Francis Roberge, de Montréal adopte le nom de scène Francis d'Octobre en 2009 en lançant sa carrière solo, après avoir fait ses armes des années durant au sein d'autres groupes québécois. Son histoire musicale commence par des cours de batterie et de guitare quand il a 15 ans, et tout en intégrant la faculté de musique, il compose et écrit ses premières chansons. Devenu batteur professionnel, il joue et accompagne d'autres artistes jusqu'à ce qu'avec des amis de longue date, musiciens et ingénieurs du son Loïc Thériault et Dominic Hamel, il décide de préparer son premier album, Ma bête fragile qui sort en 2010. L'enregistrement se déroule sur plusieurs mois, et plusieurs lieux dont un chalet dans les bois canadiens et un studio à Montréal. L'atmosphère naturelle et bucolique règne sur l'opus qui parle d'amour en français ce qui sonne encore plus romantique à mon oreille comme sur le titre Ma bête fragile, rythmé au son des claquettes. Francis, écrit magnifiquement, avec poésie et finesse, compose avec une manière alternative fort harmonieuse. Il joue de la batterie ou de la guitare avec dextérité, écrit des textes dignes de scénarios, imagés et narratifs, il sait aussi les habiller en sifflant ou en ajoutant des bruits de vagues, des flûtes virevoltantes sur un tempo stellaire sur Notre légèreté qui attire l'oreille et dévoile son univers. On embarque avec lui sur les flots avec L'homme à la mer, sur les rails avec Ame soeur, dans la campagne et la montagne avec Chercheur d'or, sous le soleil de Présent, dans la nuit sur le sensuel La pieuvre et Tigre. La superbe continue avec le piano mélancolique de Petite prière de chevet et sur les guitares rutilantes et les cuivres mutins de Noeud papillon noir.
Depuis Ma bête fragile, Francis d'Octobre n'a pas cessé de travailler, de créer, d'écrire, de composer et avec sa nouvelle poignée de chansons, il retourne en studio cette année. Le 18 mars 2014, l'artiste offre Le Commun des immortels, un album tellement beau qu'il arrive dans mon casque comme un cadeau. D'une grâce infinie, la voix de Francis y est vibrante, ses mots troublants et touchants qu'il sait ajuster à ses mélodies tout aussi solides et magiques. Six pieds sous la neige ouvre le disque avec un texte qui parle de rupture ornée d'une belle poésie pop arrangée avec des trompettes, piano, guitares et une batterie vivifiante. Les cuivres nous emmènent avec la basse sur le thème du froid dédain de Noir efficacement décrit, mis en musique tout en progression et en évolution exquises qui font entrer un ensemble de violons. Les titres émouvants s'enchainent quand Le Commun des immortels, lyrique, métaphorique où le temps est comparé à un papillon, contre la mort déguisée en requin, le troubadour construit un vaisseau blanc confortable et accueillant pour protéger son aimée éphémère et y vivre leur amour comme des immortels. Beauté Pandore propose une batterie et un piano taquin, des envolées de cordes et des choeurs guerriers, mystérieux. Les mouettes et la clarinette se lient sur L'amour mystique où le chant de Francis d'Octobre fait resplendir des particules d'harmonies sensuelles, de douceur cristalline, de musicalité dans l'intimité qui ondulent sur les violons brillants. Quand arrive l'entrainant et dynamique Règne Animal, là encore, le titre est un coup de maître dans la composition, la dorure des mots, la justesse puissante de l'interprétation. Tout sonne superbement, le tempo se marie aux thèmes, le chant suit l'orchestration avec un éblouissant équilibre où l'on peut entendre que Francis d'Octobre est un excellent musicien, formidable oreille qui en plus est dotée d'une plume inspirée et talentueuse. La nostalgie est de mise sur Chanson regrettée, palpitante et frémissante par son caractère confident et son accompagnement délicat en acoustique au piano. L'attendrissant Jouet de guerre, vue par un oeil frais et joyeux d'enfant face à la violence des armes rappelle la participation de Francis d'Octobre à la compilation de 2012 Partenaires pour la Paix avec le titre Le dernier Homme où il chante "Qu’il était grand le royaume ici, Depuis, mais maintenant je suis Le dernier homme, Je suis le dernier homme à quitter le bateau, J’ai été choisi pour descendre le rideau, Assis au bout du monde, je revois, Ces ombres qui, pour une croix, Ont mêlé le poing à la poussière, Parfois des bombes, même des pierres".
L'écoute se poursuit avec Ma plénitude qui évoque la fin des combats, quand Francis chante "tu ramènes la paix en moi", sur une mélodie légère et aérienne, une guitare et des balais langoureux qui frottent les caisses de batterie. Puis Quand je ne serai plus là, au son du piano poignant, au chant captivant et aux violons plein d'émotion précède les harmonies pop d'Une vie de funambule, où la mesure, le balancement de rythme marque l'avancée, pas à pas, pour accélerer l'allure de la voix, des cuivres et des cordes avec fluidité et cohésion. Ce bijou Le Commun des immortels est une belle réussite pour un deuxième album, vraisemblablement une des meilleures productions francophones de 2014 qui présage une jolie carrière pour Francis d'Octobre que j'éspère voir sur scène bientôt. Francisd'Octobre