositeur ensorcelant, griffe des thèmes qui nous emmènent dans des sphères littéraires, cinématographiques, dans des histoires qu'il interprète d'une façon singulière. Il utilise ses cordes vocales comme un arc. Son chant peu être aussi tendu que relâché, ses émotions telles des flèches parsèment les mots où les notes de son harmonica. Sa voix typée et originale resplendit sans cesse. Les mélodies de Bad Boys et de Sunday Milkshake sont riches de rythmes, de style, et délivrent de la matière dans les instruments comme dans les thèmes. Le conteur prophète au charisme infini aime broder sur des sujets réalistes qui même clamés de manière directe et franche deviennent magnifiquement poétiques. Nous sommes de nombreux fans mordus par l'univers indiepop de Paddy Hanna. Le personnage fait partie du panthéon Piggledy Pop et j'espère un nouvel album bientôt. PaddyHanna
The Green Fields est un projet conduit par Chris Mondia depuis 2003 lorsque qu'il signe l'album Melodies For Afternoon. L'artiste de Philadelphie est un musicien multi-instrumentiste en plus de composer des mélodies et d'écrire des textes incroyablement beaux. Chris joue de la guitare, de la basse, mandoline, harpe, piano, percussions et batterie, glockenspiel et des amis viennent parsemer ses chansons de trombone, banjo, trompette, wurlitzer etc. L'âme des mélopées est pop, arrangée tantôt folk, country, sunshine et tantôt britpop dans la veine des Kinks et des Beatles dont son père, musicien également qui lui a appris à jouer du piano et de la guitare, est un grand fan.
Ses premières armes, Chris les aiguise au sein de Ella Megalast, formation indiepop profilée shoegaze, puis tourne et joue avec son second groupe The Aerial Tour Instrumental en signant l'album Introducing The Way Out…!!. Suite à la séparation, c'est l'occasion de se lancer en solo. Nourri d'influences colorées et parfumées depuis sont adolescence quand Chris pioche dans les disques de ses parents, il est mordu par le son des sixties et des seventies. Il aime retranscrire ce profond intérêt dans ses partitions. Les fantômes de Jimmy Webb, Burt Bacharach, Roger Nichols, Beach Boys, Glen Campbell, Byrds, Love, Small Faces et d'autres artistes de country, folk traditionnel, pop seventies allant de Charlie Rich, Tammy Wynette à Gene Clark et Gram Parsons réapparaissent dans son travail d'arrangeur.
Le 30 juin 2017 sort un nouvel album après 14 ans d'attente. I Dreamed Today Was A Day For Daydreaming que j'ai reçu il y a une semaine ne me quitte plus. Tous les titres sont somptueux et dignes d'un travail de très grand compositeur et arrangeur que la presse qualifie de profilé façon Brian Wilson. Chris Mondia a pris le temps de peaufiner et sculpter un véritable bijou alternatif et brillant de pop. Les textes y sont poétiques, à l'image de son auteur qui sensible à ce qu'il voit, à son environnement, dépose délicatement ses contemplations dans ses mots. L'ambiance est tendre, joyeuse, mélancolique, picturale et printanière. Comme un impressionniste, il agrémente ses chansons de couleurs, de saisons, de traits, d'ombres, de lumière et de sentiments. L'album I Dreamed Today Was A Day For Daydreaming est imprégné de la nature et de sonorités proches des univers de Gorky’s Zygotic Mynci, Belle & Sebastian, Ladybug Transistor, du label américain Elephant Six de Robert Schneider. Pour planter le décor, The Green Fields commence avec la pastorale et instrumentale The Young and Often Spring.
L'introduction jouée à la guitare acoustique nous plonge dans les effluves subtiles et euphorisantes du printemps naissant. Les notes sixties dansantes des guitares, des violons et des trompettes sur When The Blowing Wind Comes portent une énergie qui gonfle les voiles harmoniques. La performance vocale de Chris apporte un bonus à la structure mélodique en mutation permanente. Le chant, les arrangements sont souriants, dansants, solidement groovants. Les claviers motivés se marient joyeusement à la guitare sur Shadow On The Ocean qui sautille dans tous les éléments brillants de l'instrumentation. Les harmonies mutent, évoluent, s'entremêlent à la perfection comme une broderie de dentelle pop. L'orgue sixties sur les guitares garage de Words That Stay sont impeccables d'originalité et de grâce beach boysienne dans les choeurs. Le titre progresse et tel une chrysalide s'ouvre sur des arrangements alternatifs resplendissants. Quand arrive Now I'm Not Sure dans les oreilles, mon cerveau s'arrête net sur la qualité du jeu de guitare, la voix de Chris et ce texte amoureux nostalgique qui mêle les sentiments à la perception de la musique. La rythmique s'emballe comme un coeur tambourinant pour ralentir le temps de l'instrumental Still I See Your Face suivi du délicieux Fair and Tender Ladies.
La basse sur le glockenspiel et la batterie guillerette de A Lovely Sleep relance la cadence, assurée par le chant et les guitares qui donnent des frissons et de l'émotion dans les dernières secondes. Les accords de guitare sur My Dreams of Old Age, le cuivre de la trompette, caresses qui enveloppent l'audition, accompagnent un texte magnifique, blindé de respect et de sentiments amoureux qui transforme la chanson en merveille absolue et patine d'éternité. La chaleur ensoleillée de Glen Canyon, superbement produit, accroche l'attention et l'ambiance champêtre fait démarrer un déhanché incontrôlé. Will You Let Me Bend To Say enchaine ses notes cohérentes et fluides sur un début d'une douceur infinie qui se transforme en mélopée dansante et virevoltante. Puis Alania ornemente magnifiquement une fin d'album qui arrive trop vite avec ses envolées de violons sensuels et une construction alternative magique. Les sons mélangés aux silences donnent un ensemble passionnant, construisent une énergie musicale explosive pendant 4.50 minutes.
The Green Fields offre son jardin secret avec I Dreamed Today Was A Day For Daydreaming. Je m'y glisse depuis une semaine et savoure tout son lyrisme, sa chaleur et sa lumière, une nouvelle fois touchée par la grâce qui renforce ma foi en la pop.